Je partage ci-dessous le texte de
la communication rédigée pour le compte d’une journée d’études organisée
par l’EN/STS (ex-ISTS), dans le cadre des CPUS (Carrefours universitaires et
professionnels du sport). La thématique retenue pour cette rencontre du 23 mai
2017 portait sur la relation médias-football.
La communication a été présentée
par la direction du quotidien « Le Géant Sportif ».
« L’évolution
sémiologique et fonctionnelle de la relation presse-football »
Depuis que la presse algérienne est née, le football, est (il
ne faut pas se voiler la face) un de ses thèmes favoris. Un de ceux qui, plus
que tous les autres, en font sa richesse économique. A tel titre qu’il fut
qualifié un temps d’ « opium du peuple » dans ce
qui se voulait une parodie de la célèbre citation de Karl Marx.
Avant la proclamation de l’indépendance, l’équipe du FLN y
avait déjà sa place en tant qu’élément fort de résilience, en tant que vecteur
du discours révolutionnaire, en tant que discours ou symbole fédérateur porté
par la presse nationaliste
indépendantiste.
Depuis lors, le football est un espace informationnel aussi
important que les thématiques politiques et économiques. Ces dernières années,
en des circonstances particulières, il les a même supplantés. Lorsqu’il n’est
pas devenu lui-même un sujet de politique politicienne telle qu’elle se vit
dans les cafés. Rappelons-nous comment le traitement des matchs entre les
équipes nationales algérienne et égyptienne joués au Caire puis à Oum Dourmane fut
traité et a permis le franchissement de la mise en page traditionnellement cloisonnée et rigide.
Sur le plan historique, on constate que la relation entre la
presse et le football a connu une évolution liée au contexte politique et
idéologique marqué indéniablement par le passage de l’unicité du discours à la
pluralité discursive. Par une évolution déclarative du système de gouvernance.
Un passage qui est aussi celui qui permet de franchir la frontière entre le parti
unique et le pluralisme politique.
Un changement idéologique qui autorisa l’arrivée de ce que
l’on a appelé la « presse indépendante » (du
pouvoir) ou la « presse privée ». Deux notions qui
mériteraient que l’on s’y arrête (dans un autre cadre que celui-ci) pour les
définir et expliciter les sémantiques dont ces deux concepts sont
historiquement porteuses. Comparativement à leur socle fondateur, la « presse
publique ».
Le lien ombilical unissant ces deux presses (la presse
indépendante est née de la presse publique) n’a pas facilité l’apport de
changements majeurs (si ce n’est dans la gouvernance de l’entreprise de presse
et le traitement de l’information), en conservant de fait les fonctions classiques
connues des médias (information, pédagogie, catharsis et résilience) qui
restent présentes.
Le changement s’est fait au plan de la priorisation des
fonctions accordées aux médias et dans le bouleversement de la hiérarchie
académiquement répertoriée.
L’analyse du contenu de la presse sportive d’expression
française actuelle (relevant du secteur de la presse privée) montre qu’elle a
bouleversé la hiérarchie des fonctions en donnant la prévalence à la fonction
cathartique par rapport aux fonctions informationnelle et pédagogique
privilégiées par la presse sportive du secteur public d’hier et se poursuivant
dans les rubriques sportives des titres généralistes de ce secteur perdurant.
La relation de l’événement footballistique dans cette presse
a toujours possédé un contenu à tendance pédagogique. L’action sportive (au sens
large du terme) est porteuse d’un contenu explicatif et devant être expliqué.
La presse sportive du secteur privé est aujourd’hui dominante
sur les étals des buralistes. La fonction « formation »
ou « pédagogie » qui fut essentielle (car en phase avec
le discours politique d’antan) est reléguée au second plan. Elle été supplantée
par la primauté donnée à la fonction cathartique.
Cette fonction de « catharsis » (une
forme de soupape de sureté permettant l’expression libre et souvent outrancière
de ce qui ne peut être exprimé et qui devient une libération de la parole
individuelle) qui, par le passé, fut résiduelle (dans la forme présente), nous serions
tentés d’écrire presque anecdotique (tout en étant permanente dans le discours
journalistique par le jeu sémantique subtil de la connotation, par des discours
journalistiques allusifs en porte-à-faux avec les discours dominants) est la
marque de fabrique de la presse sportive.
S’appuyant sur le fait sportif indéniable (celui matérialisé
par une rencontre sportive, les circonstances de déroulement, les à-côtés, etc.
ainsi que par les enjeux économiques, financiers, commerciaux, de pouvoir
souvent personnels généralement imperceptibles aux yeux des non-initiés), elle
offre un espace en apparence non régulé aux sportifs de différents statuts
(athlètes, entraîneurs, dirigeants, supporters-spectateurs) qui bénéficient
ainsi à moindre coût de la possibilité de s’exprimer et de porter à la
connaissance de qui de droit (les autorités publique locales ou nationales ou la
masse des supporters hissée au statut de décideurs alors qu’elle n’est qu’un
levier utilisé par les Archimède du mouvement sportif) des préoccupations
« mineures », dans le contexte général vécu par la
population en situation de précarité mais primordiales dans un microcosme
sportif se limitant le plus souvent au cercle restreint qu’est un groupement de
sportifs (associations sportives ou autres organisations sectorielles telles
que les ligues, les fédérations, etc.).
Au bout du compte, cette évolution, formée sur une durée de trois
ou quatre décennies, s’est alignée sur l’ambiance générale. La démocratisation
de la vie sociale s’est accompagnée d’une démocratisation de l’univers sportif.
Le professionnalisme à visage libéral a remplacé le professionnalisme étatique.
La presse instrument des appareils de l’Etat
a laissé place à une presse instrument d’intérêts certes éparpillés mais
détenus par une oligarchie en mal de reconnaissance sociale ayant pour cible (ou
moteur de promotion) l’activité sportive imprégnant le plus les esprits.
Alors que la presse sportive publique était un élément
d’incitation à la réflexion des décideurs politiques locaux et nationaux, la
presse sportive actuelle se retrouve dans les oripeaux de rouages d’un
instrument de pression sur les pouvoirs économiques en action dans les
micro-organisations que sont les associations sportives. En vue d’une prise de
pouvoir sectorielle.
Le quatrième pouvoir spirituel et virtuel qu’elle fut avec la
presse sportive publique s’est transformé en un quatrième pouvoir agissant dans
les sphères basiques, influençant le comportement des parties en présence
souvent antinomiques dans leurs buts et leurs fonctionnements.
Les ressorts de la confection des médias ont été grosso modo
conservés en dépit de moyens technologiques modernes. Si ce n’est que la
collecte de l’information ne se fait plus sur les principes en vigueur hier et
avant-hier sublimant des leaders d’opinion au vécu sportif établi.
Une analyse sémiologique quantitative montrera plus que cet
exposé qu’une priorité insidieuse (démontrant par ailleurs l’économie générale
de la confection de beaucoup de médias), outre la peopolisation ambiante, est
accordée à une génération de sportifs sans aucun palmarès, souvent inconnus, y
compris quelques fois de leurs entraineurs et de leurs dirigeants qui ne les
ont pas encore portés au premier rang, attendant leur arrivée à maturité.
Ces jeunes sportifs mis en avant par la presse forment des
régiments prenant les apparences de starlettes du sport ne disposant pas toujours
des appâts (talents) évidents qu’exhibent les starlettes du 7ème art
déambulant sur la Croisette. Des jeunots que l’on fait mousser pour le
bonheur des tireurs de ficelles.
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