dimanche 22 mars 2015

Alea jacta est

" Alea jacta est[1] "
                                                                                     (Laaziz Aït Ighbane)
L’arbre occupe une place importante dans toutes les communautés et ce depuis l’origine de l’humanité. Dans les sociétés humaines restées proches du monde rural, il est un élément essentiel et incontournable  de la vie communautaire. Quelque soit le végétal retenu, C’est autour de lui,  c’est sous ses branches que se prenaient les décisions les plus importantes. C’était avant que ne s’édifie les acropoles, les forums, les maisons communes et toutes ses bâtisses où se réunissent les représentants de la population.
Olivier en Afrique du Nord, il couvrait de ses branches les réunions de la Djamaa ancestrale ; palmier – repère d’eau  dans les oasis des pays désertiques, il sauvait du désespoir de l’errance les aventuriers perdus dans l’immensité aréneuse ; cèdre du Liban et du Moyen Orient abritant de son ombrage les amateurs de narguilé et les supporteurs des monothéismes ; chêne des pays celtes sur lequel les druides, émules du mage Merlin l’Enchanteur, cueillaient le gui béni à l’aube de l’année nouvelle ou celui sous lequel le roi Louis le neuvième aimait rendre la justice avant d’aller, en croisé, assiégé Tunis où il trépassa de la peste ; baobab de l’Afrique subsaharienne symbole de la vie au milieu de la savane où rugissent les lions et galopent les zèbres, il est toujours présent pour entendre et enregistrer dans ses cellules végétales millénaires les discours, les rengaines, les vociférations de rage, les clameurs de bonheur, de joie et les cris de peine.
Racines, troncs, branches, feuillages et fruits, ce "tout en un " est l’abri idéal pour les paroles libres, sans entraves, sans tabou. Au fil de l’évolution de l’humanité, dans les différentes formes qu’il revêt, il en a entendu de toutes les couleurs, : sous le pommier, en croquant à belles dents la pomme de la Vie, les tout premiers, Adam et Eve murmurèrent les premiers mots interdits et perçurent pour la première fois la laideur de la beauté défendue aux regards ; sous les fins branchages de la treille lourdement chargée de grappes sucrées, Bacchus s’enivrait du jus qui s’en écoulait et libérait ses élans passionnés ; au pied du palmier, au creux de ses racines, le voyageur égaré recouvrait la vie en buvant dans des mains desséchées et affaiblies, maladroitement rassemblées en forme de coupe, les gorgées d’eau pas toujours potable, au sens moderne, mais revitalisante.
Sous ses branches tutélaires s’épanchaient les mots venus du fond du cœur, du plus profond des entrailles. Des envolées verbales quelquefois dithyrambiques mais souvent, trop souvent même, des borborygmes inaudibles, sans raison, sans logique. Toujours empreintes de sens pour leurs auteurs mais incompréhensibles pour les auditeurs. 
Espace de subjectivité, il se vêt d’atours qu’il ne possède pas, se donne des airs d’élégance pompeuse qui ne lui corresponde pas. Voila, très brièvement décrite, ce que sera cette chronique qui renverra, vers un temps passé et oublié depuis une éternité, les lecteurs qui n’ont plus vingt ans depuis longtemps.







[1] « Le sort en est jeté ». Ce furent les mots que prononça Jules César en franchissant, à la tête de son armée, le Rubicon, une rivière proche de Rome que ne devait pas franchir les hommes en armes.

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