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a folie dépensière des supporters alimente et enrichit les réseaux
occultes de l’économie souterraine. Une économie, un système bien plus fort,
bien mieux organisé et pour le moins mieux démultiplié que le système
bureaucratique de contrôle. Une organisation tentaculaire à l’affut du moindre
événement sportif qui puisse booster ses dividendes.
Son chiffre d’affaires est difficile à déterminer car réalisé en
dehors des circuits habituels de commercialisation. Des estimations officieuses
laissent entendre qu’il serait supérieur à celui du commerce réglementé.
D’ailleurs, les supporters adorent acquérir à des prix défiants toute
concurrence (car n’intégrant pas aux grand dépit des commerçants les taxes et
impôts, cotisations auxquels l’activité est assujettie quand de plus la
marchandise, très souvent importée d’horizons lointains, de Chine ou de
Turquie, franchit les frontières en catimini, dans des containeurs esquivant
habilement les poses de douane) tous les gadgets qui sont proposés par le
marché.
Même s’il ne peut être quantifié, même s’il n’a pas fait l’objet
d’études sérieuses, le budget consacré par les supporters à l’assouvissement de
leur passion est énorme.
Les supporters, nous l’avons vu, considèrent qu’ils ont leur mot à
dire dans la gestion de leur club favori. Une opinion qui n’est prise en
considération, qui n’est entendue par les pouvoirs publics que lorsque la
colère risque de déborder dans la rue, porter atteinte à la sécurité publique, avec
pour solution l’ouverture sédative des robinets distributeurs de subventions.
Cela les dirigeants et les supporters (mais essentiellement leurs leaders) le
savent et l’exploitent à qui-mieux-mieux.
Les sociétés sportives par actions auxquelles la gestion des clubs
professionnels de football est dévolue n’accordent aucune place aux supporters.
Seul, le président du comité de ces mêmes supporters occupe un strapontin au
sein de l’assemblée générale du club sportif amateur géniteur de la SSPA. Pour
être portée à la connaissance des managers de la SSPA, la voix des supporters
transite donc par au moins deux écluses qui sont le président du comité des
supporters et le représentant du CSA à l’assemblée générale ou au conseil
d’administration de la SSPA. Elle a donc le temps de s’adapter aux discours
ambiants et de faire l’objet de tractations.
La législation algérienne s’inspire grandement de la législation
française qui à travers son système démocratique indirect donne la primauté à
la responsabilité populaire via ses représentants élus, de peu de poids
décisionnel comparativement à celui des managers. Le système dévoile ainsi une
représentation encadrée. Ne le cachons pas la présence des supporters dans les
institutions est dérisoire quantitativement, symbolique et avant tout
protocolaire !
A travers la mise en place des SSPA dans leur configuration actuelle,
il est fait place aux forces détentrices de cet argent, (idole valorisante et valorisée des sociétés
modernes), éditrices des normes et règles sociales et sociétales, tentant par
tous les artifices de conserver la main mise exercée sur tous les segments de
la société.
Ailleurs, en Europe, plus particulièrement dans la péninsule ibérique,
il a été adopté une organisation qui donne une plus grande place aux
supporters, aux « socios » participant directement à
l’élection du président et à la vie du club. En somme, la perpétuation du vieux
débat socialiste (celui du 19ème siècle) mettant face à face les
tenants d’un « socialisme autoritaire » d’inspiration
marxiste et ceux d’un « socialisme libertaire » proche
des thèses de Bakounine, Proudhon, Fourrier et des collectivistes yougoslaves
de la première moitié du 20ème siècle.
La SSPA repose sur un concept qui fait que chacun des actionnaires
partagent à la fois les dividendes et les pertes au prorata des actions
détenues. La participation des supporters au capital social a pour avantage de
répartir sur une plus grande masse les résultats (de les enrichir (?)
petitement en présence de gains et d’atténuer l’impact des résultats négatifs).
Cela a aussi pour effet (cela semble être l’inconvénient majeur et primordial)
de disperser les capacités de réactivité de l’organisation, de diluer les
responsabilités que certains voudraient accaparer et d’inciter à communiquer
avec des actionnaires passionnés, turbulents et peu enclins à s’insérer dans
les rouages artificiels et souvent ésotériques. On comprend donc que les textes
régissant le fonctionnement des SSPA ne seront pas amendés. Les enjeux sont
trop importants.
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