dimanche 28 mai 2017

« L’évolution sémiologique et fonctionnelle de la relation presse-football »

Je partage ci-dessous le texte de la communication rédigée pour le compte d’une journée d’études organisée par l’EN/STS (ex-ISTS), dans le cadre des CPUS (Carrefours universitaires et professionnels du sport). La thématique retenue pour cette rencontre du 23 mai 2017 portait sur la relation médias-football.  
La communication a été présentée par la direction du quotidien « Le Géant Sportif ».

« L’évolution sémiologique et fonctionnelle de la relation presse-football »

Depuis que la presse algérienne est née, le football, est (il ne faut pas se voiler la face) un de ses thèmes favoris. Un de ceux qui, plus que tous les autres, en font sa richesse économique. A tel titre qu’il fut qualifié un temps d’ « opium du peuple » dans ce qui se voulait une parodie de la célèbre citation de Karl Marx.
Avant la proclamation de l’indépendance, l’équipe du FLN y avait déjà sa place en tant qu’élément fort de résilience, en tant que vecteur du discours révolutionnaire, en tant que discours ou symbole fédérateur porté par la presse  nationaliste indépendantiste.
Depuis lors, le football est un espace informationnel aussi important que les thématiques politiques et économiques. Ces dernières années, en des circonstances particulières, il les a même supplantés. Lorsqu’il n’est pas devenu lui-même un sujet de politique politicienne telle qu’elle se vit dans les cafés. Rappelons-nous comment le traitement des matchs entre les équipes nationales algérienne et égyptienne joués au Caire puis à Oum Dourmane fut traité et a permis le franchissement de la mise en page traditionnellement  cloisonnée et rigide.
Sur le plan historique, on constate que la relation entre la presse et le football a connu une évolution liée au contexte politique et idéologique marqué indéniablement par le passage de l’unicité du discours à la pluralité discursive. Par une évolution déclarative du système de gouvernance. Un passage qui est aussi celui qui permet de franchir la frontière entre le parti unique et le pluralisme politique.
Un changement idéologique qui autorisa l’arrivée de ce que l’on a appelé la « presse indépendante » (du pouvoir) ou la « presse privée ». Deux notions qui mériteraient que l’on s’y arrête (dans un autre cadre que celui-ci) pour les définir et expliciter les sémantiques dont ces deux concepts sont historiquement porteuses. Comparativement à leur socle fondateur, la « presse publique ».
Le lien ombilical unissant ces deux presses (la presse indépendante est née de la presse publique) n’a pas facilité l’apport de changements majeurs (si ce n’est dans la gouvernance de l’entreprise de presse et le traitement de l’information), en conservant de fait les fonctions classiques connues des médias (information, pédagogie, catharsis et résilience) qui restent présentes.
Le changement s’est fait au plan de la priorisation des fonctions accordées aux médias et dans le bouleversement de la hiérarchie académiquement répertoriée.
L’analyse du contenu de la presse sportive d’expression française actuelle (relevant du secteur de la presse privée) montre qu’elle a bouleversé la hiérarchie des fonctions en donnant la prévalence à la fonction cathartique par rapport aux fonctions informationnelle et pédagogique privilégiées par la presse sportive du secteur public d’hier et se poursuivant dans les rubriques sportives des titres généralistes de ce secteur perdurant.
La relation de l’événement footballistique dans cette presse a toujours possédé un contenu à tendance pédagogique. L’action sportive (au sens large du terme) est porteuse d’un contenu explicatif et devant être expliqué.
La presse sportive du secteur privé est aujourd’hui dominante sur les étals des buralistes. La fonction « formation » ou « pédagogie » qui fut essentielle (car en phase avec le discours politique d’antan) est reléguée au second plan. Elle été supplantée par la primauté donnée à la fonction cathartique.
Cette fonction de « catharsis » (une forme de soupape de sureté permettant l’expression libre et souvent outrancière de ce qui ne peut être exprimé et qui devient une libération de la parole individuelle) qui, par le passé, fut résiduelle (dans la forme présente), nous serions tentés d’écrire presque anecdotique (tout en étant permanente dans le discours journalistique par le jeu sémantique subtil de la connotation, par des discours journalistiques allusifs en porte-à-faux avec les discours dominants) est la marque de fabrique de la presse sportive.
S’appuyant sur le fait sportif indéniable (celui matérialisé par une rencontre sportive, les circonstances de déroulement, les à-côtés, etc. ainsi que par les enjeux économiques, financiers, commerciaux, de pouvoir souvent personnels généralement imperceptibles aux yeux des non-initiés), elle offre un espace en apparence non régulé aux sportifs de différents statuts (athlètes, entraîneurs, dirigeants, supporters-spectateurs) qui bénéficient ainsi à moindre coût de la possibilité de s’exprimer et de porter à la connaissance de qui de droit (les autorités publique locales ou nationales ou la masse des supporters hissée au statut de décideurs alors qu’elle n’est qu’un levier utilisé par les Archimède du mouvement sportif) des préoccupations « mineures », dans le contexte général vécu par la population en situation de précarité mais primordiales dans un microcosme sportif se limitant le plus souvent au cercle restreint qu’est un groupement de sportifs (associations sportives ou autres organisations sectorielles telles que les ligues, les fédérations, etc.).
Au bout du compte, cette évolution, formée sur une durée de trois ou quatre décennies, s’est alignée sur l’ambiance générale. La démocratisation de la vie sociale s’est accompagnée d’une démocratisation de l’univers sportif. Le professionnalisme à visage libéral a remplacé le professionnalisme étatique. La presse instrument des appareils de l’Etat  a laissé place à une presse instrument d’intérêts certes éparpillés mais détenus par une oligarchie en mal de reconnaissance sociale ayant pour cible (ou moteur de promotion) l’activité sportive imprégnant le plus les esprits.
Alors que la presse sportive publique était un élément d’incitation à la réflexion des décideurs politiques locaux et nationaux, la presse sportive actuelle se retrouve dans les oripeaux de rouages d’un instrument de pression sur les pouvoirs économiques en action dans les micro-organisations que sont les associations sportives. En vue d’une prise de pouvoir sectorielle.
Le quatrième pouvoir spirituel et virtuel qu’elle fut avec la presse sportive publique s’est transformé en un quatrième pouvoir agissant dans les sphères basiques, influençant le comportement des parties en présence souvent antinomiques dans leurs buts et leurs fonctionnements.
Les ressorts de la confection des médias ont été grosso modo conservés en dépit de moyens technologiques modernes. Si ce n’est que la collecte de l’information ne se fait plus sur les principes en vigueur hier et avant-hier sublimant des leaders d’opinion au vécu sportif établi.
Une analyse sémiologique quantitative montrera plus que cet exposé qu’une priorité insidieuse (démontrant par ailleurs l’économie générale de la confection de beaucoup de médias), outre la peopolisation ambiante, est accordée à une génération de sportifs sans aucun palmarès, souvent inconnus, y compris quelques fois de leurs entraineurs et de leurs dirigeants qui ne les ont pas encore portés au premier rang, attendant leur arrivée à maturité.

Ces jeunes sportifs mis en avant par la presse forment des régiments prenant les apparences de starlettes du sport ne disposant pas toujours des appâts (talents) évidents qu’exhibent les starlettes du 7ème art déambulant sur la Croisette. Des jeunots que l’on fait mousser pour le bonheur  des tireurs de ficelles. 

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