samedi 28 juillet 2018

Migration des athlètes, Pot de terre contre pot de fer


L’athlétisme est une famille. Comme toutes les familles, ses membres se chamaillent du matin au soir et du premier janvier au dernier jour de l’année.
Comme toutes les familles, on y retrouve toutes les formes  de profils, tous les types de caractères. On ne doit donc pas être plus surpris que cela lorsque croisant, presque par hasard lors du « championnat national  Open », le rendez-vous de l’élite de cette discipline sportive où se mêlent  les enfants turbulents et leurs parents agités, on entend des bruissements, des bribes d’attaques dirigées contre ceux et celles tentant, en fonction de leurs savoir, de leurs savoir-faire accumulés pendant des décennies de faire bouger, de redorer le statut de cette discipline qui s’enfonce dans les marais nauséabonds de la polémique stérile et de l’échec maintes fois renouvelé.
Comme c’est devenu la coutume dans un pays qui s’appuie sur les références discursives, les propos vides de sens, des idées plagiées et les arnaques intellectuelles, les laborieux, les découvreurs d’autres horizons sont dénigrés y compris à travers des campagnes sur les réseaux sociaux.
En athlétisme (mais ceci est valable pour les autres disciplines sportives), il existe une notion fort intéressante. C’est celle de « club formateur » qui, mise à toutes les sauces, en est aujourd’hui galvaudée au point d’en devenir une expression-valise, une coque vide de sens dans laquelle le « recrutement », le pillage  a remplacé sans coup férir la « formation ».
Les clubs dits formateurs sont connus. Depuis des années, ils prospectent, découvrent des talents, les forment avant de les voir partir (sans rétribution ou prime de formation) attirés par d’autres lieux où le ciel serait plus bleu, plus serein.
Ce qui est compréhensible de la part d’un athlète (sachant, pour avoir assisté en témoin impuissant aux désillusions de ses pairs, que demain il ne vaudra guère plus qu’une chaussette trouée bonne à jeter à la poubelle) ne l’est pas pour les dirigeants et les entraîneurs qui érigent la pratique du racolage en mode de gestion de leurs clubs.
La recette de la réussite est connue. Elle est liée aux capacités financières, à l’importance du butin que s’approprient les voleurs-receleurs de talents et que les histoires locales, régionales et nationale ont répertoriées.
Il est vrai que dans le système qui prévaut depuis 1990, il est de bon guerre que ces dirigeants utilisent les arguments sonnants et trébuchants que la législation (et les règles du jeu non définies explicitement) met à leurs portées en tissant des relations de partenariat pérennes avec des institutions financièrement solides. Chacune des parties y trouvant son compte. Les uns en termes de médiatisation. Les autres en moyens logistiques confortant leurs prévisions.

mardi 24 juillet 2018

Ali Saidi-Sief (44), Dans l’antichambre de la gloire


Les jeunes bénéficiaient, il va sans dire, au cours des regroupements périodiques organisés pendant les vacances scolaires, de facilités en matière d’entrainement (augmentation du volume et de l’intensité, multiplication du nombre de séances, etc.) et de ces autres commodités accompagnatrices et récupératrices adossées au haut niveau  (restauration, hébergement, transport, douches).
De ces conditions facilitatrices de performances sportives, le plus souvent, les adolescents pouvaient à peine en  rêver tant elles étaient éloignées de leurs quotidiens.  Du côté des petites localités qu’ils ont très peu quitté, quasiment hors du monde et du temps, situées dans la périphérie de Batna, Tizi Ouzou, Constantine, M’Sila, Sétif, Chlef, Tiaret, Saïda et tant d’autres villages dont la dénomination était quasiment inconnue et inexistante sur les cartes de géographie qui devancèrent l’application « Google Map » hantant les smartphones contemporains, la modernité avait de la peine à arriver.
A l’exception de rares clubs de la capitale, aucune association sportive de performance (que dire des   associations sportives communales ?) ne pouvait rivaliser en moyens avec les fédérations dispensatrices de la manne gouvernementale réservée pour le haut niveau constitué en caste, en une aristocratie.
Habitués à avaler un « « casse-croute frites-omelettes » ou un « sandwich au fromage » arrosé d’une « gazouz » rituellement proposés aux stars locales en déplacement pour participer aux grands événements sportifs que pouvaient être un « régional » ou à un « national ». Le repas dit « sportif » dans sa configuration la plus ordinaire, était celle figurant sur les menus des restaurants populaires ou des relais routiers jalonnant les routes nationales. Ils proposaient uniformément un hors-d’œuvre le plus souvent, selon une plaisanterie alors à la mode, « avarié que varié » accompagné d’un steak ou d’un morceau de poulet « garni » par quelques frites, une louchée de purée ou d’un peu de riz. Pas de nutritionniste, la diététique était un luxe que ne connaissaient pas les jeunes sportifs plutôt mangeurs de pâtes en tous genres et de légumes secs.
Ce régime « extraordinaire » (au sens où il se distingue des normes sociales) a fait tant des merveilles qu’il aurait été impossible d’imaginer s’il n’avait fait passer les aiguilles des chronos supérieurs à 3.50 au 1 500 m à d’autres proches de 3.40, marqueurs de l’entrée dans la classe des talents prometteurs de la catégorie U20, les finalistes des championnats du monde. 3.40, un chrono que seuls les plus motivés, les plus talentueux, les plus courageux, les plus durs au mal, les plus assidus aux entraînements, les plus souvent absents en salles de classe ont tutoyé avant le changement de millénaire. L’athlétisme algérien n’en compte guère.
Ali Saïdi-Sief lui-même a raconté, à la fin de l’année 2015, sur le plateau d’une télé satellitaire privée, l’équipée aventureuse d’un groupe d’athlètes de Hamma-Bouziane. Ils furent obligés, lors d’une participation à une compétition organisée dans la capitale à passer la nuit dans un petit abri de fortune proposé par un gardien de l’hôpital Mustapha pris de pitié par leur situation. Les dirigeants du club imprévoyants n’avaient pu réserver dans un des hôtels de la capitale. Y compris et surtout ceux à prix raisonnables d’Alger-Centre. Les démarches tardives des responsables de la délégation entreprises dès l’arrivée de la délégation avaient été infructueuses dans une ville soumise au couvre-feu. Tous les voyageurs devaient se mettre à l’abri avant la tombée de la nuit.
Le récit non daté d’Ali Saïdi-Sief permet de situer le fait relaté en 1995. A l’époque où, encore scolaire, l’ancien gardien de but converti à la course à pied, à force de voir des jeunes courir autour du stade de foot de Hamma-Bouziane, avait participé au cross maghrébin scolaire de Saket Sidi Youcef.

samedi 21 juillet 2018

Oussama Cherrad trahi par les siens



Les championnats du monde d’athlétisme U20 se sont terminés comme ils avaient débuté. Avec un fort goût d’amertume. Pour les athlètes, les entraîneurs et les passionnés de la discipline.

Le goût des espérances déçues est celui qui accompagne les défaites ou les ratages que l’on voudra présenter comme ceux induits par la malchance ou ceux que l’on construit (pour la consommation d’un peuple beaucoup plus perspicace que ne l’entendent les discoureurs professionnels ne dupant au final qu’eux-mêmes) sur les théories du complot derrière lesquelles on perçoit ses fameuses mains étrangères qui veulent du mal.

Des théories stigmatisant ces officiels, ces arbitres appliquant seulement et strictement le règlement. Ni plus ni moins. Un règlement que nos honorables représentants (athlètes et dirigeants) ne maîtrisent pas.

Sur les onze athlètes de la délégation algérienne, seuls dix ont pris part aux épreuves pour lesquelles ils avaient réussi les niveaux de participation requis et, à ce titre, engagés par la fédération pour la représenter et, à travers elle, le pays tout entier à la recherche de héros que le mouvement sportif national ne produit plus qu’exceptionnellement.

L’un des premiers à se signaler à l’attention fut Mahdi Zekraoui. Il  ne put s’installer dans les startings blocks des séries de la course du 100 mètres qu’il était venu disputer. Le « TGV de Béchar » a été envoyé au tapis, avant le début de sa compétition, par un coup de froid dont on pouvait pressentir la survenue lorsque l’on se rend dans cette Europe du Nord, si proche du cercle polaire et si éloigné de l’équateur.

Aujourd’hui, après cette mésaventure, il ne fait aucun doute que Zekraoui devait payer la note de ….. son tour du monde en avion. Un voyage qui débuté entre d’abord Alger et (après un survol de l’Océan Atlantique) les Etats Unis où il fit une escale pour préparer ses échéances dont les championnats arabes de sa catégorie d’âge organisés à Amman (Jordanie), ville moyenne orientale atteinte après un passage au-dessus de l’Océan Pacifique et de l’Asie.

Des milliers de kilomètres dans les airs, des heures de décalage horaire, la fatigue des voyages combinée à celles des entraînements et des compétitions à ne plus savoir qu’en faire.

Zekraoui le globe-trotter

Le prix inscrit sur la facture de l’histoire enregistrée sur les statistiques de l’IAAF a été un « DNS ». Un « did not start » équivalent anglophone de « n’a pas pris le départ » ou du plus laconique, dans le langage sportif courant,  de  forfait » lors de ce qui aurait dû être le moment fort de sa saison et de son existence sportive.

Ce junior, ce moins de 20 ans a été aspiré par le tourbillon trompeur du professionnalisme à l’algérienne. Celui qui incite, dans la fragilité de ses 18 ans, à être de tous les combats, de toutes les compétitions. Lui, le fleuron, le bourgeon à peine éclos du sprint national  dont attend beaucoup (et certainement trop) alors qu’il n’est encore rien ou du moins qui n’est pas préparé pour ce train…..   de vie et de compétitions qui n’est pas de son temps.

Des heures d’entraînement à n’en plus finir et un chapelet de compétitions qu’il doit en permanence remporter dans le double objectif de  prouver, encore et toujours, son talent naissant et de remplir honorablement les bilans de médailles que doivent présenter des sélectionneurs et des dirigeants hâbleurs.

Ce fut à une situation quasi-identique que fut confronté Oussama Cherrad de Bordj Bou Arreridj, ci-devant  champion du monde cadets (par équipes nationales) de cross-country scolaire au mois de mars dernier, quasiment sur les Champs-Elysées ou du moins avec la Tour Eiffel en arrière-plan.

Lui aussi eut droit à la préparation printanière américaine et aux mêmes obligations de résultats espérés de la part de celui que l’on dit être le successeur de Noureddine Morceli ou du moins (ce qui n’est pas rien) de ses épigones (Touil, Anou, Abaoub, Sidi-Sief) qui furent au moins finalistes quand ce n’est champion ou vice-champions.

La soif de médailles

D’Oussama Cherrad, on attendait trop. La boulimie, la soif insatiable de médailles écrase le sentiment d’humanité normalement inhérent aux statuts d’éducateurs, d’entraineurs et de dirigeants fédéraux en charge de préserver la santé des jeunes athlètes et de construire l’avenir de l’athlétisme. L’Histoire montre que certains d’entre eux, leurs devanciers à l’irresponsabilité maintes fois démontrée, ont mis en danger les enfants de leurs propres chairs. Alors que dire quand il s’agit des enfants des autres.

On a fait subir à Oussama Cherrad ce que l’on fit endurer un jour de l’été 2012, aux Jeux Olympiques de Londres, à Toufik Makhloufi. Le faire courir sur deux distances : le 1 500 et le 800. Sauf que cette fois-ci, les responsables de la délégation ne purent manipuler la pièce de théâtre dont ils avaient certainement plagié le scénario sans considérer que le programme était différent, inversé.

A son programme figuraient cinq courses intenses en six jours avec une seule journée de récupération entre le tour qualificatif du 1 500 et la finale de cette course. Puis, pas de repos entre la finale du 1 500 et la finale du 800 précédée (sans interruption) par une course en série et une autre en demi-finale. L’enfer de la piste est pavé de bonnes intentions.

Au second jour de son programme démentiel (finale du 1 500), Oussama Cherrad présentait un temps de qualification qui n’en faisait pas le favori ni même un outsider puisque que c’était le dernier temps qualificatif. Il était précédé sur la « start-list » par le vainqueur et le second de sa série. Une course si lente que le dernier qualifié au temps les devançait de 6 secondes qu’elle en devenait, pouvait-on croire un instant, un avantage en matière de récupération des efforts.

L’Ethiopien Tefera et le Kenyan Soget avec leurs records personnels à 3.31.63 et 3.32.97 paraissaient de toute évidence au-dessus du lot des 12 finalistes dont quatre autres (tous habitués aux meetings de la Ligue de Diamant) à moins de 3.40. Un chrono bien éloigné de la meilleure performance de Cherrad (3.42.92) réussie d’ailleurs lors de son périple  aux Etats Unis.

Reconnaissons qu’Oussama Cherrad s’en est tiré à bon compte avec une septième place, que de nombreux athlètes algériens de son âge ont appelé de tous leurs vœux, et un chrono de 3.45 que l’impartialité des statistiques nationales nous recommande d’écrire que seuls les meilleurs des moins de 20 ans (et de la catégorie supérieure) ont pu inscrire à leurs actifs.

On nous dit que la distance de prédilection de Cherrad est le 800m. On aurait pu sachant cela le dispenser de courir le 1 500 m, de faire d’un gamin de 18 ans une machine à courir après les médailles au détriment de sa santé.

Cherrad, la machine à courir la disqualification

Il s’est avéré que la participation aux trois courses de 800 fut payante. Oussama Cherrad améliora à chaque course son record personnel et franchit la ligne d’arrivée de la finale en troisième position (ayant valeur de médaille de bronze) avant …..son déclassement pour avoir gêné un autre concurrent dans la dernière ligne droite.

La course de Cherrad fut splendide… jusqu’à son effondrement physique et psychologique. A la sortie du dernier virage, alors qu’il occupait la seconde place, il fut dépassé par le second Kenyan.  Le ressort de la motivation fut cassé. A cet instant-là, Cherrad ressenti également la pression de son rival Belge qu’insensiblement, sur les 50 derniers mètres, il repousse, dans un geste désespéré de défense de la médaille de bronze, vers le deuxième puis le troisième couloir commettant ainsi la faute qui lui valut d’être disqualifié.

Ce que l’on ne sait guère c’est que Cherrad est familier de la disqualification. Lors des championnats du monde U18 de l’année dernière, il a perdu, dans des conditions similaires d’absence de lucidité, la médaille d’argent du 1 500 mètres. C’était à Nairobi, à plus de 2 000 mètres d’altitude. Un lieu où l’oxygène n’irrigue  plus correctement le cerveau. A deux reprises, en un an d’intervalle, Cherrad s’est conduit comme un coq décapité.

La malédiction a encore frappé

Avant que Cherrad ne clôture ce mondial junior calamiteux, ses coéquipiers n’avaient pas fait mieux. Malgré ses déboires, Cherrad a su, presque jusqu’à la fin de ces championnats, tirer son épingle du jeu.

Slimane Moula, un coureur de 400 mètres, originaire de Draa Ben Khedda, tout juste tombeur (aux championnats méditerranéens des moins de 23 ans) d’un des plus vieux records nationaux juniors (45.92) avait trébuché. 5ème meilleur participant avant le départ, il s’est fait éliminer dès les séries avec un chrono le laissant à deux secondes entières de son record.

Lui aussi a beaucoup voyagé d’Amman (Jordanie) à Jesolo (Italie) et ensuite à Tempere (Finlande). Il ne manqua que Tarragone (Espagne) où il aurait pu faire partie du relais 4x400, médaillé de bronze des Jeux méditerranéens.

Loubna Benhadja n’avait pas beaucoup de chances de passer le premier tour. Elle fait partie de ces juniors globe-trotters, de ces jeunes que l’on croque à toutes les sauces. Pour elle, la « start-list » était, dès qu’elle fut affichée, impitoyable. Il lui fallait battre sa meilleure performance personnelle, courir le 400 mètres haies en moins d’une minute pour faire illusion. Cela, elle n’a pas pu le faire.

Le lendemain matin (le troisième jour de ce championnat qui est l’antichambre du très haut niveau) Mohamed  Amine Drabli et Oussama Bassi, les spécialistes du 3 000 m steeple,  étaient au départ de respectivement la première et deuxième série. A la fin de la seconde course, à l’heure des comptes, les deux compères n’ont pu se dissocier. Ils ont occupé l’avant-dernière et la dernière place de la compilation des résultats de cette épreuve.

Boualem Rahoui, Azzedine Brahmi et Laïd Bessou n’ont pas encore trouvé leurs successeurs. Pire, Drabli a abandonné et Bassi a été disqualifié. La malédiction qui poursuit l’athlétisme a, une  nouvelle fois frappé, alimentant le courant des imprécations facebookiennes condamnant avec véhémence la qualité de la préparation des athlètes dont les entraîneurs ne furent pas du voyage.

La mauvaise préparation, l’accumulation des efforts, l’absence de soutien psychologique peuvent expliquer (en partie seulement) les échecs monumentaux de Rabie Deliba (1 500, éliminé en série avec un chrono à la portée d’un cadet), des marcheurs Othmane Chibani et Souad Azzi (10  kilomètres marche) finissant après la 30ème place avec des performances chronométriques très éloignées (plusieurs minutes) des temps d’engagement. 

Finalement, seuls les coureurs de 10 000 mètres Abed Saber -coureur sans club de Bordj Bou Arreridj, finaliste ayant pulvérisé son record personnel de plus de 30 secondes en le portant à 30 minutes 10 secondes - et Mohamed Kadi-Bouchakour (Chlef) se sont tirés honorablement du voyage au pays des rennes.

mardi 10 juillet 2018

Ali Saidi-Sief (43), Dans les startings du haut niveau


Malgré tout ce que nous avons pu écrire jusqu’à maintenant, le championnat d’Algérie de cross-country de Tarf 1996 n’a pas été le véritable déclic de la carrière internationale d’Ali Saïdi-Sief. Cette assertion pour le moins provocante nécessite une explication.
En effet, de notre point de vue, ce résultat a eu pour seul et unique effet de faciliter l’introduction de l’athlète sur le circuit national conduisant à la haute performance. Ce qui n’est pas rien, nous en  conviendrons. Le « système » (la mystérieuse « boite noire » opacifiante au lieu de produire de la transparence) alors en place et perdurant, a fait que de nombreux jeunes sportifs aussi brillants ont été écartés.
Cette course aurait pu être le déclencheur si ce résultat, cependant appréciable, avait abouti à une sélection   pour les championnats du monde de cross-country juniors qui, cette année-là furent disputés à Stellenbosch en Afrique du Sud.
Celui qui sera, quelques mois plus tard, son rival algérien sur 1 500 m (Miloud Abaoub) y était présent. A l’une des meilleures places qui soit. Il termina (ce qu’indiquent les archives de l’IAAF) premier Algérien à la 11ème place d’une course dont les dix premières places furent toutes occupées par des Kenyans et des Ethiopiens. Le premier  après….les autres. Champion du monde (si l’on peut dire) juste derrière…..les ténors mondiaux.  
Bien qu’il fût absent aux championnats du monde junior de cross-country, Ali Saïdi-Sief avait toutefois mis le pied à l’étrier. Il avait été repéré (c’est l’un des avantages de bien se placer au « National » de cross) par les dirigeants de la fédération algérienne d’athlétisme qui l’intégrèrent dans le programme de préparation, dans les regroupements réguliers, périodiques (de ce qui n’était pas encore nommé les « jeunes talents sportifs ») dans la perspective des compétitions mondiales figurant au calendrier des jeunes compétiteurs de cette année-là. Pour les jeunes athlètes, le rendez-vous le plus important de la saison sportive était le regroupement  planétaire périodique que sont les championnats du monde Juniors IAAF d’athlétisme.
L’édition 1996 avait été attribuée à Sidney, capitale du pays des kangourous, dans ce qui se présentait comme une répétition des épreuves d’athlétisme des Jeux Olympiques qui s’y dérouleront quatre ans plus tard. Sidney marquera le début de l’aventure professionnelle et l’apothéose d’une courte carrière de haut niveau. Tout compte fait, le temps d’une olympiade.
Complémentairement à l’intégration dans le système fédéral, le jeune Constantinois était courtisé par les dirigeants du MCA qui lui faisaient les yeux doux et lui promettaient les monts et merveilles autorisés par l’aisance financière de Sonatrach, l’une des plus grandes compagnies pétrolières mondiales, parrain majeur du club.
Depuis des années déjà, ce qui était devenu une tradition de l’athlétisme algérien, les jeunes (les juniors et  les meilleurs cadets et cadettes, c’est-à-dire les athlètes pouvant rivaliser avec ceux - et surtout celles - de la catégorie d’âge supérieure) participaient du phénomène de professionnalisation de l’entrainement auquel conduisait l’organisation du mouvement sportif fondé sur un trépied bancal : le sport scolaire et les associations sportives communales, les associations sportives de performance et la structure fédérale. L’échec scolaire est le préambule du professionnalisme sportif. La certitude de la fin du cycle moyen ou secondaire autorise l’anticipation de l’entrée dans le circuit sportif de haut niveau.  
L’élite de la plus jeune catégorie (les actuels U18), par le biais du sport du sport scolaire, était également inscrite dans cette dynamique faisant que les athlètes prometteurs de l’Algérie profonde, réservoir inépuisable de jeunes champions, jouaient sur un double tableau de mise en évidence des talents. L’échec scolaire assuré conduit à courir les stages de préparation s’inscrivant ainsi dans la durée.


mardi 3 juillet 2018

Ali Saidi-Sief (42), La perte de repères


Ses sportifs de haut niveau (ce que furent, n’ayons garde de l’oublier, Tayeb Kalloud entre 1990 et 2000 et son épouse) étaient, souvent à leur corps défendant - sans doute parce qu’ils défilaient, lors de certaines cérémonies protocolaires sportives, derrière la bannière nationale ou se dressaient sur des podiums représentatifs de l’excellence tandis que l’emblème s’élevait le long du mat - une forme de porte-drapeaux d’un système politique particulièrement honni.

Pourtant, il faut admettre qu’à cette époque-là, la partie de la population endoctrinée par les discours rigoristes comportait un nombre élevé d’entre les membres de la famille sportive. Une famille disloquée dont une part non négligeable a été identifiée par les services de sécurité et reconnue (et à ce titre mis en détention) par la justice nationale en raison de leurs qualités de simples partisans, de membres des réseaux de soutien logistique à l’activisme armé ou incriminés  pour appartenance aux groupes armés.

Dans une forme minimaliste et le plus souvent mimétique, ils étaient des porteurs ostentatoires des attributs revendiqués du radicalisme religieux véhiculés, selon les cas et les situations, par les tenues vestimentaires portées et par les discours prosélytes tenus.  

Tayeb Kalloud, vers le milieu des années 1990, au summum de la tourmente, écumait depuis quelques années déjà les compétitions (cross et courses sur route) rémunératrices organisées en France. Son épouse (une ancienne championne d’Algérie, internationale des lancers) « chassée » d’une des villes portuaires de la Kabylie maritime, était inscrite (disait-elle alors à ceux auprès de qui elle pouvait se confier, s’épancher), sur la liste des affichettes (« wanted »  plutôt morts que vifs) collées sommairement sur les portes des édifices de référence.

L’épouse de Tayeb Kalloud vivait dans la plus grande précarité et insécurité à Alger où une occupation lui avait été trouvée dans les bureaux de la FAA. Elle attendait, avec l’espoir que fait naître le plus insoutenable des désespoirs, que la situation administrative de son époux en France soit régularisée pour entreprendre les démarches du regroupement familial salvateur.

Le sort précaire des athlètes algériens (ayant vécu cette situation de fragilité sociale) n’est malheureusement  pas très documenté. Il semblerait, à écouter ou à lire deux décennies plus tard, les récits d’une relative insertion réussie dans la société française elle-même fragilisée, que la solidarité agissante (familiale, amicale et des ONG) ait permis à beaucoup d’entre eux de supporter la dureté de l’exil forcé, de ne pas sombrer dans les pièges du dopage, lorsque pratique sportive de haut niveau il y avait et qu’il fallait « croûter », survivre avec le minimum dans une société impitoyable pour les désargentés.
Nous noterons qu’il n’en est pas de même pour les athlètes marocains. Pour ces derniers, les récits médiatiques de leurs difficultés sociales sont plus abondants. Ils ont fleuri après chacune des sanctions sportives prononcées à leur encontre par les agences nationales de lutte contre le dopage de France, d’Espagne, de Belgique où la diaspora sportive marocaine est importante ou les institutions internationales.
Ces mêmes récits montrent que les sanctions ont souvent (surtout en France) été émaillées, suivies par des actions en justice aux vertus retardatrices des effets de la sanction. Les récits des mésaventures permettent d’observer que l’Eldorado européen a souvent été un mirage pour les migrants sportifs le plus souvent fragilisés par des pertes de repères identitaires, familiaux, sociaux.
Leila Traby a été ballotée entre ses identités sahraouie, marocaine ou française pour finir dans le groupe d’entraînement d’Aden Jama, un entraîneur controversé également en quête de repères.
Hamza Driouch, orphelin très jeune, s’est retrouvé avec la nationalité qatarie et impliqué dans une affaire de dopage qui n’a pas révélé tous ses détails.
Quant aux autres, ils ont en commun Font Romeu et à Ifrane, qualifiés de sites de préparation en altitude et de marchés de produits dopants.