mardi 26 avril 2016

Statut des SSPA (12), Un enjeu multidimensionnel

L
a folie dépensière des supporters alimente et enrichit les réseaux occultes de l’économie souterraine. Une économie, un système bien plus fort, bien mieux organisé et pour le moins mieux démultiplié que le système bureaucratique de contrôle. Une organisation tentaculaire à l’affut du moindre événement sportif qui puisse booster ses dividendes.
Son chiffre d’affaires est difficile à déterminer car réalisé en dehors des circuits habituels de commercialisation. Des estimations officieuses laissent entendre qu’il serait supérieur à celui du commerce réglementé. D’ailleurs, les supporters adorent acquérir à des prix défiants toute concurrence (car n’intégrant pas aux grand dépit des commerçants les taxes et impôts, cotisations auxquels l’activité est assujettie quand de plus la marchandise, très souvent importée d’horizons lointains, de Chine ou de Turquie, franchit les frontières en catimini, dans des containeurs esquivant habilement les poses de douane) tous les gadgets qui sont proposés par le marché.
Même s’il ne peut être quantifié, même s’il n’a pas fait l’objet d’études sérieuses, le budget consacré par les supporters à l’assouvissement de leur passion est énorme.
Les supporters, nous l’avons vu, considèrent qu’ils ont leur mot à dire dans la gestion de leur club favori. Une opinion qui n’est prise en considération, qui n’est entendue par les pouvoirs publics que lorsque la colère risque de déborder dans la rue, porter atteinte à la sécurité publique, avec pour solution l’ouverture sédative des robinets distributeurs de subventions. Cela les dirigeants et les supporters (mais essentiellement leurs leaders) le savent et l’exploitent à qui-mieux-mieux.
Les sociétés sportives par actions auxquelles la gestion des clubs professionnels de football est dévolue n’accordent aucune place aux supporters. Seul, le président du comité de ces mêmes supporters occupe un strapontin au sein de l’assemblée générale du club sportif amateur géniteur de la SSPA. Pour être portée à la connaissance des managers de la SSPA, la voix des supporters transite donc par au moins deux écluses qui sont le président du comité des supporters et le représentant du CSA à l’assemblée générale ou au conseil d’administration de la SSPA. Elle a donc le temps de s’adapter aux discours ambiants et de faire l’objet de tractations.
La législation algérienne s’inspire grandement de la législation française qui à travers son système démocratique indirect donne la primauté à la responsabilité populaire via ses représentants élus, de peu de poids décisionnel comparativement à celui des managers. Le système dévoile ainsi une représentation encadrée. Ne le cachons pas la présence des supporters dans les institutions est dérisoire quantitativement, symbolique et avant tout protocolaire !
A travers la mise en place des SSPA dans leur configuration actuelle, il est fait place aux forces détentrices de cet argent, (idole  valorisante et valorisée des sociétés modernes), éditrices des normes et règles sociales et sociétales, tentant par tous les artifices de conserver la main mise exercée sur tous les segments de la société.
Ailleurs, en Europe, plus particulièrement dans la péninsule ibérique, il a été adopté une organisation qui donne une plus grande place aux supporters, aux « socios » participant directement à l’élection du président et à la vie du club. En somme, la perpétuation du vieux débat socialiste (celui du 19ème siècle) mettant face à face les tenants d’un « socialisme autoritaire » d’inspiration marxiste et ceux d’un « socialisme libertaire » proche des thèses de Bakounine, Proudhon, Fourrier et des collectivistes yougoslaves de la première moitié du 20ème siècle.

La SSPA repose sur un concept qui fait que chacun des actionnaires partagent à la fois les dividendes et les pertes au prorata des actions détenues. La participation des supporters au capital social a pour avantage de répartir sur une plus grande masse les résultats (de les enrichir (?) petitement en présence de gains et d’atténuer l’impact des résultats négatifs). Cela a aussi pour effet (cela semble être l’inconvénient majeur et primordial) de disperser les capacités de réactivité de l’organisation, de diluer les responsabilités que certains voudraient accaparer et d’inciter à communiquer avec des actionnaires passionnés, turbulents et peu enclins à s’insérer dans les rouages artificiels et souvent ésotériques. On comprend donc que les textes régissant le fonctionnement des SSPA ne seront pas amendés. Les enjeux sont trop importants.

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