Le meeting s’était terminé tard.
Il avait été suivi par une réception donnée par les organisateurs, à
l’intention des athlètes, entraîneurs, dirigeants internationaux (président de
l’IAAF, Primo Nebiolo) et invités (le prince héritier du Royaume d’Espagne et
son épouse) et les journalistes, dans une salle de sports donnant à la « Coupole » et à
la « salle Harcha » la dimension d’une salle
omnisports de proximité comme on voit tant dans les villes de l’intérieur du
pays.
Après cette réception et le
retour à l’hôtel, nous nous offrîmes une balade pédestre nocturne dans les rues
de Barcelone. En agréable compagnie, celle d’Azzedine Brahmi (médaillé de
bronze aux 3000 mètre steeple de Tokyo) appartenant au « groupe
Bouras », du Marocain Moulay Brahim Boutayeb (champion olympique
du 10 000 mètres à Séoul 1988 et médaillé de bronze du 5000 mètres des
championnats du monde de Tokyo 1991) et Mohamed Salem (entraîneur national de
demi-fond de l’équipe nationale algérienne junior, celles des Azaïdj, Kohil,
Gatte, Zoghmar, Benzaï, Hadef et Menaï, etc.) qui, ce soir-là, nous démontrèrent,
que la compétition étant achevée, les champions pouvaient se conduire en êtres
humains à la recherche de plaisirs de courte durée et se comporter en gais
lurons, en jeunes adultes libérés des contraintes de l’internat ou de la
caserne.
C’est au retour de cette
promenade que nous rencontrâmes Amar Brahmia dans les couloirs de l’ «Hôtel
Expo », sortant d’une chambre pour se rendre à l’ « Hôtel
Princès Sophia » où devaient se trouver les frères Morceli. Il
devait être deux heures du matin.
Il paraissait satisfait de lui et nous
dit : « Noureddine dort après avoir remporté la victoire. Je
viens de faire ma part de travail ». Une façon de dire qu’il
existait comme une sorte de répartition des tâches. L’un (Morceli) courant sur
la piste et l’autre (Brahmia) de bureau en bureau et dans les couloirs d’hôtels
ou d’administration ou accroché au téléphone. Une véritable énigme pour nous
que cette présence et cette sentence.
D’abord sa présence à
l’ « Hôtel Expo » qui nous semblait à tout point
de vue incongrue et cette phrase. Il nous expliqua qu’il venait de récupérer la
prime de Morceli et que sa mission de manager pour cette compétition venait de
s’achever pour le mieux. Nous n’eûmes même pas besoin de lui demander des
explications qu’il sortit de son porte-documents le chèque que l’argentier du
meeting (installé dans une des chambres, celle dont il venait de sortir) venait
de lui remettre. Alors que rien ne l’obligeait, en tentant de cacher, avec son
pouce, le montant (proche de 1 suivi de cinq zéros), il nous montra le nom du
bénéficiaire : « Noureddine Morceli ». Dans son
esprit, le plus important était de dissimuler le montant. Un montant que la
documentation remise par le comité d’organisation lors de l’accréditation
permettait de reconstituer.
En grande partie seulement. La
prime de participation nous était inconnue et ne pouvait être indiquée dans les
prospectus. Il suffisait simplement d’additionner la prime de victoire, la
prime de performance (en fonction du chrono réalisé) et la prime de classement
au Grand Prix pour nous rapprocher de la somme inscrite sur le chèque.
Rentré à Constantine, sur la base
des données en notre possession grâce à ce déplacement éreintant jusqu’à
Barcelone, nous avions pu déterminer qu’avec les primes et bonus du championnat
du monde (IAAF et sponsors), le jeune (21 ans) Noureddine Morceli avait
encaissé près d’un million de dollars.
De quoi attisé les convoitises et
alimenté sans fin les discussions. Par cette rencontre imprévue, Amar Brahmia,
dont la réactivité est réputée, avait le sentiment d’avoir prouvé, à un élément
neutre ou du moins pas impliqué dans les magouilles du stade annexe, sa bonne
foi. Sauf qu’Amar Brahmia ne savait pas que nous connaissions la notion
d’ « endossement de chèque » qui permet à un tiers
d’encaisser le montant d’un chèque.
Ceci étant, il est possible de
comprendre que, compte tenu du niveau des compétitions aux quelles prenaient
part Noureddine Morceli, le règlement du défraiement devait s’effectuer
essentiellement grâce à cet instrument de paiement.
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