mardi 4 octobre 2016

Polémiques (25), Les commères des stades

La dame que Saïd Aouita nous désignait du regard était, une demie heure avant notre rencontre avec le champion marocain, déjà présente aux accréditations. Elle était alors engagée dans une discussion animée  avec la préposée à cette opération. Alors que notre enregistrement était en bonne voie, nous avions demandé incidemment à la préposée si Noureddine Morceli était arrivé.
Dans notre logique de journaliste algérien (il faut dire peu au fait des dessous de ces grands meetings) qui est aussi celle du grand public ou plus exactement se confond souvent avec celle des passionnés d’athlétisme avides de résultats, performances et autres records, sans en connaitre l’arrière-plan, nous avions pensé, intuitivement, spontanément, sans aucune arrière-pensée que la récente victoire-surprise d’un Algérien inconnu aux championnats du monde de Tokyo aurait suscité l’attention des uns et des autres, marqué les esprits des Autres. En fait, il n’en était rien. Nous étions bien loin de la réalité.
Pourquoi avoir choisi Noureddine ? Nous avions cru que son nom serait plus familier que celui de Hassiba. Il était plus présent dans les meetings du « grand cirque » que l’athlète constantinoise.
Pour la préposée aux accréditations, comme pour beaucoup d’autres amoureux de la discipline dispersés à travers la planète, Morceli était un parfait inconnu. Ils (Noureddine et Hassiba) n’appartenaient pas encore à leur sphère de proximité. Même le doublé (deux athlètes représentants d’un même pays, peu connu à ce niveau de compétition, remportant la course du 1500 mètres chez les dames et les messieurs) n’avait pas vraiment accroché ou avait été oublié rapidement.
 C’est alors que l’autre dame (celle dont Aouita nous dira plus tard qu’elle était la directrice du meeting d’Helsinki) s’adressa à nous : « Monsieur, personne ne connait Morceli. Demandez Brahmia et vous aurez immédiatement la réponse à votre question». Une interpellation stupéfiante s’il peut en être. Presque le monde à l’envers. Le nom de l’athlète, que tous les téléspectateurs ont pu voir remporter la victoire, n’est pas retenu alors que celui de l’homme de l’ombre (le manager) est le mot de passe, le sésame inattendu.
Etonnamment, nous apprîmes ce jour-là que pour la grande majorité des membres de l’organisation d’un meeting et pour le bon déroulement de celui-ci, le nom des champions invités à constituer le plateau n’est pas la chose la plus importante à connaitre. La plus sérieuse était au contraire le « groupe » auquel ils appartiennent, le nombre de personnes qui le constituent et dont il faut s’occuper, qu’il faut prendre en charge. Une question de logistique plus que notoriété individuelle, de palmarès. Nous en aurons confirmation plus tard avec le meeting de Constantine.
En quelques mois (ceux précédant les titres mondiaux de Hassiba et Noureddine), le « groupe Brahmia » et le « groupe Bouras » (mais avant tout les résultats de Noureddine Morceli et de Hassiba Boulmerka) nous avait obligés à nous intéresser à nouveau à la tournée mondiale des meetings. Leurs participations à ces meetings de qualité incitaient à lire, dès leurs tombées sur les téléscripteurs, les dépêches des agences de presse (AFP et Reuter) pour en connaitre les résultats et à orienter « les grandes oreilles » vers les sources de production et/ou de transmissions d’informations.

Le « groupe Brahmia » et le « groupe Bouras » ont été au cœur des discussions et des polémiques. Les résultats sportifs bien évidemment mais aussi les « à-côtés » sulfureux. Partout sur le territoire national, au sein des viviers de l’athlétisme, sur tous les stades et essentiellement au « stade annexe » et dans les coulisses des compétitions nationales, on rapportait la « dernière info » (vraie ou fausse) sur l’un ou l’autre des deux groupes. Les commères des stades avaient précédé celles des hammams.

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