Les jeunes bénéficiaient, il va
sans dire, au cours des regroupements périodiques organisés pendant les
vacances scolaires, de facilités en matière d’entrainement (augmentation du
volume et de l’intensité, multiplication du nombre de séances, etc.) et de ces
autres commodités accompagnatrices et récupératrices adossées au haut
niveau (restauration, hébergement,
transport, douches).
De ces conditions facilitatrices
de performances sportives, le plus souvent, les adolescents pouvaient à peine
en rêver tant elles étaient éloignées de
leurs quotidiens. Du côté des petites
localités qu’ils ont très peu quitté, quasiment hors du monde et du temps, situées
dans la périphérie de Batna, Tizi Ouzou, Constantine, M’Sila, Sétif, Chlef, Tiaret,
Saïda et tant d’autres villages dont la dénomination était quasiment inconnue
et inexistante sur les cartes de géographie qui devancèrent l’application
« Google Map » hantant les smartphones contemporains,
la modernité avait de la peine à arriver.
A l’exception de rares clubs de
la capitale, aucune association sportive de performance (que dire des associations
sportives communales ?) ne pouvait rivaliser en moyens avec les
fédérations dispensatrices de la manne gouvernementale réservée pour le haut
niveau constitué en caste, en une aristocratie.
Habitués à avaler un « « casse-croute
frites-omelettes » ou un « sandwich au fromage »
arrosé d’une « gazouz » rituellement proposés aux stars
locales en déplacement pour participer aux grands événements sportifs que
pouvaient être un « régional » ou à un « national ».
Le repas dit « sportif » dans sa configuration la plus
ordinaire, était celle figurant sur les menus des restaurants populaires ou des
relais routiers jalonnant les routes nationales. Ils proposaient uniformément un
hors-d’œuvre le plus souvent, selon une plaisanterie alors à la mode, « avarié
que varié » accompagné d’un steak ou d’un morceau de poulet « garni »
par quelques frites, une louchée de purée ou d’un peu de riz. Pas de
nutritionniste, la diététique était un luxe que ne connaissaient pas les jeunes
sportifs plutôt mangeurs de pâtes en tous genres et de légumes secs.
Ce régime « extraordinaire »
(au sens où il se distingue des normes sociales) a fait tant des merveilles
qu’il aurait été impossible d’imaginer s’il n’avait fait passer les aiguilles
des chronos supérieurs à 3.50 au 1 500 m à d’autres proches de 3.40,
marqueurs de l’entrée dans la classe des talents prometteurs de la catégorie
U20, les finalistes des championnats du monde. 3.40, un chrono que seuls les
plus motivés, les plus talentueux, les plus courageux, les plus durs au mal, les
plus assidus aux entraînements, les plus souvent absents en salles de classe
ont tutoyé avant le changement de millénaire. L’athlétisme algérien n’en compte
guère.
Ali Saïdi-Sief lui-même a
raconté, à la fin de l’année 2015, sur le plateau d’une télé satellitaire
privée, l’équipée aventureuse d’un groupe d’athlètes de Hamma-Bouziane. Ils
furent obligés, lors d’une participation à une compétition organisée dans la
capitale à passer la nuit dans un petit abri de fortune proposé par un gardien
de l’hôpital Mustapha pris de pitié par leur situation. Les dirigeants du club
imprévoyants n’avaient pu réserver dans un des hôtels de la capitale. Y compris
et surtout ceux à prix raisonnables d’Alger-Centre. Les démarches tardives des
responsables de la délégation entreprises dès l’arrivée de la délégation
avaient été infructueuses dans une ville soumise au couvre-feu. Tous les
voyageurs devaient se mettre à l’abri avant la tombée de la nuit.
Le récit non daté d’Ali
Saïdi-Sief permet de situer le fait relaté en 1995. A l’époque où, encore
scolaire, l’ancien gardien de but converti à la course à pied, à force de voir
des jeunes courir autour du stade de foot de Hamma-Bouziane, avait participé au
cross maghrébin scolaire de Saket Sidi Youcef.
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