" Alea
jacta est[1] "
(Laaziz Aït Ighbane)
L’arbre occupe une place importante dans toutes les communautés et ce
depuis l’origine de l’humanité. Dans les sociétés humaines restées proches du
monde rural, il est un élément essentiel et incontournable de la vie communautaire. Quelque soit le
végétal retenu, C’est autour de lui,
c’est sous ses branches que se prenaient les décisions les plus
importantes. C’était avant que ne s’édifie les acropoles, les forums, les
maisons communes et toutes ses bâtisses où se réunissent les représentants de
la population.
Olivier en Afrique du Nord, il couvrait de ses branches les réunions
de la Djamaa ancestrale ; palmier – repère d’eau dans les oasis des pays désertiques, il
sauvait du désespoir de l’errance les aventuriers perdus dans l’immensité
aréneuse ; cèdre du Liban et du Moyen Orient abritant de son ombrage les
amateurs de narguilé et les supporteurs des monothéismes ; chêne des pays
celtes sur lequel les druides, émules du mage Merlin l’Enchanteur, cueillaient
le gui béni à l’aube de l’année nouvelle ou celui sous lequel le roi Louis le
neuvième aimait rendre la justice avant d’aller, en croisé, assiégé Tunis où il
trépassa de la peste ; baobab de l’Afrique subsaharienne symbole de la vie
au milieu de la savane où rugissent les lions et galopent les zèbres, il est
toujours présent pour entendre et enregistrer dans ses cellules végétales
millénaires les discours, les rengaines, les vociférations de rage, les
clameurs de bonheur, de joie et les cris de peine.
Racines, troncs, branches, feuillages et fruits, ce "tout en
un " est l’abri idéal pour les paroles libres, sans entraves, sans
tabou. Au fil de l’évolution de l’humanité, dans les différentes formes qu’il
revêt, il en a entendu de toutes les couleurs, : sous le pommier, en
croquant à belles dents la pomme de la Vie, les tout premiers, Adam et Eve
murmurèrent les premiers mots interdits et perçurent pour la première fois la
laideur de la beauté défendue aux regards ; sous les fins branchages de la
treille lourdement chargée de grappes sucrées, Bacchus s’enivrait du jus qui
s’en écoulait et libérait ses élans passionnés ; au pied du palmier, au
creux de ses racines, le voyageur égaré recouvrait la vie en buvant dans des
mains desséchées et affaiblies, maladroitement rassemblées en forme de coupe,
les gorgées d’eau pas toujours potable, au sens moderne, mais revitalisante.
Sous ses branches tutélaires s’épanchaient les mots venus du fond du
cœur, du plus profond des entrailles. Des envolées verbales quelquefois
dithyrambiques mais souvent, trop souvent même, des borborygmes inaudibles,
sans raison, sans logique. Toujours empreintes de sens pour leurs auteurs mais
incompréhensibles pour les auditeurs.
Espace de subjectivité, il se vêt d’atours qu’il ne possède pas, se
donne des airs d’élégance pompeuse qui ne lui corresponde pas. Voila, très
brièvement décrite, ce que sera cette chronique qui renverra, vers un temps
passé et oublié depuis une éternité, les lecteurs qui n’ont plus vingt ans
depuis longtemps.
[1] « Le sort en est jeté ».
Ce furent les mots que prononça Jules César en franchissant, à la tête de son
armée, le Rubicon, une rivière proche de Rome que ne devait pas franchir les
hommes en armes.
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