vendredi 27 mars 2015

CSC Un organisme social confronté à une crise polymorphe

Le CSC est une construction sociale, une association sportive si bien née que…..même sa date de naissance est l’objet de controverses. Comme celle d’ailleurs de sa rivale pour le titre honorifique de doyen des clubs sportifs algériens qui le lui dispute au nom d’une légitimation historique. Oubliant au passage que « la valeur n’attend point le nombre des années » et que des associations de naissance plus tardive ont fait et font les beaux jours de l’élite footballistique nationale.
Une construction sociale certes mais dont les éléments constitutifs sont des êtres vivants et qui, en tant que tels, sont sujets à des crises de croissance et……de nerfs, cycliques comme l’est une partie du genre humain.
Il semblerait que le CSC ne peut être le « vrai CSC » sans au moins une perturbation (en fait plusieurs) de son fonctionnement prétendument harmonieux (au sens que lui donne se dirigeants) y compris aux heures idylliques.
Club populaire, au même titre que le Mouloudia…. d’Alger (et non pas son voisin, le Mouloudia de Constantine), le CSC se tricote et de détricote au gré de l’humeur de ses supporters et de ses dirigeants dont certains (les plus visibles, les plus médiatisés) montrent un égo surdimensionné. Avec pour résultat final un palmarès pour le moins squelettique mais valorisé à outrance pour…déprécier l’Autre!
Les figures les plus en vue du « Club » se déchirent à belles dents comme des amoureux sur le point de se séparer. Chacune attendant, espérant même le faux pas d’un rival aussi passionné pour la défense de couleurs, d’un emblème faisant, semble-t-il, partie du patrimoine de la cité…. balançant entre l’espoir et le deuil….d’une passion désenchantée.
Les milliers de supporters clubistes sont poussés les uns contre les autres au bénéfice de quelques uns lorgnant du côté de la notoriété qu’accorde la prise de possession du siège de président du club. 
Tout est propice pour déstabiliser l’Adversaire, manipuler les foules de supporters malléables depuis que le football est devenu une addiction. En attendant le bon moment pour porter l’estocade, faire mettre à terre les genoux du prétentieux qui a osé se faire proclamer….Roi des Rois.
Le déchu attendra à son tour son heure en s’occupant de ses affaires prenantes qui…nécessitent des déplacements à l’étranger….un empêchement provisoire pour meubler le temps en attendant le retour aux affaires du …club.  Un retrait sous la tente qui autorise cependant de se tenir informé de l’actualité du Chabab de Constantine et d’intervenir dans les médias.
Il faut reconnaitre que l’actualité du Chabab est torride ces derniers temps. Les promesses des actuels gestionnaires de la SSPA  se sont avérés être des mirages qui, de match en match, se diluent progressivement autorisant les carnassiers à sortir de leurs tanières et à se présenter en …sauveurs.
Le CSC ne peut être une exception dans le football professionnel algérien à la recherche de ses repères. Comme partout ailleurs, il y règne une confusion la plus totale. La quasi-totalité des pouvoirs est détenue par un petit nombre de personnes. Celles-ci siègent aussi bien au bureau du CSA (club sportif amateur) qu’au conseil d’administration de la SSPA (société sportive par actions), chez les amateurs et chez les « pros », deux organisations sociales aux objectifs, aux ambitions, aux moyens souvent antagonistes. Des dirigeants qui par ces deux positionnements peuvent permettre aussi bien d’atténuer les difficultés qui se présentent ou au contraire les accentuer.    
Les informations qui circulent dans les médias sont confuses et ajoutent à la confusion préexistante dans l’esprit des supporters. Le Chabab est confronté à une crise polymorphe. Les deux entités qui le constituent y sont impliquées. Légalement autonomes, elles sont si étroitement imbriquées l’une dans l’autre que ce qui affecte l’une affecte obligatoirement l’autre. Une situation qui permet tous les amalgames possibles et imaginables aux nageurs en eau trouble.
L’équipe qui évolue en Ligue 1 Mobilis connait une crise de résultats sportifs qui ne sont pas à la hauteur des ambitions et objectifs fixés à partir de deux éléments essentiels (la notoriété médiatique et les capacités financières) comme si à eux seuls ils pouvaient faire d’un moribond un champion olympique. Mais, ceci est partagé par tous les clubs de Ligue 1 et 2 sauf que le Chabab présente la particularité d’être privilégié (théoriquement) par les pouvoirs publics puisque ses besoins sont pris en charge par une entreprise publique, filiale du groupe pétrolier national qui géographiquement distribue une partie de la rente pétrolière.
L’équipe professionnelle souffre de moyens financiers. Cette situation ne peut être que temporaire. Il ne s’agit pas d’absence de moyens financiers (une situation que le Club a connue auparavant) mais d’un retard dans l’affectation de ces moyens. Dans quelques jours, quelques semaines, quelques mois, les fonds nécessaires au bon fonctionnement de l’équipe seront débloqués par le providentiel commanditaire (Tassili Airlines) et actionnaire de la SSPA (75% des actions sont détenues par la compagnie aérienne). Ce mauvais moment aurait pu être surmonté par une action de communication avec les salariés (joueurs et autres) et un meilleur coaching de l’équipe, une meilleure gouvernance. Un moment difficile que les dirigeants de la SSPA et surtout les actionnaires issus du CSA auraient pu éluder par une meilleure prise en charge, une meilleure gestion mais aussi par une réelle implication des actionnaires issus du CSA. D’autant que certains d’entre eux en ont les possibilités et ont montré, disent-t-ils aujourd’hui, des dispositions à soutenir financièrement, à titre de prêts, ce « Club » cher à leurs cœurs et à celui de leurs ancêtres.
La crise du CSA est avant tout une « crise de crédibilité ». C’est la composante (ou une partie) qui est remise en cause par les membres (ou encore une partie) des membres de l’AG dont le nombre n’est pas maitrisé et évoluent en fonction des circonstances (à ce que prétendent certains) ou des critères de validation de cette qualité.    
Pour surmonter cette crise qui s’est traduite par un rassemblement devant la direction de la jeunesse et des sports, certains membres du CSA ont trouvé une alternative stupéfiante d’ingéniosité : racheter une partie des actions détenues par TAL  tout en sachant qu’ils sont dans l’incapacité notoire de subvenir réellement aux besoins de l’équipe pro comme peut le faire l’opérateur économique public, intermédiaire entre les pouvoirs publics et l’association.
Organisme social, le CSC est également un système où les éléments interagissent. Les manifestations populaires, les agissements des uns et des autres sont comme des passes téléguidées. On sait où le ballon va tomber.


jeudi 26 mars 2015

L’impitoyable régression

Il est de notoriété publique que la ligue constantinoise d’athlétisme (LCA) a, de tous temps, été un rival redoutable  pour la ligue de la wilaya d’Alger (aux moyens matériels et financiers beaucoup plus importants que ce qui peuvent se trouver à l’intérieur du pays) – regroupant de formidables associations sportives parrainées par les plus grandes entreprises nationales - derrière laquelle elle s’est toujours classée à la seconde place du classement national établi par la fédération algérienne d’athlétisme.  Au bilan 2014, elle s’est retrouvée reléguer  à la 6ème place  avec un total de 316 points, remplacée, à la deuxième place du podium du classement des ligues, par la wilaya de Béjaïa qui totalise 3 258 points. Elle est aujourd’hui devancée par Bordj Bou Arreridj (834 points), Ouargla (326 points) et Tizi Ouzou (317 points). Et évidemment bien loin d’Alger et ses 4 983 points.
Le classement des clubs n’est guère plus réconfortant. En des temps meilleurs (ceux de la réforme sportive 1976-1989), les clubs constantinois (DNC, CSC, MOC, ASPTTC) rivalisaient avec les clubs algérois (MCA, OCA, CRB, RCK, JRBMA,  etc.) tant dans les classements annuels par équipes que dans les championnats nationaux individuels (benjamins, minimes, cadets et juniors)  et interclubs (au début des années 80, la DNC Constantine avait dépassé, dans un classement toutes catégories d’âges confondues, l’imposant et inamovible MPA). En ce temps-là, les meilleurs  athlètes du pays ne rejoignaient les clubs d’Alger, leur offrant toutes les commodités pour concilier le sport de haut niveau et les études ou une carrière professionnelle à travers le statut d’athlète de performance, qu’au passage en catégories seniors. Les athlètes trustaient alors les places en finales des championnats nationaux et étaient retenus dans les sélections nationales. Les champions nationaux, les champions maghrébins, les champions d’Afrique étaient si nombreux qu’en établir une liste exhaustive serait fastidieux bien qu’enrichissant pour connaitre l’histoire aujourd’hui méconnue et dénigrée de l’athlétisme à Constantine. Une discipline sportive (la première discipline olympique) qui a enfanté (ou accompagné pendant un temps), outre les célébrissimes Hassiba Boulmerka et Ali Saïdi-Sief (respectivement championne du monde et olympique et médaillé olympique), les talentueux Filali Tayeb, Nouredine Tadjine, Kamel Zemouli, Bachir Messikh, Azzedine Talhi, Sakina Boutamine, Hadda Djakhdjaka, Aloui Mounir, etc. Sans oublier les pionniers de la discipline, Youssef Boulfelfel, les frères « Zizi » et « Tennoun » Benhabyles, Tewfik Chaouch Teyar, Kamel Benmissi et leurs prédécesseurs Erridir Ali et Chérif Grabsi qui firent partie de la première sélection nationale ayant participé au ₺Cross des Nations₺, l’ancêtre des championnats du monde de cross country (Ostende, 1965).
Aujourd’hui, seules l’ACS Bounouara (18ème avec 144 points), le MAC (34ème, 83 points) et la JSMC (42ème, 62 points) tirent encore leurs épingles du jeu. Le JSMC, grâce au jeune espoir Triki Yasser Mohamed Tahar, espoir international du saut en longueur (champion des jeux africains de la jeunesse et un des meilleurs cadets et juniors mondiaux), s’est fait une petite place. L’ACS  Bounouara comptabilise les points obtenus par l’inamovible spécialiste des  100-200 mètres Bouali Souhir, par le transfuge du MAC (lui aussi spécialiste du sprint)  Skander Djamil Athmani dont la défection a entrainé le recul du MAC,  par la spécialiste du 800 mètres (et fille du président de la fédération) Zahra Bouras, de retour à la compétition après une suspension de deux ans pour dopage, et par le triple-sauteur Temacini Seif El Islam (ex MCA-GSP). Quant au MAC, son classement est consécutif aux résultats des vétéranes des courses sur route (Wassila Aissani, Fatma Zohra Oulmi, Amina Chabane), en montreuses d’exemple de ténacité.
Pendant que la ligue de Constantine place 10 équipes (trois d’entre elles sont classées aux 228, 229 et 230èmes places avec 3 points et 3 autres aux 267, 268 et 269èmes places avec 2 points hautement symboliques) parmi les 291 associations classées par la fédération, la ligue de Béjaïa en compte 25 (dont 13 parmi les 50 premiers). La sixième équipe de la ligue de Béjaïa (Souk El Tenine)  engrange 44 points de mieux que l’ACSB. Pourtant, le nombre d’associations affiliées aux deux ligues de wilayas est quasiment le même (à moins de trente associations). La différence se situe au niveau des mentalités. Tandis que dans la wilaya de Béjaïa, l’athlétisme s’est implanté dans les communes (Souk El Tenine, Aokas, El Kseur, Amizour, Akbou, Sidi Aïch, Lota, Kherrata, etc.), à Constantine, il se restreint pratiquement au chef lieu de la wilaya avec une multiplicité de micro-associations constituées autour de quelques entraineurs-dirigeants grignotant la modique subvention étatique.


mercredi 25 mars 2015

Dans les griffes de l’incompétence et de ….la bureaucratie


Taoufik Makhloufi, champion olympique du 1 500 mètres - une distance que semblent apprécier les coureurs de demi-fond (Boulmerka, Morceli, Benida-Merah) - fait parler de lui. Il parle aussi. Au lieu de penser à sa préparation, il déblatère. Pourtant, il est loin du pays. A des milliers de kilomètres. Aux USA, en Californie dont le soleil et les plages font rêver plus d’un.

Même là-bas, on a trouvé le moyen de le relancer, de mettre de l’huile sur le feu, de faire renaitre des flammes qui avaient, peut-être (mais nous en doutons fortement) tendance à s’étouffer faute de l’oxygène que puisent les efforts physiques à fournir à chaque seconde de la journée pour que la préparation olympique soit réussie. Des efforts inqualifiables et inquantifiables pour celui qui ne connait pas ce qu’est un entrainement de haut niveau. Même pas, pour simplement faire preuve de présence au niveau national.
Taoufik Makhloufi était en colère quand il a quitté le territoire national pour rejoindre le lieu d’un stage qui n’était pas celui choisi initialement. En colère contre le monde entier ou presque. Du moins contre ceux qui se posent en…... metteurs de bâton dans les roues, contre ceux qui accumulent devant ses pas des embuches ou ce qu’il croit l’être. Parce que le champion n’est qu’un coureur à pied, médaillé d’or des Jeux Olympiques certes, mais qu’un coureur à pied arrivé du pays profond. Un individu qui, comme tant d’autres Algériens, ne maitrise pas les finesses de la bureaucratie….sportive serait-elle ? Pour lui, il ne devrait y avoir qu’un pas des discours à leurs applications. Une personne qui attend et…. ne voit rien venir. Un professionnel de la course qui croyant fermement que la réussite sportive et l’atteinte des objectifs assignés (une autre médaille aux prochains championnats du monde qui ferait oublier la mauvaise année et demie passée à se soigner et à retrouver un semblant de forme qui a conduit à faire croire qu’il n’est qu’un météore dans la paysage sportif mondial qui ne renouvèlera jamais son succès), s’en tient au strict respect de ce que lui disent (et du programme de préparation mis entre ses mains) ces amis qui lui veulent du bien, ces proches qui sont restés à l’heure de l’amateurisme. Des gens capables de l’embobiner lui et… le ministre des sports qui fut pourtant un sportif de haut niveau et un dirigeant du mouvement sportif. Mais, dans une autre discipline.
Croyant mordicus les discours de « ses amis » sur la préparation, les effets négatifs que pourraient avoir sur ses objectifs intermédiaires et finaux le moindre retard d’entame, T. Makhloufi s’est cru dans l’obligation de prendre les devants, de ne pas attendre le déblocage du soutien financier de l’Etat algérien placé lui dans l’obligation de suivre les méandres de la procédure qu’apparemment beaucoup se sont ingéniés à compliquer encore plus. Les interviews accordées à la presse nationale généraliste montrent  que l’athlète et le ministre ont été pris dans les rets d’un piège minutieusement concocté (encore que ce serait faire grand cas des initiateurs) pour conduire au clash par médias interposés.

« (…) inventées dans l’unique but de me pourrir la vie….. »

Il est facile de comprendre que l’escarmouche a été pilotée d’ici, d’Algérie. Makhloufi en pleine préparation, à plusieurs milliers de miles d’Alger, a aujourd’hui autre chose à faire qu’à polémiquer : s’entrainer à deux ou trois reprises par jour, se désaltérer, se restaurer, récupérer de la fatigue, etc. Enfin le quotidien d’un stage de préparation dans un univers où l’on doit trouver ses repères. D’autant plus que le décalage horaire n’est pas propice aux contacts avec la presse malgré tous les moyens de communications modernes de communication. Ceci n’occulte pas qu’un fort ressentiment doit l’habiter et le perturber.
Dans l’interview qu’il a donné à un quotidien national, on ressent fortement le poids de son irritation. Lui-même perçoit (sans pouvoir trouver les mots qu’il faut)  que tout n’est pas net, qu’on le mène en bateau. Il le dit en évoquent les désagréments rencontrés « D’abord, ils m’ont informé que je dois changer d’hôtel, puisque l’hôtel selon eux, celui que j’ai choisi, n’est pas bien. Par la suite, la tutelle a trouvé le moyen de s’immiscer même dans mon travail. Pourquoi prends-tu deux lièvres et un masseur ? Ne prends pas ceci, ne prends pas cela, des choses vraiment bêtes qui ont été inventées dans l’unique but de me pourrir la vie et de ne pas me laisser travailler dans la sérénité».
Des riens, dira-t-on, mais qui le dérange. Et, ne devrait pas être de son ressort. Lui qui a connu des conditions moins idéales pendant la préparation des JO de 2013. Il le dit, et ce qui certainement l’exaspère : « ce n’est pas la première fois que je suis confronté à ce genre de problèmes, même avant mon sacre olympique, personne n’a cherché après moi pour la préparation des JO, j’ai pris mes bagages, je n’ai même pas fait de réservation, j’ai acheté un billet avec mes propres moyens et je suis parti au Kenya, je suis resté douze jours, grâce à mon entraîneur de l’époque, j’ai pu m’entraîner avec des athlètes de haut niveau. Je passais la nuit dans des maisons précaires ! ». Alors, vraiment cette histoire d’hôtel qui aujourd’hui ne serait pas bien, il s’en contrefiche (presque). D’autant plus que c’est celui qu’il avait réservé.
Dans son interview, lorsque que T. Makhloufi n’est pas orienté par une interpellation (question), il ne s’en prend qu’à une entité qui est le ministère des sports, qu’aux cadres qui le composent, qu’aux conseillers du ministre.

« En fait, il n’agit pas tout seul, il y a aussi ses conseillers ! »

Ce dernier n’apparait que rarement dans les réponses de Makhloufi  s’exprimant sans balisage. La première lorsqu’il évoque l’audience qui lui a été accordée et qui ne présente aucune équivoque puisque la relation qu’il en fait est extraordinaire de simplicité et de sincérité. Il raconte ce qui s’est passé. Sans plus !
La seconde est plus virulente. Il l’accuse même d’être à l’origine de ses tourments avant de ressaisir, dans un instant de lucidité, et de clarifier ses dires. N’oublions pas cependant qu’un volcan, un torrent tumultueux boue dans son esprit : «Exactement, j’accuse le ministre des Sports, qui n’a rien fait pour me faciliter la tâche. En fait, il n’agit pas tout seul, il y a aussi ses conseillers ! Entre autres, le responsable de la préparation des équipes nationales ».
Après cette longue tirade accusatrice, T. Makhloufi désemparé semble abattu « Pour tout vous dire, je ne sais pas exactement quoi faire. Je pense que je serais obligé de rentrer à Alger. Que chacun assume ses responsabilités. Mettez-vous à ma place, je suis un champion olympique et je me prépare pour une grande compétition internationale avec mes propres moyens ! Comme je vous l’ai dit tout à l’heure, personne ne me soutient, que ce soit moralement ou financièrement, c’est pénible pour un athlète qui a tout donné à son pays et qui je pense a donné beaucoup de joie au peuple algérien ». Il est radicalement au bout du rouleau, démoralisé, démotivé. Taoufik Makhloufi n’en peut plus. Il doit vider le trop plein : « J’ai pris mon mal en patience, je ne voulais pas en parler, mais il y a des limites à tout. À un moment, on ne peut plus tenir le coup, c’est pour cette raison que j’ai décidé de cracher le morceau et de tout dévoiler ».
C’est à ce moment-là que le journaliste se pose en intermédiaire (via le journal) en ambassadeur de bonne volonté et lui demande de dire ce qu’il aurait à dire au ministre, avec…. les lecteurs du journal pour témoins.
Lorsque l’on termine la lecture de l’interview, les choses sont relativement claires. Le champion n’est pas pris en charge. Pourtant, il affirme que dans les cercles du mouvement sportif, certains ont tenté en vain de lui apporter leurs aides : le président du comité olympique et la fédération algérienne d’athlétisme. Le premier voudrait bien l’aider mais la solution se trouve au ministère. La seconde l’informe que « tout est bloqué au niveau du MS ! ». Pour Makhloufi, tout est clair : la faute incombe au ministère des sports.
Alors que l’on jette la pierre sur le ministère, le ministre accorde une interview consacrée à cette affaire. Il déclare en préambule que « Taoufik Makhloufi est un athlète de l’équipe nationale d’athlétisme et un médaillé olympique de surcroît qui est totalement pris en charge par les pouvoirs publics ». La réponse est d’une clarté évidente.

Tahmi : « ….cette polémique n’a pas lieu d’être…. » 

Avec le sang froid qui sied à un professeur en cardiologie, le ministre des sports désamorce la mèche. Après avoir décrit la genèse de cette affaire, il observe « pour moi, cette polémique n’a pas lieu d’être et n’attendez surtout pas de ma part que je tire à boulets rouges sur un athlète qui a fait la fierté de notre pays ».
Pour le ministre qui relate les péripéties qu’a connu le dossier de prise en charge, la faute incombe à Taoufik Makhloufi qui aurait d’abord changé de lieu de stage et refusé la présence d’un responsable de la fédération, d’aucune ambigüité («  il fallait désigner une personne à même de transférer une grosse somme d’argent à l’étranger »).
De plus, le ministre reconnait que cette situation cacophonique a été créée par « des problèmes administratifs » nés du refus de Makhloufi d’accepter «  la présence d’un chef de délégation avec lui ». Plus loin, il ajoutera «je trouve anormal qu’un athlète se déplace pour un stage de préparation sans entraîneur».
Sur ce plan, T. Makhloufi n’avait rien caché. Ayant compris qu’il n’avait rien à attendre des structures administratives de la fédération et du ministère, la structure qui s’est déplacée aux USA avec lui  était déjà très légère avant d’être réduite à sa plus simple expression. Il s’en est expliqué : «J’ai pris en charge aussi le masseur et mes deux lièvres qui m’ont accompagné aux USA. Malheureusement, comme je ne pouvais pas tout faire seul, les deux athlètes sont rentrés au pays faute d’argent. Ici, la vie est très chère, c’était impossible pour moi de les prendre en charge pour une longue durée ».Il ne reste plus que le masseur.
Toutefois, l’incompréhension du ministre quant à l’absence d’un entraineur (nonobstant les considérations administratives) montre qu’il n’est pas très au fait (et surtout que ses collaborateurs n’ont pas voulu ou n’ont pas pu l’éclairer sur ce point) des pratiques d’entrainement dans cette discipline surtout lorsqu’elle est pratiquée à un haut niveau. L’entraineur n’est plus ce personnage présent sur le bord de la piste criant des temps de passages ou des consignes, des conseils, des orientations. Recadrant l’athlète. Il est devenu un concepteur de programmes d’entrainement (adaptés aux capacités de l’athlète en vue de lui permettre d’atteindre un objectif à court, moyen ou à long terme) et un analyste des informations multiformes (lui permettant une adaptation régulière du programme) inscrites dans l’enregistrement de l’entrainement via les matériels actuellement disponibles. Un matériel se trouvant à la portée financière des athlètes (d’un niveau certain) participants à de multiples compétitions à l’étranger. Un matériel dont certains modèles(les plus coûteux) comportent des logiciels de mise à jour automatique du programme en fonctions des données enregistrées. Sans intervention humaine et donc de l’entraineur.

Le DTN doit installer officiellement Makhloufi

Par ailleurs, T. Makhloufi n’est pas arrivé à ce niveau de performance sans l’aide d’un entraineur. Pourquoi celui-ci ne figure-t-il pas dans la composition de la délégation ? Pourquoi le chef de mission doit-il être un responsable de la fédération ? Dans ce cas, quel sera son rôle pendant la totalité de la préparation ? Pourquoi les décaissements doivent-ils être effectués en espèces ? Pourquoi transporter 180 000 ou 200 000 euros dans une mallette qui serviront à payer les frais de stage? A quoi servent les représentations consulaires ?
A ces questions qui semblent de prime abord sans importance (car n’étant que périphériques et auraient du être résolues depuis bien longtemps à moins que l’affaire  T. Makhloufi soit la première du genre) s’en ajoutent qui devraient être prioritaires.
Sachant que l’ « affaire T. Makhloufi » telle que nous venons de la décrire comporte encore de nombreux non-dits, il nous semble qu’elle soit une véritable mystification, un nuage de fumée destinée à cacher l’emprise bureaucratique sur le mouvement sportif national. Si le respect des procédures est le moteur de l’Administration, il n’empêche que le ministre des sports qui n’est pas issu de ce milieu en est prisonnier. Il est évident qu’il ne peut en être autrement. Avec tout le respect qu’on lui doit, il n’est que de passage (quelle qu’en soit la durée) à ce poste ministériel. Cependant, il est à remarquer que le règlement de cet immense cafouillage  Makhloufi n’est possible que parce que «le directeur technique national (DTN) de la Fédération algérienne d’athlétisme doit justement se déplacer dans les prochaines heures aux USA pour régler tous les frais et installer officiellement Makhloufi dans son camp d’entraînement, qu’il a lui-même choisi » dixit le ministre lui-même. 
Le ministre des sports est dans son rôle lorsqu’il rappelle la loi. Cela nul n’est en droit de le lui reprocher. Le ministre nous dit qu’ « il faut savoir que dans cette mission de préparation à l’étranger, la loi nous oblige à désigner un chef de mission pour savoir où est l’athlète et quel est son plan de travail, et surtout le financer. Taoufik Makhloufi doit être joignable à tout moment ». Nous en prenons acte et nous devons apprécier à sa juste valeur qu’il précise que «  Ce sont, certes, des problèmes administratifs » et qu’il comprenne la situation de T. Makhloufi au sujet duquel il dit « Par précipitation je pense, Taoufik Makhloufi est parti sans attendre que la procédure se fasse normalement. Il a argué que c’est là un manque de confiance à son égard alors qu’il s’agit juste d’un strict respect de la loi. Je pense qu’il s’est complètement trompé dans cette affaire ».

« Taoufik Makhloufi est aux USA depuis le 17 janvier »

Le ministre définit la fonction du chef de mission chargé du suivi des athlètes à prendre en charge qui consiste à connaitre le positionnement géographique de l’athlète (savoir où est l’athlète), son programme (est-il habilité à intervenir dans la programmation ?) et le financement du stage (mission primordiale). Nous devons supposer que cette tâche suppose une gestion prévisionnelle et que les modalités de prise en charge (administratives, financières, etc.) aurait du faire  l’objet d’une réflexion antérieure permettant, en dépit des aléas (y compris de changement d’exercice budgétaire), à T. Makhloufi de débuter son stage à temps (5 décembre). Or, selon le ministre, « le 4 janvier, le dossier de prise en charge était ficelé et tous les besoins de Taoufik Makhloufi ont été satisfaits, mais selon mes informations, au terme d’une réunion au sein de la fédération dont je vous remets le PV, il a décidé de partir tout seul car il n’a pas accepté la seule et unique condition de la prise en charge, à savoir la présence à ses côtés d’un responsable de la fédération » et, dans une note de la rédaction, il est précisé que « Taoufik Makhloufi est aux USA depuis le 17 janvier ». Le programme de préparation de l’athlète a bien été perturbé.
La localisation géographique de l’athlète (surtout lorsqu’il a atteint le statut d’un Makhloufi) est une préoccupation constante de l’athlète évoluant dans un milieu organisé. Cette information est primordiale et doit être communiquée aux instances nationale et internationale de lutte contre le dopage.   
Makhloufi est en stage aux USA depuis deux mois. On sait qu’il s’est pris en charge. A quoi sert le déplacement du DTN de la FAA ? Ne risque-t-il pas d’être intercepté par des malfaiteurs ? Ne devra-t-il pas justifié auprès des autorités étrangères ce transport de numéraires ? Comment Makhloufi a-t-il pu financer son stage ? N’y- a-t-il pas eu transfert illégal de devises ?

Quelle traçabilité pour le financement du stage ?

Le coût du stage est connu. Entre 180 000 et 200 000 euros. Une somme importante que l’on ne trouve  pas chez n’importe quel changeur de devises du côté du square Port Saïd. Et même s’ils sont plusieurs à contribuer, sur le marché parallèle, la contrepartie dinars est hallucinante (1 euro = 150 dinars) : 3 milliards de centimes !
T. Makhloufi n’est pas totalement démuni. Il a participé à de nombreux meetings d’athlétisme de bonne (et même très) bonne réputation rémunérant sa participation et les performances réalisées. Ses titres lui ont valu des récompenses supplémentaires. Les contrats publicitaires lui apportent une manne financière complémentaire.
Toutefois, il ne peut en disposer à sa guise. Les sommes gagnées sont bloquées dans un compte bancaire sur lequel la fédération internationale (IAAF) garde un œil vigilant pour qu’il puisse en jouir après sa carrière sportive. Ceci dit, il a la possibilité d’y puiser, sous le contrôle de la fédération internationale, dans certaines situations précisées : organisations de stages de préparation et soins médicaux. Le décaissement se fait sur présentation de justificatifs.
Même si cette réglementation date, nous nous demandons pourquoi elle n’a pas fait l’objet d’une exploration. Certaines sommités de l’athlétisme national en ont en principe connaissance. Nous pensons ici à son ancien entraineur (Amar Brahmia, ex-manager de N. Morceli) et Amar Bouras (anciennement entraineur de Hassiba Boulmerka et présentement président de la fédération algérienne).

Ceci étant et quoiqu’il ait pu se passer entre décembre et janvier (décalage du stage, polémique stérile sur la présence d’un chef de délégation, départ non autorisé de Makhloufi en stage), dans le cadre de rapports entre les deux parties, la prise en charge des frais de stage (soi-disant payés par Makhloufi) aurait pu faire l’objet d’un remboursement, sur la même base que la procédure de l’IAAF (présentation de justificatifs) puis par virement de compte à compte (compte du ministère au compte de Makhloufi validé par l’IAAF et amputé des frais engagés). L’opération aurait eu le mérite de rendre transparente l’opération et d’éviter les menées déstabilisatrices de….l’athlète et d’une structure gouvernementale.

lundi 23 mars 2015

Asmahan Boudjaadar  (USH Constantine)

Elle se paye…. un record du monde

                                                                                                                        
Samedi 14 mars, à l’occasion de la journée nationale des personnes handicapées, l’USHC (union sportive handisports de Constantine) a organisée une réception mettant à l’honneur les meilleurs athlètes de l’association. La cérémonie s’est déroulée au restaurant gastronomique « Les Platanes » (sis à Djenane Zitoune, dans le quartier devenu populaire depuis que les oliveraies ont fait place, à la fin de la guerre de Libération, dans le cadre du programme dit de Constantine, aux habitations à loyer modéré), en présence des représentants des institutions administratives (APC), sportives (direction de wilaya des sports et ligue de wilaya handisports) et économiques (Air Algérie) apportant aide et soutien à l’association, des parents d’athlètes et des membres du bureau de l’association.
Notons que, pour des observateurs non initiés, cette réception avait les apparences d’une célébration tardive de la journée mondiale de la femme ou anticipée de la fête des  mères tant celles-ci étaient nombreuses. Confirmant ainsi que les mères sont au premier rang dans l’accompagnement de leurs enfants aux besoins spécifiques. Cependant, une observation plus aiguisée aurait pu montrer que chez les sportifs handicapés et leur environnement), la parité semble être une règle naturellement présente.
Si les 15 meilleurs athlètes de cette association -actuellement spécialisée en athlétisme avec une forte prédominance pour les lancers due certainement au vécu des principaux animateurs - le président-entraineur de l’association Kahlouche Abdelmadjid et l’entraineur Latrèche Rachid, anciennement entraineurs de lancers dans les clubs d’athlétisme – ont reçu des récompenses symboliques de la part d’Air Algérie, nous nous aventurerons à avancer que la cérémonie était principalement organisée pour encourager une jeune lanceuse  (poids et javelot) de la classe T33 -  Asmahan Boudjaadar qui s’est glissée dans le gotha mondial.
En marge de la cérémonie, nous avons ainsi appris que lors d’une tournée (une semaine et deux compétitions) dans les pays du Golfe (Dubaï et Sharika), cette athlète a amélioré le record du monde du javelot (avec  un jet de 10 mètres 85) et établi la meilleure performance mondiale de l’année au poids (5 m11). A ces performances s’ajoutent 4 médailles d’or (2 à Dubaï et 2 à Sharika dans les épreuves du poids et du javelot). Mademoiselle Boudjaadar faisait partie de la délégation de l’USH Constantine (Rachid Latrèche, chef de délégation, docteur Riachi Farida et le guide Bilal) qui a bénéficié de la prise en charge des organisateurs sur la plan de la restauration et hébergement et mais qui a vu chacun des membres de la délégation réglé personnellement les frais de voyage avec cependant des facilités de la compagnie nationale aérienne (qui se pose en partenaire de l’USHC) en attendant un remboursement qui interviendra lorsque l’association aura encaissé la subvention 2014 qui devrait alimenter prochainement le compte bancaire du club. On peut donc dire qu’Asmahan Boudjaadar a payé pour battre le record du monde et établir une meilleure performance mondiale. Une illustration du triste sort des sportifs et des associations constantinois.
Au même  périple (du 24 au 28 février) ont pris part (au titre de la fédération) Karim Bettina (multiple champion du monde et paralympique, en classe F32, des lancers de poids, disque et club) et le président de l’association. Bettina est revenu, avec dans sa besace, 1 médaille d’or (poids à Sharika) 1 médaille d’argent (poids à Dubaï) et 2 médailles de bronze (club à Dubaï et Sharika). 


In El Acil du 17/03/2015

dimanche 22 mars 2015

Ces dames d’un autre univers


Ces dames d’un autre univers
                                                                                           (A. Ellème)
En athlétisme, les dames ont porté haut et très haut les couleurs nationales. Certaines même au plus au niveau mondial. Récoltant, dans la première discipline olympique, des titres de championne d’Afrique, du monde ou des jeux olympiques. Quand ce ne sont pas les titres, elles ramenaient dans leurs bagages des médailles qui n’étaient pas de ….chocolat. Des médailles pleinement méritées au vu de la concurrence.
Sakina Boutamine, Bendahmane, Hadj Embarka, Dalila Mial, Hassiba Boulmerka, Yasmina Azzizi, Nouria Benida-Merah d'hier et d’avant-hier, tout comme Souad Aït Salem aujourd’hui, font partie de ces drôles de dames que l’on peut porter, instinctivement, sur le trône des déesses du sport.  
Dans le domaine sportif, avec leurs consœurs d’autres disciplines individuelles ou collectives, elles ont repris le flambeau, levé bien haut vers le ciel et le soleil, qu’avaient tenues les lycéennes, les étudiantes, les « petites Fatma » qui avaient rejoints les rangs de la Révolution en faisant la liaison entre les unités combattantes, posant des bombes, soignant les blessés et les malades, préparant la popote. Elles ont été et sont les moudjahidates des temps modernes. Comme leurs mères, elles ont défié des tabous bien incrustées dans les esprits de ceux que le défunt psychiatre constantinois, le docteur Bensmaïl, désignait, dans ses conférences dans les années 70,  par le terme de « demi-cultivés » qui, au fil des années, sont devenus légion autour de nous.  
Il existe d’autres femmes dont on parle moins dans les médias et qui ne font pas la une des titres ou des rubriques. Pourtant, elles ont autant de talents et plus de volonté, de certitudes que les esprits mesquins qui les environnent ou  que celles que nous avons citées. Il est vrai qu’elles ne figurent pas sur les podiums internationaux, ni quelquefois même nationaux (encore que… à bien chercher, on pourrait trouver !).
Nous voulons parler de ces quinquagénaires (ou qui le seront dans peu de temps), mères de familles et presque grand-mères qui pratiquent encore la course à pied en compétition sans être véritablement ridicules. De ces dames encore alertes pour courir des cross, des courses sur route et des marathons comme si elles étaient de première jeunesse. Avec au final des chronos (entre 3 heures 40 et 3 heures 50 sur marathon) dont rêvent beaucoup d’athlètes masculins et a fortiori une quantité indénombrable d’hommes dont la préoccupation n’est certes pas la course.
Amina Chabane (la plus jeune franchira la barre des 50 ans l’an prochain), Ouassila Aissani (la plus âgée avec ses 52 ans au compteur de la vie, reconnue par tous et toutes - elle court depuis si longtemps qu’elle-même a oublié quand elle a débuté la course à pied sous la houlette d’Abboud Labed –) et, pour compléter le trio, Fatima Zohra Oulmi  qui défie (la cinquantaine fêtée au début de l’hiver) les meilleures en cross (22ème du dernier national à Tizi Ouzou et 26ème l’année dernière).
Le parcours de cette dernière est des plus surprenants. Débutant par la course à pied, virant ensuite vers la marche, elle fut une des meilleures de son époque, en remportant des titres de championne d’Algérie sur le 5 kilomètres marche (et se classant même au début des années dans le « Top Ten africain », en faisant partie des sélections nationales. Avant de consacrer aux études, à sa carrière professionnelle (elle exerce actuellement dans un cabinet d’expertise comptable) et à l’activité, la plus noble qui soit, de mère de deux enfants dont l’aînée subira les prochaines épreuves du bac. Après une longue interruption de la pratique sportive de compétition, elle revenue courir sur le bitume des courses sur route où elle devance (avec ses deux comparses) des hommes plus jeunes qu’elle.
Elle est aussi revenue à la pratique de la marche en se classant à la 2ème place du championnat national 2014 sur 20 kilomètres.

Un grand bravo à ces dames venues d’une autre planète en attendant les résultats des compétitions nationales à venir où F.Z Oulmi ne sera certainement pas ridicule.

In El Acil du 23/03/2015

Alea jacta est

" Alea jacta est[1] "
                                                                                     (Laaziz Aït Ighbane)
L’arbre occupe une place importante dans toutes les communautés et ce depuis l’origine de l’humanité. Dans les sociétés humaines restées proches du monde rural, il est un élément essentiel et incontournable  de la vie communautaire. Quelque soit le végétal retenu, C’est autour de lui,  c’est sous ses branches que se prenaient les décisions les plus importantes. C’était avant que ne s’édifie les acropoles, les forums, les maisons communes et toutes ses bâtisses où se réunissent les représentants de la population.
Olivier en Afrique du Nord, il couvrait de ses branches les réunions de la Djamaa ancestrale ; palmier – repère d’eau  dans les oasis des pays désertiques, il sauvait du désespoir de l’errance les aventuriers perdus dans l’immensité aréneuse ; cèdre du Liban et du Moyen Orient abritant de son ombrage les amateurs de narguilé et les supporteurs des monothéismes ; chêne des pays celtes sur lequel les druides, émules du mage Merlin l’Enchanteur, cueillaient le gui béni à l’aube de l’année nouvelle ou celui sous lequel le roi Louis le neuvième aimait rendre la justice avant d’aller, en croisé, assiégé Tunis où il trépassa de la peste ; baobab de l’Afrique subsaharienne symbole de la vie au milieu de la savane où rugissent les lions et galopent les zèbres, il est toujours présent pour entendre et enregistrer dans ses cellules végétales millénaires les discours, les rengaines, les vociférations de rage, les clameurs de bonheur, de joie et les cris de peine.
Racines, troncs, branches, feuillages et fruits, ce "tout en un " est l’abri idéal pour les paroles libres, sans entraves, sans tabou. Au fil de l’évolution de l’humanité, dans les différentes formes qu’il revêt, il en a entendu de toutes les couleurs, : sous le pommier, en croquant à belles dents la pomme de la Vie, les tout premiers, Adam et Eve murmurèrent les premiers mots interdits et perçurent pour la première fois la laideur de la beauté défendue aux regards ; sous les fins branchages de la treille lourdement chargée de grappes sucrées, Bacchus s’enivrait du jus qui s’en écoulait et libérait ses élans passionnés ; au pied du palmier, au creux de ses racines, le voyageur égaré recouvrait la vie en buvant dans des mains desséchées et affaiblies, maladroitement rassemblées en forme de coupe, les gorgées d’eau pas toujours potable, au sens moderne, mais revitalisante.
Sous ses branches tutélaires s’épanchaient les mots venus du fond du cœur, du plus profond des entrailles. Des envolées verbales quelquefois dithyrambiques mais souvent, trop souvent même, des borborygmes inaudibles, sans raison, sans logique. Toujours empreintes de sens pour leurs auteurs mais incompréhensibles pour les auditeurs. 
Espace de subjectivité, il se vêt d’atours qu’il ne possède pas, se donne des airs d’élégance pompeuse qui ne lui corresponde pas. Voila, très brièvement décrite, ce que sera cette chronique qui renverra, vers un temps passé et oublié depuis une éternité, les lecteurs qui n’ont plus vingt ans depuis longtemps.







[1] « Le sort en est jeté ». Ce furent les mots que prononça Jules César en franchissant, à la tête de son armée, le Rubicon, une rivière proche de Rome que ne devait pas franchir les hommes en armes.