lundi 4 avril 2016

Des entraîneurs (7), Le galet dans l’oued

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Ikipédia, lorsqu’on recherche le profil de Thierry Pantel, indique que Bernard Brun a donné le nom de son athlète le plus marquant à une séance d’entraînement consistant en un enchaînement de 1 000 mètres (courus à allure spécifique, c’est-à-dire à l’allure que l’on veut respecter en compétition de 5 000 ou de 10 000) et de 500 mètres (courus à une allure plus rapide) avec deux modes de récupération (incomplète entre le 1 000 et le 500) mais plus longue avant de repartir pour le 1 000 suivant.
Avec cette « séance Pantel », portant le nom de l’athlète qui l’a popularisée, dans les années 90, auprès du public français, Bernard Brun est entré, par une porte dérobée, dans l’aéropage des entraîneurs d’athlétisme qui ont innové dans le domaine de l’entraînement de la course à pied. Ce n’est évidemment que Wikipédia, ne pouvant rivaliser décemment avec « Le Larousse » à la réputation bien établie, mais……son nom est cité incidemment dans le profil du « Kenyan blanc » (surnom donné au coureur cévenol) disponible dans l’encyclopédie alternative et ouverte.   
Une simple citation qui le porte presque au niveau que Van Aaken,  Lydiard, Cerruty et tant d’autres qui, dans des temps bien lointains maintenant, ont révolutionné les modes de pensée des entraîneurs. Cette citation n’est qu’un élément constructif de la notoriété acquise auprès du milieu (ne serait-il que français) de l’athlétisme.
Comme Bruno Gajer, mais sans les facilitations de toutes sortes que peut apporter l’appartenance à l’INSEP, Bernard Brun est l’auteur d’un ouvrage (« Entrainement en course à pied ») qui se veut être un manuel de l’entraînement, le livre de chevet du coureur à pied. Bernard Brun dit de son modeste ouvrage qu’il trouve sa place dans le sac de sport du coureur à pied avide de s’entraîner intelligemment. Nous aurions envie de dire que c’est  la « Bible du coureur à pied » si ce n’est que  cette expression a été utilisée par un autre « faux » entraineur, Serge Cottereau, qui s’est lancé, il y a quelques trois décennies dans la vulgarisation (à grande échelle) de l’entraînement aux courses de longue distance.
Ce dernier, quasiment à la même époque, vulgarisait une perception différente de l’entrainement basée sur l’endurance, le volume alors que Bernard Brun privilégie la qualité en s’appuyant sur le Cat-test popularisé par Raymond Chanon, le travail de la VMA  et l’entrainement à l’allure spécifique. Cette approche fut révolutionnaire à un moment de l’histoire athlétique où en France les adeptes de Claude Dessons systématisaient le kilométrage en tant que moyen de progression. La fameuse « sortie longue » vue par Bernard Brun ne dépasse 1 heure 30 minutes pour un marathonien.   
Les « faux » entraîneurs sont marqués par la modestie et ont de la reconnaissance pour leurs aînés. On l’a vu avec Bruno Gajer dédiant son premier livre à Camille Viale. Il en est de même pour Bernard Brun qui, dans la neuvième édition de son livre (publié sur papier recyclé, un signe de son implication dans  une perception écologique de l’univers), indique l’apport du conseiller technique départemental qui fut son mentor, son tuteur (au sens donné au tutorat par le système d’enseignement supérieur LMD), une sorte d’accompagnateur dans sa quête du Savoir qu’il trouva également auprès de Véronique Billat (physiologie de l’effort) et Denis Riché (nutrition).
Bernard Brun était engagé dans la voie empruntée par tous les entraîneurs, celle où les préoccupations sont celles du terrain. Nous avons cru comprendre que Raymond Chanon (auteur de « L’entrainement à la course » édité en  1970) fustigea ce comportement par une simple expression («trucs d’entraîneur») qui conduisit Bernard Brun à la rédaction de son livre au sujet duquel il écrit dans une dédicace : « Voici ce modeste ouvrage qui est le fruit de beaucoup de travail, d’interrogations et de doute comme tu le dis si bien un modeste galet dans le lit de l’oued ».

Sans que l’on y prenne garde, la formation de Bernard Brun s’est effectuée dans le système ancestral d’acquisition de la connaissance présentant des similitudes avec les méthodes didactiques des « chouyoukhs », détenteurs d’un savoir diffusé par contamination et d’un enseignement que l’on retrouve encore dans les écoles de musique andalouse ou chaâbie dont il s’est échappé en rejoignant les supports de transmission modernes de compétences. 

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