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e lecteur algérien qui suit, tant bien que mal, les péripéties de la
carrière de Toufik Makhloufi, sujette à de multiples rebondissements, crises et
polémiques, est mis dans l’impossibilité de comprendre ce qui s’est passé ces
derniers jours. La crise du visa Schengen est maintenant dépassée. Le champion
a obtenu le document qui lui permet de franchir les frontières européennes. Il
se pose, aux yeux des observateurs, la question de la durée du visa et de qui
doit se charger de cette démarche consulaire. Une question moins innocente
qu’il n’y parait puisque le coureur avait été confronté en juin dernier à une
problématique du même genre qui l’aurait empêché de participer (à l’amorce de
la période compétitive) à un meeting à Birmingham, en Grande Bretagne.
Makhloufi s’échinait à obtenir celui qui lui permettra de prendre part
au deuxième stage prévu dans le programme de préparation concocté par Philippe
Dupont, son entraîneur, conventionné par la fédération algérienne, le manager
du demi-fond français et entraîneur des meilleurs coureurs de demi fond et
surtout le double médaillé d’argent du 3000 mètres steeples des jeux olympiques
de Pékin (2008) et de Londres (2012) mais aussi champion d’Europe à Zurich
(2013) du 1 500 mètres après avoir
été disqualifié et dépossédé (suite à une plainte espagnole) de la médaille
d’or de son épreuve préférée (le 3 000 mètres steeple) pour avoir retiré
son maillot avant le franchissement de
la ligne d’arrivée.
Beaucoup de choses ont été dites. Très peu dans les colonnes de la
presse nationale mais beaucoup dans les milieux sportifs avides de ces débats
qui facilitent l’occultation des résultats médiocres réalisés en dépit des
moyens astronomiques mis à la disposition des fédérations soit par l’Etat soit
par le biais du sponsoring.
Des indiscrétions circulant parmi les détracteurs des responsables de
l’athlétisme algérien font état d’un budget annuel avoisinant les 30 milliards
de centimes. Un budget faramineux lorsqu’on le compare à un nombre de licenciés
(selon une déclaration de Hassiba Boulmerka) qui ne dépasserait pas 3 000
athlètes. Un ratio coût/médailles qu’il vaut mieux éviter de calculer tant il
semble invraisemblable.
Certaines contributions fédérales à l’organisation de
compétitions, des premières éditions de
courses sur route (clôture de la saison 2013-2014) ou de cross country
(ouverture de la saison 2015-2016) inscrites dans les calendriers et challenges
nationaux semblent l’être en vue de répondre à des motivations et des intérêts personnels puisqu’il ne s’agit
pas d’un encouragement, d’une aide, d’un soutien à la pérennisation de compétitions tendant à s’inscrire
durablement dans le paysage athlétique.
Le choix de l’hôtel Sheraton du Club des Pins (prise en charge par la
fédération puis le comité olympique) pour l’hébergement automnal de Toufik
Makhloufi surprend énormément car la crise de l’année dernière s’était
cristallisée (en partie) sur le choix de l’hôtel sur les lieux de la période de
stage hivernal. Contestant le luxe proposé par les responsables sportifs
(ministère ou fédération ?), Toufik Makhloufi avait déclaré alors que,
lors d’un stage au Kenya (avec le groupe d’athlètes d’Adem Djamaa qui avait été
son coach), il s’était contenté du strict minimum comme ses partenaires de
stages dont Genzebe Dibaba, devenue depuis recordwoman du monde du 1 500 mètres. Des reportages réalisés par
la presse internationale à la découverte de l’athlétisme kenyan insistent sur
l’absence de luxe dans les camps d’entrainement d’Iten et d’Eldoret dont les
hôtels ne seraient même pas classés et disent que les jeunes athlètes kenyans
se limiteraient à des huttes pour habitation et à des bols de riz pour alimentation.
Ce qui est étonnant c’est cette transmutation imposée à un athlète qui
doit certes bénéficier d’un certain confort psychologique et matériel pour
réaliser les objectifs (très élevés) attendus mais que l’on ne doit pas couver
au point d’amoindrir ses capacités. L’histoire de l’athlétisme, montre que, de
tous temps et dans tous les pays, les « dieux du stade » n’ont
pas été chouchoutés au point d’en faire des privilégiés et certainement pas décriés
avant même le déclin de leurs carrières.
La disproportion, entre une question légitime qu’est la lourdeur de
l’établissement d’un visa et une réponse qui s’appesantit sur les avantages
financiers et matériels octroyés par les pouvoirs publics, montre bien le fossé
qui sépare les hommes de terrains et ceux qui déambulent derrière les
lambris.
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