La promotion de la course à pied portée par les médias européens
montre que certains coureurs surtout africains (essentiellement kenyans,
éthiopiens, marocains) sont réputés pour avoir ce type de conduites sportives que l’on dit pourtant n’avoir aucun
lien avec le haut niveau de performance.
L’un des derniers exemples offert par la presse internationale est
celui d’Habib Mosbah, un franco-algérien alpagué au début de l’année 2018, qui s’est
rendu célèbre pour avoir écumé les courses régionales françaises
(du Sud de l’Hexagone) et pour avoir participé, en quelques jours (une
semaine), à trois courses excessivement médiatisées sur les réseaux sociaux.
Le docteur Dupré affirme aussi que « dans le haut niveau,
pour les sportifs sans double projet, en cas de blessure ou de baisse de performance
(forcément logique au fil du temps), ils vont au-delà de leurs possibilités
naturelles, en prenant des produits ».
Le double projet dont il est question ici (mais que ne définit pas le
docteur Dupré) est celui qui, dans le discours sportif de ces dernières années,
permet d’allier, ou de tenter de réaliser, en synchronie le projet sportif
placé prioritairement parmi les objectifs personnels à atteindre et un projet
socio-professionnel se traduisant soit par un parcours scolaire, universitaire,
d’apprentissage professionnel temporellement adapté aux exigences du haut
niveau sportif avec en ligne de mire une activité envisagée dans la perspective
d’une reconversion ultérieure matérialisant le passage d’une vie sportive (y
compris de type professionnel) provisoire à une activité laborieuse inscrite
soit dans la durée soit dans la mobilité.
Dans cette vision, l’absence de ce double projet, pressenti comme
salutaire, serait synonyme d’une réduction de l’avenir à un projet personnel
basée sur l’unique réussite sportive. Elle conduirait inéluctablement au
dépassement de soi-même par le recours aux aides illicites.
On serait certainement tenter d’accoler cette explication du docteur
Dupré au quadragénaire Tayeb Kalloud, à
la carrière sportive déclinante, si les explications fournies par ce dernier devant les membres de la commission
fédérale française n’avaient pas emprunté une autre voie de défense qui fut,
nous l’avons vu, démontée.
Pourtant, le degré de crédibilité d’une explication de ce type est
élevé lorsqu’un regard sur le passé du coureur renvoie à une période où le
contexte d’évolution ne fut pas des plus enviables.
Ce que l’on ne sait pas (ou que beaucoup d’acteurs sportifs algériens
de l’époque ont certainement oublié s’ils en eurent un jour connaissance) c’est
que Tayeb Kalloud a fait partie d’une des premières vagues
d’athlètes-migrateurs des années 1990.
En des temps difficiles qui culminèrent avec la « décennie
noire ».
Tayeb Kalloud appartint à cette
catégorie d’athlètes (sportifs et sportives de toutes disciplines) considérés
comme des suppôts de Satan, obligés de vivre en semi-réclusion en attendant que
passe la tempête de l’islamisme radical, obscurantiste pourchassant sans pitié les
« taghouts » (les tyrans) au pouvoir et leurs partisans.
Les « taghouts » ont été, dans une société
bouleversée dans ses fondations par les massacres et les attentats, une
catégorie sociale à laquelle les athlètes, à l’instar (nous ne devons pas
l’oublier) de nombreux autres citoyens sans défense dont le statut d’universitaires,
de hauts commis de l’Etat, d’agents au service du public (tels les militaires,
les gendarmes, les policiers et ainsi que d’innombrables humbles fonctionnaires
de l’Education, des Postes ou du fisc) furent promptement et impitoyablement assimilés
aux représentants de la société et aux pratiques mécréantes signalées comme
celles qui n’étaient pas en phase avec les nouvelles règles, étrangères aux mœurs
religieuses locales, que d’aucuns avaient importées de contrées lointaines.