dimanche 28 octobre 2018

Migrations des athlètes, Les dérapages de la flagornerie



Sans qu’il n’y paraisse, ce repli sur soi de l’athlétisme algérien avait eu pour effet majeur de donner une forme matérielle à la parole populaire faisant qu’au pays où règne la cécité intellectuelle les boiteux régentent.   

Les athlètes des clubs les mieux nantis, bénéficiaires d’avantages et autres privilèges le plus souvent liés à la proximité (aides de la fédération, du ministère et comité olympique), ont monopolisé le devant de la scène sportive, trustant, à qui mieux-mieux, titres, accessits et autres records. Ils ont été à l’origine d’une sorte d’incitation attractive encourageant la migration endogène en étant également les bénéficiaires de l’émigration sportive qui n’est venue titillée l’esprit commun des citoyens en situation de se projeter vers cette idée. 

Le « plus pire » dans cette  polémique stérile, alimentant un microcosme inefficient, ayant pour objet la migration des athlètes est le dernier coup de massue, estocade portée par les ex-leaders du coaching algérien à leurs pairs, à ceux qui se débattent (on ne le sait que trop) dans la difficulté quotidienne d’un sacerdoce sans horizon, à ceux qui luttent, Don Quichotte des temps modernes, contre les moulins à vent érigés par un système sportif défaillant et un système de compétitions peu productif en performances mais facilitateur de l’introduction d’un athlétisme tout en dualité, à la fois à deux vitesses, à deux temporalités et à deux espaces.

On distingue, lorsque l’on veut bien faire l’effort de voir, l’existence de plusieurs formes d’athlétismes juxtaposées l’une à côté de l’autre. Il existe en premier lieu celui qui se pratique sur les stades d’Algérie et qui clôt sa saison en juillet avec le championnat national. C’est celui des amateurs antinomique de celui auquel appartiennent ceux qui se bercent des illusions de professionnalisme fait essentiellement d’obligations de résultats sans la possibilité de faire valoir un quelconque droit.

Le second de niveau de pratique est cet autre athlétisme qui se décline sur les stades d’Europe, entame sa saison en mai-juin pour l’achever avec les étapes les plus importantes des échéanciers internationaux.

C’est aussi la mise en place de règles qui s’appliquent à une minorité tandis que d’autres intéressent la majorité qui n’est pas concernée par les décisions les plus avantageuses proposées et validées par ces lobbies noyauteurs des instances fédérales.

lundi 22 octobre 2018

Ali Saidi-Sief (51), Azaidj : de Boghar au toit du monde


La pratique de la préemption fait partie des rouages, de la mécanique fonctionnelle de l’athlétisme. Nous avons souvenir que, quelques années plus tôt avant que Saïdi-Sief n’opte pour le MCA, au tout début de la décennie 1990, d’une situation de préemption, visible à tous, quasi-similaire à celle du coureur de Hamma. Il s’agit de celle de Yahia Azaidj, un cadet au talent malheureusement incomplètement développé.

Lui aussi, plus précocement, avait vu sa vie basculer. Quelques heures séparant la fin d’une course et la  montée dans le bus pour le retour à la maison avaient suffi pour passer d’une fin de matinée au début de l’après-midi. Deux instants symboliques du franchissement de la barrière marquant les territoires de l’insignifiance, inscrite dans le regard hautain porté au pays profond par l’algérocentrisme dominateur, et la mise en lumière éblouissante née de la révélation sur le champ de bataille national sur lequel Merlin l’enchanteur ou le djinn de la lampe magique d’Aladin serait intervenu.

Yahia Azaidj est ainsi passé de Ksar El Bokhari à l’équipe nationale junior de cross-country, puis à l’équipe nationale U20 (on disait alors juniors) d’athlétisme qui se déplaça aux championnats du monde de la catégorie qui se  disputèrent à Plovdiv (Bulgarie) au cours des mois qui suivirent sa percée et enfin, pendant de longues années, et l’équipe fanion qu’il quittera par une dernière course à l’édition 2008 des championnats du monde IAAF de cross-country .

Ksar El Bokhari a été connue sous le nom de Boghar. La ville est restée tristement célèbre dans les mémoires des anciens pour avoir été, lors de la guerre civile espagnole de 1936, un centre d’internement des réfugiés fuyant le franquisme.

Puis, pendant la guerre de Libération Nationale, il reçut les combattants de l’ALN et les militants du FLN faits prisonniers par l’armée française et condamnés à la réclusion et aux sévices.

Et enfin, après l’indépendance, ce même camp d’internement à la triste renommée fut transformé en un bataillon disciplinaire accueillant les jeunes insoumis aux obligations du service national et les jeunes étudiants réfractaires à l’idéologie dominante d’alors. La ville était réputée pour la rudesse des conditions de vie dignes du bagne.

Yahia Azaidj, natif de cette petite ville d’altitude moyenne (800 m), aux écarts de températures importants oscillant entre les chaleurs torrides du Sud et le froid rigoureux des Hauts-Plateaux, a fait partie de ces myriades de jeunes athlètes préemptés par le Mouloudia d’Alger, régnant en suzerain sur l’athlétisme.

Sa carrière sportive est restée (comme celles de tant d’autres) éloignée des ambitions chronométriques qui lui étaient pronostiquées. Amar Bouras, alors entraîneur de Hassiba Boulmerka et Azzedine Brahmi, et bien d’autres respectables spécialiste des courses de demi-fond voyaient alors en Azaidj le premier coureur algérien capable de courir le 5 000 mètres en moins de 13 minutes s’il passait sous leur coupe.

Ces projections ambitieuses ne se réalisèrent point. Yahia Azaidj est resté bien en retrait par rapport à cet objectif chronométrique. Il réalisa toutefois une carrière sportive internationale, somme toute plus qu’honorable, agrémentée du nec le plus ultra en matière de sélections dont celles pour les championnats du monde de cross-country (43ème en 2008 à 36 ans) et d’athlétisme et toutes les sélections pour les compétitions internationales intermédiaires (africaines, arabes, etc.) qui classent un coureur dans la hiérarchie algérienne.

Sa carrière se poursuivit jusqu’en 2008 avec de très estimables résultats dans les courses de fond (2 heures 14 minutes au marathon national de…. Mostaganem en 2006 dont le tracé avait tout à envier aux circuits internationaux réfléchis pour permettre aux coureurs de réaliser des chronos).

dimanche 14 octobre 2018

Migration des athlètes, Au cœur du « système»


Nous renvoyons encore une fois à la consultation des documents fédéraux, des listes établies par la fédération algérienne d’athlétisme à l’issue de chaque période de « mercato athlétique » érigé en moment le plus fort de la saison sportive balbutiante, celui où les forces en présence sont définies pour la saison à venir.

Cette documentation valide administrativement, en faveur d’athlètes de tous âges mais essentiellement les plus jeunes dont les règles de mutation sont censées être rigoureuses, la migration  d’un quartier à un autre, d’une commune à une autre, et d’un club à un autre ou extraordinairement (du jamais vu sous d’autres cieux et en d’autre temps) d’un club à une ligue ou à la fédération.

Cet état de fait a eu pour effet principal la disparition de la licence « individuelle » accompagnée autrefois du célèbre « maillot noir » aujourd’hui disparu d’une part et, d’autre part, l’apparition de situations scabreuses transformant des instances d’organisation et de régulation en des organes de gestion de cas particuliers.

Le plus souvent ces situations extraordinaires devenues communes ont vu l’implication de membres fédéraux en tant qu’intermédiaires pour passer outre au véto des clubs.

On observera dans ces documents que les limites réglementaires, imposées par les résolutions fédérales annuellement amendées, font l’objet de passe-droits connus de tous les responsables administratifs et techniques des clubs se résignant à contrecœur à ne pas pénaliser les jeunes pratiquants (benjamins, minimes, cadets) concernés par ce marché d’esclavagisme sportif cautionné par des parents aveuglés par les futurs profits mis en avant et les 1 000 dinars immédiats de mieux qui le plus souvent ne seront pas aux rendez-vous.

L’examen des listes fédérales d’athlètes licenciés montrera que de nombreux clubs, parmi les plus huppés du paysage athlétique national, ont eu recours par le passé à cette pratique peu usuelle dans le monde de l’athlétisme algérien. Le recrutement d’athlètes étrangers a toujours été opéré à doses  homéopathiques.

Il s’est agi généralement d’étudiant(e)s de nationalités étrangères, venus des contrées de l’Afrique subsaharienne, inscrit(e)s dans les universités algériennes dans le cadre des accords de coopération Sud-Sud. Un élément qui est de nature à minorer l’impact numérique de la migration vers l’Algérie.

Les études universitaires, dans l’immensité continentale, n’ont jamais fait bon ménage avec la pratique sportive de haut niveau. Excepté ces cas peu nombreux et la participation de quelques champions venus relever occasionnellement les plateaux de quelques meetings à participation internationale que l’histoire récente à reléguer aux oubliettes, l’athlétisme algérien a vécu en vase clos, en autarcie totale.

lundi 8 octobre 2018

Ali Saidi-Sief (50), Le ver est dans le fruit


Alors que les collègues proches, évoluant dans la proximité des deux entraîneurs, ont créé, sans que ce ne soit de leur part intentionnel, une zizanie qui n’avait plus raison d’être, Ali Saïdi-Sief (et ceux qui l’accompagnèrent dans son parcours mouloudéen) attribue depuis très longtemps la paternité de son éclosion à Hocine Benzaïma, un entraîneur d’une très grande discrétion.

Nous reviendrons sur cette controverse tapie et le plus souvent muette, retenue par ceux qui n’ont pas les moyens de réagir efficacement, qui apparait de manière récurrente lorsqu’un athlète émerge du lot. La carrière de Saïdi-Sief semble en être jalonnée.

Pourtant, au cœur de cette chicane, apparaissent en germe (c’est sans doute la dimension la plus importante que l’on puisse déceler) les rivalités locales qui, de notre point de vue, seront, quelques années plus tard, à l’origine du foisonnement et de la multiplication effrénée de clubs d’athlétisme dans la localité, si bien calés dans la hiérarchie départementale et régionale qu’ils rivaliseront d’égal à égal avec les leaders sur le plan des effectifs et des résultats en cross-country.

 Il en va autrement pour les deux grandes séquences temporelles de dissensions qui suivront. Nous préciserons simplement que la première est la période mouloudéenne antérieure à son insertion dans le gotha mondial correspondant globalement à l’avant 1999.

La seconde est relative au parcours sportif d’Ali Saïdi-Sief après le chamboulement consécutif aux événements liés aux championnats du monde d’Edmonton et à la suspension pour dopage qui s’en est suivie.

Dans les faits, cette période est chronologiquement la troisième : la période Hamma (avant 1996), la période MCA qui se subdivise entre la période MCA proprement dite (1996-1999) et la période angevine (1999-2001) qui est celle de l’envol. Elle est également celle qui eut pour pivot ou démiurge Philippe Dupont. Elle est la période qui voit Ali Saïdi-Sief être propulsé vers le très haut niveau.

La période mouloudéenne a été scindée en plusieurs séquences qui, comme toutes les autres,  demandent à être affinées. On sait que les relations athlètes-entraîneurs manquent de sérénité. De  plus, elles ne sont pas régies par le carcan administratif, précieux outil de reconstruction historique.

Par ailleurs, ces séquences ne s’inscrivent jamais dans la temporalité calendaire (année civile) ni dans le calendrier sportif (saison sportive). Ces deux organisations du temps et des activités s’entrechoquent, se croisent, se décalent, s’entrelacent et se superposent dans une multitude d’agendas.

Des éléments d’informations laissent supposer que l’on peut considérer qu’Ali Saïdi-Sief a fait partie du « groupe Mouloudia » dès que les résultats du championnat national de cross-country de Tarf ont été connus. Ce moment correspond à la fin de la saison nationale de cross (mars-avril 1996) à laquelle succède la saison internationale à laquelle Saïdi-Sief prit part tout en étant absent au sommet que sont les championnats du monde junior.

Dans l’organisation effective de l’athlétisme algérien, une formule transitoire dite de « la préemption » parait avoir fait partie des usages en vigueur. Ali Saïdi-Sief a bénéficié de ce système intégré en tant qu’élément de la brume de l’informalité ambiante qui l’accompagnera toujours.

Cette démarche de préemption est plus fréquente qu’on voudra l’admettre. Pourtant, de nombreux athlètes, surtout de jeunes espoirs placés dans le même contexte que celui dans lequel Saïdi-Sief était plongé, en ont joui.

Cette vision du réel renvoie pour le moins à une gestion particulière des deniers publics. Elle a été, au nom des intérêts supérieurs du club ou de la nation, intégrée dans les mécanismes du fonctionnement général de l’athlétisme national et fédéral. Les usages du microcosme sportif avaient pris le pas sur la règle administrative.