Quant aux arts martiaux, ils s’étaient
été transformés, gommant impitoyablement les philosophies accompagnatrices de
spiritualités existantes dans leurs biotopes d’origine, en sports utilitaires.
Dès la décennie 1980, ils furent un instrument d’embrigadement et de
préparation physique des acteurs (et futurs acteurs) des maquis armés
islamistes.
Puis, l’essor fulgurant de la
pratique (satisfaisant le goût immodéré pour des statistiques réductrices) semble
indiquer la présence d’autres dimensions
dont celle de l’élévation (par l’enseignement à de jeunes enfants) des arts martiaux
au rang de moyens de défense et de survie, difficilement assurées dans le cadre
de l’ordre public.
Les « écoles »
issues de ce mouvement multiplié et diversifié à l’infini, l’apparition d’arts
martiaux inconnus ou du moins confidentiels s’inscrivent au plus près de la
perspective philosophique se dégageant du corpus juridique en vigueur au cours
de la décennie 1990.
Elles chevauchent la vision
socialisante (mise à disposition des infrastructures étatiques, auberges de jeunesse, maisons de jeunes, salles omnisports,
terrains de jeux, etc.). Elles ouvrent la voie à la « bazarisation »
perceptible dans la présence d’un « Maître » empochant
les frais d’adhésion et les cotisations.
C’est dans ce contexte général (décrit
à grands traits et proche de la caricature) qu’Ali Saïdi-Sief apparait aux
championnats d’Algérie junior de cross-country de la saison 95-96. Nous lui
avons consacré une chronique (cf. « Sous l’olivier n°272. Jeunes
talents (4). De l’Olympe au royaume d’Hadès » du 21 mars 2016).
Rien ne
prédestinait Ali Saïdi-Sief ni à la gloire éphémère ni à la chute abyssale qui furent
les siennes. Comme jadis les sénateurs
exclus des cercles romains du pouvoir, il apprit à ses dépens que « la
roche Tarpéienne est proche du Capitole ».
Plus prosaïquement,
enfermé dans sa bulle hermétique, il n’avait pas perçu que, dans la vie normale
(celle qui se déroule en dehors des stades et des centres d’entraînement), dans
un système impérial, la frontière est ténue entre les louanges populaires et les
vociférations populistes.
Pour son malheur, Ali Saïdi-Sief
(dont la scolarité fut, à l’instar de beaucoup d’athlètes d’élite, des plus courtes)
ne pouvait retenir des leçons d’histoire qui ne furent jamais prodiguées dans
les établissements scolaires de Hamma-Bouziane où il a grandi et au sein
desquels les références à la culture gréco-romaine sont absentes.
D’ailleurs, aurait-il pu en
prendre connaissance dans son immersion au sein d’un environnement où les
récits mythologiques de l’Antiquité grecque et romaine ne sont plus enseignés par
le système socio-éducatif algérien ?
Ces référentiels culturels exogènes
renvoient (dans l’esprit des pédagogues contemporains oublieux de la part
importante d’enrichissements cognitifs et philosophiques apportés à
l’ « âge d’or » de l’Islam par Platon, Socrate,
Aristote, Marc Aurèle, etc.) à une de ces périodes d’obscurantisme
préislamique, antérieure à la Révélation du message divin, que le soumis à
Allah devrait, selon leurs prescriptions, rejeter.
L’Histoire enseignée survole aussi
les faits contenus dans les récits historiques enfantés par la période ottomane
qui pourtant façonna fortement les traditions citadines de cette Constantine à
la fois si proche et si lointaine (bien que distante d’à peine 8 kilomètres) de
l’ancienne Hamma-Plaisance.
L’ancienne Cirta, cité multimillénaire (plus
de deux millénaires et demi se sont écoulés depuis son érection en tant que
capitale de l’immense empire constitué par l’aguellid Massinissa) fut la
capitale des royaumes numides alliés ou adversaires des contemporains des
Césars successifs, maîtres de l’Empire romain dominant le bassin méditerranéen puis,
au fil des siècles et des épisodes historiques, siège de multiples territoires
régionaux.
Elle devint une possession de
l’empire ottoman qui fit de Hamma-Bouziane une immensité de jardins, de
territoires, propriétés de l’aristocratie occupante appréciant les parfums de
l’industrie artisanale productrice d’« el ma ouard », à
partir de la distillation des pétales de rose.
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