Les championnats
du monde d’athlétisme U20 se sont terminés comme ils avaient débuté. Avec un
fort goût d’amertume. Pour les athlètes, les entraîneurs et les passionnés de
la discipline.
Le goût des
espérances déçues est celui qui accompagne les défaites ou les ratages que l’on
voudra présenter comme ceux induits par la malchance ou ceux que l’on construit
(pour la consommation d’un peuple beaucoup plus perspicace que ne l’entendent
les discoureurs professionnels ne dupant au final qu’eux-mêmes) sur les
théories du complot derrière lesquelles on perçoit ses fameuses mains
étrangères qui veulent du mal.
Des théories
stigmatisant ces officiels, ces arbitres appliquant seulement et strictement le règlement. Ni plus ni moins. Un
règlement que nos honorables représentants (athlètes et dirigeants) ne
maîtrisent pas.
Sur les onze athlètes
de la délégation algérienne, seuls dix ont pris part aux épreuves pour
lesquelles ils avaient réussi les niveaux de participation requis et, à ce
titre, engagés par la fédération pour la représenter et, à travers elle, le
pays tout entier à la recherche de héros que le mouvement sportif national ne
produit plus qu’exceptionnellement.
L’un des premiers à se
signaler à l’attention fut Mahdi Zekraoui. Il ne put s’installer dans les startings blocks
des séries de la course du 100 mètres qu’il était venu disputer. Le « TGV
de Béchar » a été envoyé au tapis, avant le début de sa
compétition, par un coup de froid dont on pouvait pressentir la survenue
lorsque l’on se rend dans cette Europe du Nord, si proche du cercle polaire et
si éloigné de l’équateur.
Aujourd’hui, après
cette mésaventure, il ne fait aucun doute que Zekraoui devait payer la note de
….. son tour du monde en avion. Un voyage qui débuté entre d’abord Alger et (après
un survol de l’Océan Atlantique) les Etats Unis où il fit une escale pour
préparer ses échéances dont les championnats arabes de sa catégorie d’âge
organisés à Amman (Jordanie), ville moyenne orientale atteinte après un passage
au-dessus de l’Océan Pacifique et de l’Asie.
Des milliers de
kilomètres dans les airs, des heures de décalage horaire, la fatigue des
voyages combinée à celles des entraînements et des compétitions à ne plus
savoir qu’en faire.
Zekraoui le
globe-trotter
Le prix inscrit sur la
facture de l’histoire enregistrée sur les statistiques de l’IAAF a été un « DNS ».
Un « did not start » équivalent anglophone de « n’a
pas pris le départ » ou du plus laconique, dans le langage sportif
courant, de forfait »
lors de ce qui aurait dû être le moment fort de sa saison et de son existence
sportive.
Ce junior, ce moins de
20 ans a été aspiré par le tourbillon trompeur du professionnalisme à
l’algérienne. Celui qui incite, dans la fragilité de ses 18 ans, à être de tous
les combats, de toutes les compétitions. Lui, le fleuron, le bourgeon à peine éclos
du sprint national dont attend beaucoup
(et certainement trop) alors qu’il n’est encore rien ou du moins qui n’est pas
préparé pour ce train….. de vie et de compétitions qui n’est pas de son
temps.
Des heures
d’entraînement à n’en plus finir et un chapelet de compétitions qu’il doit en
permanence remporter dans le double objectif de
prouver, encore et toujours, son talent naissant et de remplir
honorablement les bilans de médailles que doivent présenter des sélectionneurs
et des dirigeants hâbleurs.
Ce fut à une situation
quasi-identique que fut confronté Oussama Cherrad de Bordj Bou Arreridj, ci-devant
champion du monde cadets (par équipes
nationales) de cross-country scolaire au mois de mars dernier, quasiment sur
les Champs-Elysées ou du moins avec la Tour Eiffel en arrière-plan.
Lui aussi eut droit à
la préparation printanière américaine et aux mêmes obligations de résultats espérés
de la part de celui que l’on dit être le successeur de Noureddine Morceli ou du
moins (ce qui n’est pas rien) de ses épigones (Touil, Anou, Abaoub, Sidi-Sief)
qui furent au moins finalistes quand ce n’est champion ou vice-champions.
La soif de
médailles
D’Oussama Cherrad, on
attendait trop. La boulimie, la soif insatiable de médailles écrase le
sentiment d’humanité normalement inhérent aux statuts d’éducateurs, d’entraineurs
et de dirigeants fédéraux en charge de préserver la santé des jeunes athlètes
et de construire l’avenir de l’athlétisme. L’Histoire montre que certains
d’entre eux, leurs devanciers à l’irresponsabilité maintes fois démontrée, ont
mis en danger les enfants de leurs propres chairs. Alors que dire quand il
s’agit des enfants des autres.
On a fait subir à
Oussama Cherrad ce que l’on fit endurer un jour de l’été 2012, aux Jeux
Olympiques de Londres, à Toufik Makhloufi. Le faire courir sur deux
distances : le 1 500 et le 800. Sauf que cette fois-ci, les
responsables de la délégation ne purent manipuler la pièce de théâtre dont ils
avaient certainement plagié le scénario sans considérer que le programme était
différent, inversé.
A son programme figuraient
cinq courses intenses en six jours avec une seule journée de récupération entre
le tour qualificatif du 1 500 et la finale de cette course. Puis, pas de
repos entre la finale du 1 500 et la finale du 800 précédée (sans
interruption) par une course en série et une autre en demi-finale. L’enfer de
la piste est pavé de bonnes intentions.
Au second jour de son
programme démentiel (finale du 1 500), Oussama Cherrad présentait un temps
de qualification qui n’en faisait pas le favori ni même un outsider puisque que
c’était le dernier temps qualificatif. Il était précédé sur la « start-list »
par le vainqueur et le second de sa série. Une course si lente que le dernier
qualifié au temps les devançait de 6 secondes qu’elle en devenait, pouvait-on
croire un instant, un avantage en matière de récupération des efforts.
L’Ethiopien Tefera et
le Kenyan Soget avec leurs records personnels à 3.31.63 et 3.32.97 paraissaient
de toute évidence au-dessus du lot des 12 finalistes dont quatre autres (tous
habitués aux meetings de la Ligue de Diamant) à moins de 3.40. Un chrono bien
éloigné de la meilleure performance de Cherrad (3.42.92) réussie d’ailleurs
lors de son périple aux Etats Unis.
Reconnaissons qu’Oussama
Cherrad s’en est tiré à bon compte avec une septième place, que de nombreux
athlètes algériens de son âge ont appelé de tous leurs vœux, et un chrono de
3.45 que l’impartialité des statistiques nationales nous recommande d’écrire
que seuls les meilleurs des moins de 20 ans (et de la catégorie supérieure) ont
pu inscrire à leurs actifs.
On nous dit que la
distance de prédilection de Cherrad est le 800m. On aurait pu sachant cela le
dispenser de courir le 1 500 m, de faire d’un gamin de 18 ans une machine
à courir après les médailles au détriment de sa santé.
Cherrad, la machine
à courir la disqualification
Il s’est avéré que la
participation aux trois courses de 800 fut payante. Oussama Cherrad améliora à
chaque course son record personnel et franchit la ligne d’arrivée de la finale
en troisième position (ayant valeur de médaille de bronze) avant …..son
déclassement pour avoir gêné un autre concurrent dans la dernière ligne droite.
La course de Cherrad
fut splendide… jusqu’à son effondrement physique et psychologique. A la sortie
du dernier virage, alors qu’il occupait la seconde place, il fut dépassé par le
second Kenyan. Le ressort de la
motivation fut cassé. A cet instant-là, Cherrad ressenti également la pression
de son rival Belge qu’insensiblement, sur les 50 derniers mètres, il repousse,
dans un geste désespéré de défense de la médaille de bronze, vers le deuxième puis
le troisième couloir commettant ainsi la faute qui lui valut d’être disqualifié.
Ce que l’on ne sait
guère c’est que Cherrad est familier de la disqualification. Lors des
championnats du monde U18 de l’année dernière, il a perdu, dans des conditions
similaires d’absence de lucidité, la médaille d’argent du 1 500 mètres.
C’était à Nairobi, à plus de 2 000 mètres d’altitude. Un lieu où l’oxygène
n’irrigue plus correctement le cerveau. A
deux reprises, en un an d’intervalle, Cherrad s’est conduit comme un coq
décapité.
La malédiction a encore
frappé
Avant que Cherrad ne
clôture ce mondial junior calamiteux, ses coéquipiers n’avaient pas fait mieux.
Malgré ses déboires, Cherrad a su, presque jusqu’à la fin de ces championnats,
tirer son épingle du jeu.
Slimane Moula, un
coureur de 400 mètres, originaire de Draa Ben Khedda, tout juste tombeur (aux
championnats méditerranéens des moins de 23 ans) d’un des plus vieux records
nationaux juniors (45.92) avait trébuché. 5ème meilleur participant
avant le départ, il s’est fait éliminer dès les séries avec un chrono le
laissant à deux secondes entières de son record.
Lui aussi a beaucoup
voyagé d’Amman (Jordanie) à Jesolo (Italie) et ensuite à Tempere (Finlande). Il
ne manqua que Tarragone (Espagne) où il aurait pu faire partie du relais 4x400,
médaillé de bronze des Jeux méditerranéens.
Loubna Benhadja
n’avait pas beaucoup de chances de passer le premier tour. Elle fait partie de
ces juniors globe-trotters, de ces jeunes que l’on croque à toutes les sauces. Pour
elle, la « start-list » était, dès qu’elle fut
affichée, impitoyable. Il lui fallait battre sa meilleure performance
personnelle, courir le 400 mètres haies en moins d’une minute pour faire
illusion. Cela, elle n’a pas pu le faire.
Le lendemain matin (le
troisième jour de ce championnat qui est l’antichambre du très haut niveau)
Mohamed Amine Drabli et Oussama Bassi,
les spécialistes du 3 000 m steeple,
étaient au départ de respectivement la première et deuxième série. A la
fin de la seconde course, à l’heure des comptes, les deux compères n’ont pu se
dissocier. Ils ont occupé l’avant-dernière et la dernière place de la
compilation des résultats de cette épreuve.
Boualem Rahoui,
Azzedine Brahmi et Laïd Bessou n’ont pas encore trouvé leurs successeurs. Pire,
Drabli a abandonné et Bassi a été disqualifié. La malédiction qui poursuit
l’athlétisme a, une nouvelle fois
frappé, alimentant le courant des imprécations facebookiennes condamnant avec
véhémence la qualité de la préparation des athlètes dont les entraîneurs ne
furent pas du voyage.
La mauvaise
préparation, l’accumulation des efforts, l’absence de soutien psychologique
peuvent expliquer (en partie seulement) les échecs monumentaux de Rabie Deliba
(1 500, éliminé en série avec un chrono à la portée d’un cadet), des marcheurs
Othmane Chibani et Souad Azzi (10 kilomètres
marche) finissant après la 30ème place avec des performances
chronométriques très éloignées (plusieurs minutes) des temps d’engagement.
Finalement, seuls les
coureurs de 10 000 mètres Abed Saber -coureur sans club de Bordj Bou
Arreridj, finaliste ayant pulvérisé son record personnel de plus de 30 secondes
en le portant à 30 minutes 10 secondes - et Mohamed Kadi-Bouchakour (Chlef) se
sont tirés honorablement du voyage au pays des rennes.