Nous étions installés dans le
hall d’entrée de l’ «hôtel Expo », à proximité de la
gare centrale de Barcelone, tout près d’une bouche de métro, le quartier
général de l’organisation de la finale du « grand Prix
IAAF-Mobil ». Nous venions à peine de terminer une discussion féconde
avec Saïd Aouita. Nous attendions les
athlètes et entraîneurs algériens qui
devaient participer à cette finale (Boulmerka, Morceli et Brahmi) lorsqu’un
groupe des personnes attendues, celui que l’on considérait comme étant le
« groupe Bouras », (une réduction qui marquait aussi
l’opposition avec le « groupe Brahmia ») c’est à dire
Amar Bouras en personne, Hassiba Boulmerka et Azzedine Brahmi (médaillé de
bronze du 3 000 mètres steeple) accompagnés d’une quatrième personne qui nous
était inconnue. Une personne que Bouras nous présenta comme étant le manager de Hassiba,
l’Italien Enrico Dionisi.
Arrêtons-nous un instant sur une
situation aberrante devant nous donner à réfléchir. Azzedine Brahmi fut un des
héros des championnats du monde de Tokyo.
Sa performance dans une épreuve dominée par les Kenyans est passée
presque inaperçue. Elle fut du moins éclipsée par l’éclat des médailles de
vermeil de Hassiba et Noureddine, les premières à un tel niveau de compétition
remportées par des athlètes algérien. Que dire alors de deux médailles, sur la
même distance, à quelques heures d’intervalle. La folie dans tous les pays. L’abondance ne nuisant pas, alors que pendant
des années les résultats n’avaient pas suivi, Azzedine n’existait presque pas
aux yeux du public.
Pensons aussi, le temps de
cligner des cils, à ce que dû ressentir Yasmina Azzizi, cinquième de
l’heptathlon (l’épreuve féminine correspondant au décathlon masculin), en
voyant l’accueil triomphal réservé à Larbi Bourraâda à son retour de Rio). Imaginons
un seul instant l’importance qu’auraient pris ces deux résultats (la médaille
de bronze de Brahmi et la 5ème place de Yasmina Azzizi, alors
complétement inconnue à ce niveau de compétition) en d’autres circonstances
comme celles des temps actuels qui, en l’absence de médailles, fait d’une
cinquième place un exploit alors que les dirigeants prédisaient pour cet
athlète (qui s’est déjà classé 5ème aux championnats du monde) une
médaille.
Autres temps, autres mœurs,
dit-on. L’espace médiatique s’est élargi se nourrissant de ce sensationnel qui
recherche l’exception dans ce qui devrait être la norme. Une place de finaliste
obtenue par un tricheur (n’a-t-il pas été suspendu pendant deux ans ?)
ayant bénéficié du soutien total des pouvoirs publics (y compris pendant la
période où il aurait dû être en marge) est cent fois mieux valorisé que celles
de ses pairs (les médaillés et les finalistes d’hier et d’avant-hier). La
populace est versatile et s’identifie à ce qu’on lui offre.
Les présentations faites, le
groupe (Bouras, Hassiba et Azzedine) s’éclipsa pour se rendre au stade (me
laissa-t-on entendre pour une reconnaissance des lieux et une séance
d’entrainement) me laissant seul avec Dionisi qui, selon Bouras, aurait aimé
discuté avec moi. Cela tombait bien puisque nous aussi nous étions intéressé
d’aborder avec lui le sujet touchant à la fonction de manager d’athlètes de
haut niveau qu’Amar Brahmia avait introduite en Algérie avec la prise en
charge des intérêts de Noureddine Morceli. Une activité qui alimentait les
débats. Un regard étranger était le bienvenu.
La question ne fut jamais
abordée. Dionisi me laissa sur ma faim. A peine assis, Dionisi attaqua tête baissée le
sujet qui le tenaillait. Le sujet sur lequel l’avait branché certainement quelques
instants plutôt Amar Bouras. J’avais vu le quatuor sortir de l’ascenseur. Je
l’avais vu s’arrêter quelques minutes, discuter âprement en me regardant
discrètement puis reprendre son chemin vers la sortie et obligatoirement vers nous
qui étions idéalement placé sur leur chemin, sur le seul passage direct vers
l’extérieur. Ce qui leur tenait à cœur (Dionisi n’étant qu’un intermédiaire) était
le « fameux » entrefilet, la mutation (finalement
avortée) de Hassiba vers le MPA.
Au bout de quelques minutes, le
temps de comprendre le pourquoi de l’agressivité verbale, d’un discours en un
français plus qu’approximatif qui aurait fait honte à n’importe quel lycéen moyen
d’Alger, nous arrêtâmes son flot de paroles saccadées. Nous lui dîmes, alors qu’il venait de nous menacer
d’une action en justice : « Vous avez lu l’article ? Vous
l’avez compris ? Non. Amar vient de vous en parler. Lisez-le. Déposez
votre plainte où vous voulez. Demandez aussi à Amar de vous apprendre l’intérêt
du mode conditionnel dans la langue française. Mais, sachez bien que vous
perdrez votre procès et que je demanderai un million de dollars pour préjudice
moral». Entendant le montant d’un million de dollars ou peut être aussi
en raison d’une réaction à laquelle il ne s’attendait pas (tous les Algériens
ne sont-ils pas, dans son esprit, la copie conforme de Bouras ?), il se
leva et parti. Nous le retrouvâmes le lendemain au stade olympique. Sns qu’un
mot ne soit prononcé.
Nous n’avons plus entendu parler
de lui ni parlé à Amar Bouras. Sauf, pour ce qui concerne ce dernier, en deux
occasions. La première (dans les semaines qui suivirent Barcelone) lorsque nous
l’appelâmes au téléphone pour demander son autorisation de communiquer son
numéro de téléphone ou celui de Hassiba à des journalistes français (VO2
Magazine) qui souhaitaient
interviewer la surprenante championne du monde. La seconde, il y deux ou
trois ans au « semi-marathon Chihani Bachir » du
Khroub.
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