vendredi 12 août 2016

Lanceurs d’alerte (3), Kara Goucher enfonce Salazar

P
endant sept ans, Kara Wheeler-Goucher a été une star au sein du groupe NOP. Elle a fait partie des coureuses de fond parmi les plus célèbres d’Amérique du Nord. A son palmarès, à l’époque où elle s’entraîna sous la direction de Salazar, on trouve dans son palmarès, une médaille de bronze remportée sur le 10.000 m des championnats du monde 2007 (Osaka). Ce qui étonne les observateurs c’est qu’elle a toujours tenu des propos élogieux au sujet de son coach. Son changement d’attitude mérite des explications

Lors de la première interview qu’elle aurait accordée depuis son départ du groupe, elle est assise à côté d’Adam, qui est à la fois son époux et son ancien partenaire d’entraînement dans le groupe. Elle observe (ce qui n’est pas, jusqu’à preuve du contraire, un défaut) que Salazar est un obsédé de la victoire, « un gagnant-à-tout-prix».

Kara Goucher explique sa déclaration, sa dénonciation à la fois par la crainte et la lassitude ressenties. Une déclaration au sujet de laquelle on ne se gêne pas pour dire qu’elle aurait été facilitée par le fait qu’elle ne fasse plus partie du projet Oregon et a donné naissance à un bébé. C’est cela (la naissance d’un enfant) qui aurait modifié sa perception de l’existence. Elle nous apprend que son départ du groupe serait consécutif à l’incitation de Salazar à lui faire prendre un médicament thyroïdien (Cytomel) - pour laquelle elle n'aurait pas eu de prescription  médicale - destiné à lui faire perdre du poids pendant sa préparation en vue de sa course de rentrée, après la naissance de son fils Colten.

Kara Goucher ne fait pas dans la demi-mesure. En complément à cette affirmation, elle assure (excusez du peu) que Salazar a violé l'esprit des règlements américains sur les prescriptions médicales. Nous noterons que, dans le prolongement de nos précédentes chroniques sur cet aspect de la gestion de l’entraînement et des fondements scientifiques sur laquelle il repose, Goucher révèle qu’elle prenait déjà une hormone thyroïdienne de synthèse (Levoxyl) prescrite, avant son entrée dans le NOP, en raison d’une hypothyroïdie héréditaire. Donc une AUT authentique.

Mark Daly (qui porte à notre connaissance cette information) indique que le Cytomel ne doit pas être utilisé avec d'autres médicaments utilisés dans les affections de la thyroïde, ou pour perdre du poids (ce qui est incidemment la situation dans laquelle se trouve K. Goucher). Il signale aussi (sans donner d’autres précisions) que de fortes doses de ce médicament « peuvent causer un préjudice grave ». On comprend un peu mieux maintenant les craintes de Kara.

Nous l’avons vu précédemment, Salazar a été approché par la BBC pour apporter sa version des faits. Il a refusé et se contente (avec Galen Rupp) de communiquer par déclarations. Il ne répond jamais aux questions qui lui sont posées si ce n’est en prenant du recul, en imposant son timing et en se donnant le temps de réfléchir aux conséquences qui pourraient en résulter et donc de fignoler sa réponse.

Au sujet de cette tentative qu’il aurait exercée sur Kara Goucher afin qu’elle  prenne du Cytomel et de la déclaration de cette dernière, il a beau jeu de réfuter l’accusation portée par son ancienne athlète  en déclarant qu’«aucun athlète au sein du projet Oregon utilise un médicament qui aille à l’encontre de l'esprit de ce sport que nous aimons ». Il ajoute pour écarter toute forme de suspicion (née ou à venir) que tout médicament pris l’est en considération « des conseils et sous la supervision de professionnels médicaux enregistrés ». Il se réfugie donc derrière le paravent apporté par l’expertise du corps médical.


L’article de Mark Daly montre incontestablement qu’Alberto Salazar est un habile communicateur capable à la fois de faire valoir une maitrise sûre des méandres de la réglementation de la lutte antidopage en affirmant que le traitement de la thyroïde n’est pas interdit par la réglementation mise en place par l’AMA et, en même temps, de faire prévaloir son incompétence en matière d’avantages qui pouvaient en découler sur le plan de l’amélioration de performances.

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