Celui que nous considérons comme un « informateur »
est un leader d’opinion en puissance. Il n’est pas « un indicateur »
des services de sécurité ni « un lanceur d’alerte ».
Pourtant, bien souvent, il pourrait se confondre avec le second dans ses
actions de dévoilement d’actes néfastes (de son point de vue) à la discipline
qui lui tient à cœur.
Bien que se présentant sous un déguisement, il bénéficie, dans la
sphère où il intervient, d’une aura et d’une autorité morale qui lui sont
accordées au vu de ses références et performances dans la discipline (ou le
thème) en question. Elles permettraient (si besoin en était) de le faire reconnaitre
en tant que tel (leader d’opinion) à la condition expresse d’accepter toutefois
de se laisser ôter le masque derrière lequel il se dérobe aux regards.
Ce masque virtuel (dans la réalité, l’informateur n’en porte pas et il
lui est confectionné par le représentant des médias) n’a rien à envier à celui que
portèrent les acteurs grecs antiques jouant Eschyle ou Sophocle. Comme le
masque théâtral athénien, il favorise la distanciation. Il autorise ainsi la
distinction entre l’information et le porteur de l’information.
Dans cette situation par bien d’aspects mélodramatique, c’est le
message qui est important pas le messager où la forme revêtu par les porte-paroles
des dieux olympiens. L’information, aussi objective soit-elle, prend place aux premiers
rangs de ce qui est, nous devons l’intégrer à notre pensée, une expression de
la comédie humaine qui se joue au quotidien sur une scène éclairée a giorno par
les projecteurs.
Nous mettrons ce masque dissimulateur sur le même plan que ces acteurs
qui, dans le théâtre occidental de la période classique (Molière, Corneille,
Racine) ou du théâtre algérien naissant, celui de la première moitié du XXème
siècle (celui où Mahiedinne Bachtarzi occupa un rôle pivot) jouèrent des rôles
féminins.
Pour ce qui nous concerne, dans la forme journalistique pratiquée, le
recours à la rumeur, en tant que source d’informations, n’est pas un exercice
aussi redoutable qu’elle pourrait l’être dans les autres formes journalistiques.
Celles-ci, par ces subtilités sémantiques et lexicales se prétendant
apurées de toutes immixtions dont voudraient se débarrasser vainement les
techniques d’écritures enseignées dans les écoles de formation de journalistes
et confirmées par l’impérialisme de l’idéologie dominante, sont quant à elles
forcées de « sourcer » les arguments. Elles se sont mises
elles-mêmes en condition pour reproduire une opinion émise par un locuteur
identifié devenant une source visible d’informations et de sens à décrypter
rattachables à un mode de pensée.
Les rumeurs que nous reproduisons, en dépit de leurs positions dans
une chronologie ou dans un enchaînement, ont, dans la chronique, dans le récit
proposé à la lecture, un statut d’informations secondaires. Elles accompagnent
l’information principale et essentielle. Elles se situent le plus souvent en
arrière-plan. Elles décrivent le décor (lorsqu’elles n’en font pas partie).
Elles font aussi partie intégrante du contexte dans lequel le fait est apparu
et quelque fois se développe. Diffusées en leurs temps, quand elles auraient pu
faire l’actualité, elles auraient été essentielles.
La différence essentielle entre les informations contenues dans les
« rumeurs » (au sens que nous avons précédemment
défini) et les informations « sourcées» (celles reprises
dans la presse quotidienne et périodiques) se constate dans la visibilité des
énonciateurs.
La qualité intrinsèque, la pertinence de l’information, rapportée par
un informateur ou par un leader d’opinion, sont identiques. A qualité
informationnelle égale, la différenciation se fait compte tenu du statut de
l’énonciateur. Celui que l’on voit, que l’’on entend, même par l’intermédiation
d’un tiers (le journaliste), est évidemment socialement plus crédible.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire