samedi 12 mars 2016

Autour d’Aden Jama, La suspicion en bandoulière

N
ous avons vu dans notre précédente chronique que la méthode d’entrainement utilisée par Aden Jama pour amener Genzebe Dibaba à repousser sans arrêt des records du monde du 1 500, du mile ou du 3 000  n’a rien de bien révolutionnaire. Elle s’inscrit en effet dans une démarche aujourd’hui communément admise consistant à faire alterner des efforts de très forte intensité et d’autres à l’opposé de très faible intensité.
Les temps réalisés (sur 800 et 1 500) par l’athlète éthiopienne, pendant ses séances de fractionné, surprennent cependant parce qu’ils sont plus élevés que les performances obtenues par nombre de ses adversaires en compétition. Le temps du dernier 800 ou du dernier 1 500 de la série lui permettrait de remporter beaucoup de courses à niveau relevé un peu partout dans le monde. Un détail (qui a son importance pour les spécialistes) manque cependant : le temps de récupération. Récupération courte ou longue ? De quoi relancer un débat qui n’est pas clos et n’est pas prêt de l’être.
Ces performances (celles de Dibaba et celles du Djiboutien Ayanleh Souleiman, nouveau recordman mondial du 1 000 mètres indoor en 2.14.20, et du jeune Qatari Abdelelah Haroun (19 ans) auteur d’un 59.83 sur  500 mètres également indoor) conjuguées à la suspicion née de deux cas de dopage enregistrés dans les rangs des athlètes  entraînés par Aden Jama (Layla Traby et Hamza Driouch) permettent à tous les observateurs de la chose athlétique (et des faits divers sportifs) de disserter sans fin. Surtout que Hamza Driouch, avant de se rétracter très diplomatiquement, aurait accusé son coach de lui avoir fourni les produits dopants utilisés et lui ont valu une suspension.
Pour épaissir une atmosphère qui n’est pas des plus sereines - avec ces nombreuses allusions sur une pratique de dopage de masse parmi les coureurs éthiopiens qui n’auraient (selon des commentaires  qui ne cessent d’impliquer sans aucun discernement des athlètes et les entraîneurs qui obtiennent des résultats et de mêler athlètes à la pratique saine et des athlètes dopés) pour égal que celui pratiqué par les Kenyans, les Russes et les Turcs. La disqualification de plus de la moitié des finalistes du 1 500 dames des jeux olympiques de Londres (2012) ainsi qu’une anticipation de l’annonce, par l’agence éthiopienne de lutte contre le dopage et la fédération d’athlétisme de ce pays, de la suspension prochaine de 9 athlètes de ce pays (dont 5 de haut niveau) ainsi que de la suspension de trois marathoniens, met Aden Jama (et les athlètes qu’il coache) au cœur de la cible et dans une situation délicate.
Le processus de dénonciation de ces cas de dopage par les autorités sportives aurait été accéléré par la réalisation d’une enquête journalistique par la chaine de télévision allemande (ARD) qui a été à l’origine du déclanchement du dossier de dopage russe et des affaires connexes (corruption, extorsion de fonds, etc.) révélées depuis l’été dernier et ont conduit à la mise en examen de l’ex-président de l’IAAF et de deux autres responsables.
En l’état actuel des informations connues, l’annonce de la suspension de l’athlète suédoise (d’origine éthiopienne) Abeba Aregawi, championne du monde du 1 500 mètres à Moscou (2013) à la suite de l’emploi d’un produit introduit dans la nomenclature des produits interdits de l’AMA suivie par la suspension de sportifs de premier rang d’autres disciplines incite à supposer que l’athlétisme éthiopien pourrait être décapité. Aregawi (impliquée dans d’autres « affaires » de mariage à blanc et de fraude fiscale dans son pays d’adoption) n’était pas totalement déconnectée des athlètes de son pays natal puisque mariée (à deux reprises) avec des marathoniens éthiopiens et qu’elle serait l’auteur de fausses déclaration en matière de résidence sur le sol suédois.

Même si l’inscription récente (1er janvier 2016) du meldonium est objet de controverses, il ne fait aucun doute que ce premier semestre de l’année devrait être mouvementé et que la liste des interdits de participation aux compétitions (et des no shows) devrait s’allonger dans l’entourage immédiat des premiers bannis.  

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