mardi 24 juillet 2018

Ali Saidi-Sief (44), Dans l’antichambre de la gloire


Les jeunes bénéficiaient, il va sans dire, au cours des regroupements périodiques organisés pendant les vacances scolaires, de facilités en matière d’entrainement (augmentation du volume et de l’intensité, multiplication du nombre de séances, etc.) et de ces autres commodités accompagnatrices et récupératrices adossées au haut niveau  (restauration, hébergement, transport, douches).
De ces conditions facilitatrices de performances sportives, le plus souvent, les adolescents pouvaient à peine en  rêver tant elles étaient éloignées de leurs quotidiens.  Du côté des petites localités qu’ils ont très peu quitté, quasiment hors du monde et du temps, situées dans la périphérie de Batna, Tizi Ouzou, Constantine, M’Sila, Sétif, Chlef, Tiaret, Saïda et tant d’autres villages dont la dénomination était quasiment inconnue et inexistante sur les cartes de géographie qui devancèrent l’application « Google Map » hantant les smartphones contemporains, la modernité avait de la peine à arriver.
A l’exception de rares clubs de la capitale, aucune association sportive de performance (que dire des   associations sportives communales ?) ne pouvait rivaliser en moyens avec les fédérations dispensatrices de la manne gouvernementale réservée pour le haut niveau constitué en caste, en une aristocratie.
Habitués à avaler un « « casse-croute frites-omelettes » ou un « sandwich au fromage » arrosé d’une « gazouz » rituellement proposés aux stars locales en déplacement pour participer aux grands événements sportifs que pouvaient être un « régional » ou à un « national ». Le repas dit « sportif » dans sa configuration la plus ordinaire, était celle figurant sur les menus des restaurants populaires ou des relais routiers jalonnant les routes nationales. Ils proposaient uniformément un hors-d’œuvre le plus souvent, selon une plaisanterie alors à la mode, « avarié que varié » accompagné d’un steak ou d’un morceau de poulet « garni » par quelques frites, une louchée de purée ou d’un peu de riz. Pas de nutritionniste, la diététique était un luxe que ne connaissaient pas les jeunes sportifs plutôt mangeurs de pâtes en tous genres et de légumes secs.
Ce régime « extraordinaire » (au sens où il se distingue des normes sociales) a fait tant des merveilles qu’il aurait été impossible d’imaginer s’il n’avait fait passer les aiguilles des chronos supérieurs à 3.50 au 1 500 m à d’autres proches de 3.40, marqueurs de l’entrée dans la classe des talents prometteurs de la catégorie U20, les finalistes des championnats du monde. 3.40, un chrono que seuls les plus motivés, les plus talentueux, les plus courageux, les plus durs au mal, les plus assidus aux entraînements, les plus souvent absents en salles de classe ont tutoyé avant le changement de millénaire. L’athlétisme algérien n’en compte guère.
Ali Saïdi-Sief lui-même a raconté, à la fin de l’année 2015, sur le plateau d’une télé satellitaire privée, l’équipée aventureuse d’un groupe d’athlètes de Hamma-Bouziane. Ils furent obligés, lors d’une participation à une compétition organisée dans la capitale à passer la nuit dans un petit abri de fortune proposé par un gardien de l’hôpital Mustapha pris de pitié par leur situation. Les dirigeants du club imprévoyants n’avaient pu réserver dans un des hôtels de la capitale. Y compris et surtout ceux à prix raisonnables d’Alger-Centre. Les démarches tardives des responsables de la délégation entreprises dès l’arrivée de la délégation avaient été infructueuses dans une ville soumise au couvre-feu. Tous les voyageurs devaient se mettre à l’abri avant la tombée de la nuit.
Le récit non daté d’Ali Saïdi-Sief permet de situer le fait relaté en 1995. A l’époque où, encore scolaire, l’ancien gardien de but converti à la course à pied, à force de voir des jeunes courir autour du stade de foot de Hamma-Bouziane, avait participé au cross maghrébin scolaire de Saket Sidi Youcef.

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