A Doha, où se sont tenus à la fin du mis d’octobre les championnats du
monde d’athlétisme handisports, l’athlète algérienne, sociétaire de l’Union
sportive handisports de Constantine qui s’est fait une réputation mondiale dans
les lancers avec une liste interminable de titres (et de records) nationaux, arabes, africains, mondiaux et
paralympiques. Asmahan Boudjaadar appartient à la relève. Avec deux années de
pratique, la jeune athlète constantinoise est déjà la terreur des concours
mondiaux. Tous les coups sont permis pour l’empêcher d’émerger.
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omme tous les êtres humains, les handicapés, ceux que pudiquement on
désigne par l’expression de « personnes aux besoins spécifiques »,
se sont engagés dans la voie de l’activité physique, dans le sport qui ailleurs
n’est pas, comme c’est le cas chez nous , l’ «handisports » après
avoir été le « sport pour handicapés » mais le « sport
adapté ». Un euphémisme qui dit bien, du point de vue de ceux qui
ne sont pas complexés par leurs situations, qu’il s’agit bien de sports adaptés
à leurs multiples handicaps. Une
explication également à cette multitude de classes ou de catégories qui
permettent de les différencier les uns des autres et bien évidemment de
valoriser leurs performances.
Comme les « valides », une autre formule
expressive entendue dans leurs bouches en marge de ces compétitions
spécialisées qui sont quelque fois organisées ici et là sur le territoire
national, les sportifs handicapés regroupés au sein d’associations, ligues et
de la fédération de l’handisport pratiquent un très large éventail de
disciplines sportives dérivées de celles auxquelles nous avons l’habitude
d’assister pour les uns et de participer pour les autres.
Eux aussi se disputent des titres nationaux, continentaux, mondiaux et
mêmes olympiques. La complexité de la réglementation technique produit ici
aussi des tensions. Il semblerait que celle-ci (en particulier pour la distribution
des médailles) fasse l’objet d’accommodements faisant la part belle à la
subjectivité lorsqu’il s’agit d’opérer des regroupements de classe en fonction
des potentialités athlétiques des nations organisatrices et de celles
influentes dans les rouages de la fédération internationale avant que
n’intervienne celle des arbitres (dont la majorité sont des « valides »
rapidement recyclés ou mis à niveau). Dans beaucoup d’épreuves, cette
combinaison provoque des incidents qui font partie des mœurs, traditions et
habitudes du patinage artistique, de la gymnastique, du plongeon, de la marche
nordique, du biathlon et.. (pour rester dans le domaine de l’athlétisme) de la
marche athlétique.
C’est ce qui s’est passé lors des championnats du monde d’athlétisme
qui se sont disputés à Doha à la fin du mois d’octobre dernier. N’en soyons pas
offusqués, il semblerait que cela soit monnaie courante. Chez les handicapés,
les rapports de force entre fédérations nationales existent également. Ce n’est
pas l’apanage des autres fédérations sportives.
La foire aux embrouilles
Nombreux sont ceux qui ont encore en mémoire la récente mésaventure de
la jeune athlète nationale (et accessoirement constantinoise) Asmahan
Boudjaadar (à peine deux années de pratique et déjà recordwoman du monde du
lancer du javelot et recordwoman d’Afrique du lancer du poids dans la
classe F33), disqualifiée au pied du
podium, après avoir été annoncée deuxième du concours du lancer du poids, suite
à une réclamation formulée par la fédération grecque.
La participation aux plus hautes compétitions de l’athlétisme
handisports (championnats d’Afrique, du monde ou jeux olympiques) implique la
présentation d’une licence internationale (délivrée après un véritable parcours
du combattant mettant à rude épreuve administrative et médicale le postulant à
cette licence) et ensuite à des compétitions internationales répertoriées
permettant l’établissement d’un classement mondial (ranking) privilégié à la
performance pure. Sur ce plan, l’athlétisme handisports se différencie de
l’athlétisme « valide » et se rapproche du tennis qualifiant pour le Master,
les meilleurs athlètes de l’année.
Dès le départ, dès la sélection, Asmahan a été handicapée par la
règlementation de l’IPC. Recordwoman du monde du lancer du javelot, elle n’a
pas été retenue dans cette spécialité mais pour le lancer du poids où elle
n’est que la meilleure africaine. Les
chances algériennes de médailles d’or ont été donc réduites avant que la
compétition ne débute. Nous observerons également que les possibilités
d’Asmahan de concourir à ce championnat auraient été dérisoires si son
entraîneur-président de club (Abdelmadjid Kahlouche) n’avaient pas cru en son
potentiel en la faisant participer à quelques compétitions internationales
(Dubaï, Tunis, Paris, Talence) qui l’autorisèrent à figurer dans ce fameux
ranking.
Au meeting de Dubaï, en début de saison, Asmahan et quelques membres
de la délégation de l’union sportive handisport de Constantine (certains
avaient été pris en charge par la fédération algérienne) avaient financé sur
leurs propres ressources leur déplacement. Pour un coup d’assai ce fut un coup
de maître. Asmahan, lors de sa toute première compétition internationale, s’était
payé (au sens propre et au sens figuré) le record du monde du lancer de
javelot.
A Doha, lors de la 5ème journée des championnats du monde,
Asmahan Boudjaadar, fut victime des règlements et de son émotivité
compréhensible puisqu’il s’agissait de sa première compétition à un tel niveau.
Dans une épreuve avec huit concurrentes (les qualifiant théoriquement toutes
pour 6 jets), Asmahan rata deux essais avant de réussir un lancer à 5m35 la
classant à la seconde place. C’est l’essai de la controverse. Déclaré fautif,
il fut juste après validé par le même juge et suivi d’un épisode houleux. Ses 5ème
et 6ème essais, mesurés à 5m75, la confortèrent dans la seconde
place confirmée par la réception d’une convocation pour la cérémonie
protocolaire de remise de médaille. Hélas, la délégation grecque dont la
représentante s’était classée à la 4ème place (4m85) avait déposée
une réclamation conduisant à l’effacement de toutes performances d’Asmahan.
L’appel de la délégation algérienne n’eut aucun effet. Asmahan était dépouillée
de sa médaille d’argent.
Pourtant, le réexamen préliminaire de l’enregistrement vidéo montrait
bien qu’il n’y avait pas, contrairement aux allégations des Grecs, faute
technique. Le maintien de la décision de la commission technique du concours l’a
privé d’une consécration sportivement méritée.
Le rejet de l’inconnue
La médaillée d’argent déchue et attristée dira un peu plus tard que "C'est
une année de dur travail qui part en fumée. J’ai fais beaucoup de sacrifices
pour réaliser une bonne performance au Mondial de Qatar, mais hélas, je
retourne bredouille à la maison". L’athlète, dont c’est la
première participation à un mondial, se voulait, malgré ce désagrément de
taille qui déstabiliserait n’importe quel autre champion, vaillante, assurant à
ceux qui voulaient la réconforter que cet incident ne l’affectera pas outre
mesure. Mieux encore, elle donne rendez-vous à ceux qui lui font confiance et
croient en ses potentialités, aux jeux Paralympiques de Rio (une compétition
pour laquelle la fédération algérienne l’a déjà sélectionnée) promettant de
redoubler d’efforts et d’obtenir, envers et contre tous, une consécration paralympique.
Alors qu’Asmahan se remotive pour des échéances à venir, son camarade
de club, Karim Bettina, sélectionné lui aussi pour ses championnats du monde de
Doha où il décrocha une médaille d’argent, se morfond dans des pensées
attristées. Tous les autres médaillés de ces championnats ont été honorés,
chacun dans son environnement immédiat, par les autorités locales. Sauf lui.
Comme beaucoup de sportifs de haut niveau de la ville aux huit ponts, il
sait qu’il n’a rien à attendre d’une ville qui ne vit que du foot et ne parle
que d’un CSC qui se complait dans les profondeurs du classement. Le stade
d’athlétisme qui jouxte le stade Chahid Hamlaoui (le ₺stade annexe₺
qui porte la plaque indiquant ₺stade
d’athlétisme₺) leur ait
périodiquement interdit comme le fut la salle de musculation.
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