La dame que Saïd Aouita nous
désignait du regard était, une demie heure avant notre rencontre avec le
champion marocain, déjà présente aux accréditations. Elle était alors engagée dans
une discussion animée avec la préposée à
cette opération. Alors que notre enregistrement était en bonne voie, nous
avions demandé incidemment à la préposée si Noureddine Morceli était arrivé.
Dans notre logique de journaliste
algérien (il faut dire peu au fait des dessous de ces grands meetings) qui est
aussi celle du grand public ou plus exactement se confond souvent avec celle
des passionnés d’athlétisme avides de résultats, performances et autres
records, sans en connaitre l’arrière-plan, nous avions pensé, intuitivement,
spontanément, sans aucune arrière-pensée que la récente victoire-surprise d’un
Algérien inconnu aux championnats du monde de Tokyo aurait suscité l’attention
des uns et des autres, marqué les esprits des Autres. En fait, il n’en était
rien. Nous étions bien loin de la réalité.
Pourquoi avoir choisi
Noureddine ? Nous avions cru que son nom serait plus familier que celui de
Hassiba. Il était plus présent dans les meetings du « grand
cirque » que l’athlète constantinoise.
Pour la préposée aux
accréditations, comme pour beaucoup d’autres amoureux de la discipline
dispersés à travers la planète, Morceli était un parfait inconnu. Ils
(Noureddine et Hassiba) n’appartenaient pas encore à leur sphère de proximité.
Même le doublé (deux athlètes représentants d’un même pays, peu connu à ce
niveau de compétition, remportant la course du 1500 mètres chez les dames et
les messieurs) n’avait pas vraiment accroché ou avait été oublié rapidement.
C’est alors que l’autre dame (celle dont
Aouita nous dira plus tard qu’elle était la directrice du meeting d’Helsinki)
s’adressa à nous : « Monsieur, personne ne connait Morceli.
Demandez Brahmia et vous aurez immédiatement la réponse à votre question».
Une interpellation stupéfiante s’il peut en être. Presque le monde à l’envers.
Le nom de l’athlète, que tous les téléspectateurs ont pu voir remporter la
victoire, n’est pas retenu alors que celui de l’homme de l’ombre (le manager) est
le mot de passe, le sésame inattendu.
Etonnamment, nous apprîmes ce
jour-là que pour la grande majorité des membres de l’organisation d’un meeting
et pour le bon déroulement de celui-ci, le nom des champions invités à constituer
le plateau n’est pas la chose la plus importante à connaitre. La plus sérieuse
était au contraire le « groupe » auquel ils
appartiennent, le nombre de personnes qui le constituent et dont il faut
s’occuper, qu’il faut prendre en charge. Une question de logistique plus que
notoriété individuelle, de palmarès. Nous en aurons confirmation plus tard avec
le meeting de Constantine.
En quelques mois (ceux précédant
les titres mondiaux de Hassiba et Noureddine), le « groupe
Brahmia » et le « groupe Bouras » (mais
avant tout les résultats de Noureddine Morceli et de Hassiba Boulmerka) nous
avait obligés à nous intéresser à nouveau à la tournée mondiale des meetings.
Leurs participations à ces meetings de qualité incitaient à lire, dès leurs
tombées sur les téléscripteurs, les dépêches des agences de presse (AFP et
Reuter) pour en connaitre les résultats et à orienter « les grandes
oreilles » vers les sources de production et/ou de transmissions
d’informations.
Le « groupe
Brahmia » et le « groupe Bouras » ont été
au cœur des discussions et des polémiques. Les résultats sportifs bien
évidemment mais aussi les « à-côtés » sulfureux. Partout
sur le territoire national, au sein des viviers de l’athlétisme, sur tous les
stades et essentiellement au « stade annexe » et dans
les coulisses des compétitions nationales, on rapportait la « dernière
info » (vraie ou fausse) sur l’un ou l’autre des deux groupes. Les
commères des stades avaient précédé celles des hammams.
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