mercredi 23 mars 2016

Jeunes talents (6), Les débuts difficiles de Morceli

C’est au cours de l’été 88, que l’étoile Morceli débuta son ascension. Là-bas, au pays du froid, à Sudbury (Canada), aux championnats du monde juniors, il conquit (sur les talons du Kenyan Wilfred Oanda Kirochi), une médaille d’argent qui lui ouvrit  la fois les portes du Riverside Collège en Californie et celle de…. la gloire.
C’est en 1986 que nous entendîmes parler pour la première fois de Noureddine Morceli dont « Aâmi » Cherif Grabsi (qui venait de rentrer dus championnats nationaux de cross –country qui s’était disputés à Draâ Ben Khedda) nous dit d’abord qu’il était le jeune frère d’Abderrahmane, une pointure du  demi-fond international de son époque avec un record national à 3.36.26 (qui présente la caractéristique très intéressante et rare pour une course de cette distance d’avoir été égalé par Rachid Kram) qui ne sera amélioré que par….Noureddine qui fit, pendant un temps, que le record national le record du monde. Le résultat : Noureddine abandonna.
En ce temps-là, où nous étions confinés par nos obligations professionnelles à Constantine, Aâmi Cherif était nos yeux et nos oreilles. Bibliothèque vivante de l’athlétisme algérien, il nous rapportait des informations  sur tous les jeunes du pays qui présentaient quelques talents. Ce fut un partenariat enrichissant. Il suivait les compétitions auxquelles nous ne pouvions assister et nous en parlait avec ravissement lors de longues discussions émaillées de ces détails qui ne peuvent  être perçus  que par ceux qui ont l’athlétisme chevillé au corps et le savoir pour en parler intelligemment. Un besoin de parler d’athlétisme, de partage que nous retrouvâmes avec délectation chez Hadj Mohamed Mechkal. L’indifférence que portaient les détenteurs du savoir et du pouvoir aux symboles de l’empirisme qu’ils représentaient les avait mis (à des degrés divers) en marge de l’athlétisme constantinois et algérien. Seuls, leurs connaissances du passé et leur réussite par athlètes interposés intéressaient leurs interlocuteurs. Quant au savoir non validé par des diplômes, tous s’en gausser.
Aâmi Cherif, entraineur bénévole,  passionné de la méthode d’entrainement de Raymond Chanon  (et de son Cat test) qui avait encadré son stage de 3ème  degré vers le milieu des années 80, améliorait sans cesse ses connaissances en la matière. « Aâmi » Chérif n’était pas jaloux de la réussite des autres. Bien au contraire. Il nous semblait heureux de nous rapporter l’émergence de « petit(e)s » champion(e)s même…..s’ils devançaient ses propres athlètes. Il attira ainsi notre attention sur le jeune (il était alors cadet) Yahia Azaidj et de Baghdad Nasria.
Pourtant, « Aâmi » Cherif n’était pas informé de tout. Il ne put expliquer l’abandon de Noureddine. La cause ne nous fut révélée que bien plus tard (en 1992) par Mohamed Hamouni, son entraîneur très discret à Chlef. Juste après l’échec des Jeux Olympiques de Barcelone, Mohamed Hamouni nous raconta comment Noureddine fut à deux doigts de perdre un pied blessé par un coup de pointe reçu à ces  championnats national de cross - country de Draa Ben Khedda (un haut lieu de la course à pied féminine sous la houlette de Jean-Claude Ameziane). Mohamed Hamouni fut le sauveur (il n’en tirait aucune gloire) de Noureddine en faisant soigner un pied connaissant une inflammation qui annonçait un  début de gangrène pouvant entrainer une amputation.
Cette médaille des Championnats du Monde de Sudbury, les relations qu’entretenaient son frère Abderrahmane et son futur manager (Ammar Brahmia) avec la championne olympique marocaine du 400 mètres haies (1984, Los Angeles) Nawel El Moutawakel, lui valurent d’obtenir une bourse d’études au Riverside Collège, en Californie. Il avait 18 ans.  
De cette Amérique, des conditions de vie au Collège, Noureddine, que nous avons rencontré pendant toute une journée après notre reportage à Chlef, évita d’en parler.  Il nous sembla même réticent à aborder le sujet. Vraisemblablement, si nous l’avions poussé dans ses derniers retranchements,  s’il avait dû en parler, il nous aurait employé cette locution qui ponctue les discours des jeunes Algériens : « Normal ! ».

En 1990, Lotfi Khaida, son compagnon au Riverside Collège, avait été un peu plus disert sur les conditions d’études qui étaient celles du trio algérien (Khaida, Morceli, Réda Abdenouz) et de leurs condisciples américains et d’autres nationalités : bourse d’études qui permet de vivre chichement, programmes difficiles, cours de langue, petits boulots dans les cafétérias du Collège obtenus sur interventions des coaches, entrainements intensifs.  Réda Abdenouz n’avait pas pu les supporter. Khaida et Morceli persistèrent. On connait leurs carrières. 

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire