Ce que l’on ne sait pas (ou plutôt
que l’on feint d’ignorer du côté du Sato et de la FAA, où l’amnésie est
flagrante y compris lorsqu’il faut se souvenir des anciennes gloires de
l’athlétisme) c’est que la vocation de manager est apparue très tôt chez
Brahmia. C’est Saïd Aouita qui nous a mis la puce à l’oreille le 19 septembre
1991, la veille de la finale du « Grand Prix IAAF-Mobil »
s’étant disputé à Barcelone.
Arrivé très tôt ce matin-là au QG du comité d’organisation de la
compétition, premier journaliste accrédité, après un long voyage en train de
nuit de Madrid à Barcelone, nous avons intercepté, en fin de matinée, le
champion marocain qui déambulait en
solitaire, de vitrines d’exposition de produits artisanaux locaux en vitrines
d’exposition, dans le hall de l’ « Hôtel Expo »,
situé à quelques pas de la gare ferroviaire de la capitale de la Catalogne.
Surpris d’être interpellé en
arabe (El Djazeera, BeIN Sports n’avaient pas encore envahi la sphère
médiatique), après présentation, Saïd Aouita (avec cette modestie, cette
retenue et cet enthousiasme qui semblent être un élément de la première
impression que nous avons perçu en rencontrant et en discutant avec de grands
champions arabes tels que Morceli, Benida, Gammoudi, Moulay Ibrahim Boutayeb) a
bien faire voulu faire conversation avec nous. Sans protocole aucun! L’absence de micro, de stylo, de bloc-notes avait sans
doute facilité le contact et la discussion. Une discussion très décontractée
entre personnes de bonne compagnie.
Saïd Aouita était au crépuscule
de sa carrière. Quelques jours plus tôt, Noureddine Morceli avait conquis le
titre mondial du 1500 mètres (Tokyo). Contrairement à la roumaine Doina Melinte
qui eut une réaction négative lorsque notre confrère Abdenour Belkheir l’a
questionna un peu plus tard au sujet de Hassiba Boulmerka, Saïd Aouita semblait
n’avoir aucun problème à transmettre le témoin et à parler de son « jeune
frère » Noureddine qui, selon les propos qu’il nous avait tenu,
avait toutes les qualités pour être le miler de la décennie 1990. Son
compatriote Hichem El Gueroudj n’avait pas encore montré le bout de son nez.
Nous, Algériens connaissons cette
expression très protocolaire qui, lorsqu’elle est dite en arabe, marque la
hiérarchie, la préséance mais aussi une certaine condescendance de la part de
l’ancien vis-à-vis du nouveau venu. Pourtant, dans la bouche de Saïd Aouita,
l’expression avait une autre consistance, une autre signification que nous
n’avions pu saisir.
Nous ne maitrisions pas la
relation entre le champion marocain et les athlètes algériens. Nous avions peu
d’informations sur ce sujet. De plus, le contexte politique et les relations
diplomatiques tendues entre les deux pays voisins prédisposaient à une formule
protocolaire, celle qui fait des musulmans des « frères ».
Devant notre surprise (intuitivement, la formulation semblait vouloir dire
autre chose), Saïd Aouita nous dit qu’il considérait Abderrahmane Morceli et
Amar Brahmia comme étant « ses frères ainés ».
Encore une formule relevant du
même registre, avons-nous pensé. Celui
des formules de politesse ampoulées comme on en décèle à profusion dans les
discours des sujets des monarchies arabo-musulmanes et des citoyens des nations
ayant connu l’idéologie arabo-baathiste avant qu’elles (les formules) ne soient
mises à la sauce religieuse. Une de ces expressions que l’on entend à la radio
ou à la télé quand les représentants diplomatiques parlent de relations
internationales.
Saïd Aouita, comme si de rien
n’était, nous expliqua alors qu’il devait sa réussite sportive aux athlètes
Algériens - plus particulièrement à Abderrahmane Morceli et à Amar Brahmia - qui
lui avaient permis, à ses débuts internationaux, de s’engager et de participer
aux meetings d’athlétisme qui comptent, ceux où il allait s’illustrer, ceux qui
feront sa renommée et ceux qui le virent battre des records du monde. Brahmia
et A. Morceli lui avait mis le pied à
l’étrier. Il nous dit : « sans eux, je ne serai pas ce que
je suis ».
A un moment de la discussion,
Saïd Aouita nous désigna une dame installée à côtés de l’espace réservé aux
accréditations. Une dame, blonde, grande, aux apparences de lanceuse, ne
répondant pas du tout au profil des ibériques. Une dame avec laquelle nous
avions eu à notre arrivée, au moment des formalités de notre accréditation, un
échange surprenant. « Cette dame, c’est Amar Brahmia qui me l’a fait
connaitre. C’est la directrice du meeting d’Helsinki », nous dit
Saïd Aouita.
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