Ceux qui côtoient les milieux
sportifs savent d’expérience que les entraîneurs (quelque soit le lieu
d’exercice de leur métier, en Europe ou au fin fond des continents et des
nations en voie de développement) sont des bricoleurs dans l’âme ou plutôt des innovateurs,
des adaptateurs par nécessité. En particulier, lorsqu’il s’agit de compenser
l’absence notoire de matériels pédagogiques qui, du point de vue des
gestionnaires des fonds publics, coûtent toujours excessivement chers ou dont
la dépense (c’est une subtilité du discours administratif) n’avait pas été
envisagée dans les prévisions budgétaires.
La publication des précédentes
chroniques sur la « cryothérapie du meskine » a amené
des lecteurs à nous adresser quelques commentaires et à envoyer de nouvelles photos.
Ces dernières montrent que, malgré les
constats amers, l’inventeur de cet
exemple d’un excellent « travail arabe » (une expression
sémantique qui signifie bricolage, adaptation et adoption de solutions de
rechange à une situation) a su cependant redonner un peu dignité aux athlètes
ayant pu bénéficier des effets recherchés en faisant l’impasse sur la qualité
intrinsèque des moyens. Un succédané, appliqué au milieu sportif, du « qu’importe
le contenant pourvu qu’on est l’ivresse ! ».
Le recours à la cryothérapie
(dont on nous dit par ailleurs qu’elle ne serait pas aussi efficace que ce
qu’en disent les spots publicitaires), en tant que moyen de récupération après
l’effort et en tant qu’anti-inflammatoire naturel, a existé en Algérie dans une
première forme qui n’a pas été celle que l’on connait maintenant sous les
apparences de la « cryothérapie du meskine » ou de
la « baignoire de Bouraâda ».
Elle a été (gardons-nous de
l’oublier) une pratique palliative qui, selon les premiers constats, a situé,
sur les plans de l’esthétique et de l’estime de soi, la récupération par le
froid à un niveau de dégradation émotionnellement avancée.
La forme pratiquée chez nous a autorisé la « cryothérapie
du meskine » (du pauvre) à supplanter une « cryothérapie
du misérable ». Elle (« la cryothérapie du meskine »),
si l’on prend en compte ce que l’on en dit, plonge ses racines dans un passé, pas aussi
éloigné qu’on pourrait et voudrait le croire, l’ayant fait passer d’abord par
une étape préhistorique qui serait celle que nous qualifions de « cryothérapie
du misérable » ou « cryothérapie de l’homme de Cro-Magnon ».
Elle (« la cryothérapie de Cro-Magnon »)
a donc précédé la « baignoire de Bouraâda ». Mais,
nous n’en savions rien. Ou plutôt nous
n’avions pas su décrypter les allusions sibyllines qui la rapportaient. Elle
était si avilissante pour les sportifs qu’elle en était impensable, qu’il était
impossible d’en parler ouvertement, de la rendre publique. Elle fit partie des
tabous que la société sportive préféra taire.
En athlétisme, le sentiment de
solidarité et de partage est fort. Comme dans le reste de la société, il n’y a
que les pauvres qui partagent avec les autres démunis le peu qu’ils possèdent.
Que dire lorsqu’il s’agit de savoir, d’idées, de paroles. Qui ne coûtent rien
aux dispensateurs.
Sport individuel par excellence, l’athlétisme
(on ne sait en utilisant quel tour de magie) crée un esprit d’équipe qui
transparait dans les situations difficiles, lorsque les situations impliquent
l’union. Lorsque, il faut aussi le dire, les intérêts personnels convergent
dans la même direction. Lorsque les difficultés vécues sont identiques ou
similaires. Bouraâda a dit (c’est à son honneur et à celui de l’ « inventeur »
(Mahour Bacha ou Agsous) de la baignoire qui porte le nom du décathlonien) lors
du reportage qui fut consacrée à la baignoire popularisant la « cryothérapie
à la mode Sato », que son usage n’était pas réservé à quelques
privilégiés, que les autres athlètes pouvaient l’utiliser à la seule et unique condition
d’apporter avec soi l’élément essentiel et indispensable : les bouteilles
d’eau congelée.
L’histoire récente nous a appris que la cryothérapie en milieu
athlétique a connu deux périodes : la période de la « cryothérapie
du pauvre » et la « cryothérapie du misérable ». L’ère de la « cryothérapie de Cro-Magnon »
est moins connue.
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