Taoufik Makhloufi, champion olympique du 1 500 mètres - une
distance que semblent apprécier les coureurs de demi-fond (Boulmerka, Morceli,
Benida-Merah) - fait parler de lui. Il parle aussi. Au lieu de penser à sa
préparation, il déblatère. Pourtant, il est loin du pays. A des milliers de
kilomètres. Aux USA, en Californie dont le soleil et les plages font rêver plus
d’un.
Même là-bas, on a trouvé le moyen de le relancer, de mettre de l’huile
sur le feu, de faire renaitre des flammes qui avaient, peut-être (mais nous en
doutons fortement) tendance à s’étouffer faute de l’oxygène que puisent les
efforts physiques à fournir à chaque seconde de la journée pour que la
préparation olympique soit réussie. Des efforts inqualifiables et
inquantifiables pour celui qui ne connait pas ce qu’est un entrainement de haut
niveau. Même pas, pour simplement faire preuve de présence au niveau national.
Taoufik Makhloufi était en colère quand il a quitté le territoire
national pour rejoindre le lieu d’un stage qui n’était pas celui choisi
initialement. En colère contre le monde entier ou presque. Du moins contre ceux
qui se posent en…... metteurs de bâton dans les roues, contre ceux qui
accumulent devant ses pas des embuches ou ce qu’il croit l’être. Parce que le
champion n’est qu’un coureur à pied, médaillé d’or des Jeux Olympiques certes,
mais qu’un coureur à pied arrivé du pays profond. Un individu qui, comme tant
d’autres Algériens, ne maitrise pas les finesses de la bureaucratie….sportive
serait-elle ? Pour lui, il ne devrait y avoir qu’un pas des discours à
leurs applications. Une personne qui attend et…. ne voit rien venir. Un
professionnel de la course qui croyant fermement que la réussite sportive et
l’atteinte des objectifs assignés (une autre médaille aux prochains
championnats du monde qui ferait oublier la mauvaise année et demie passée à se
soigner et à retrouver un semblant de forme qui a conduit à faire croire qu’il
n’est qu’un météore dans la paysage sportif mondial qui ne renouvèlera jamais
son succès), s’en tient au strict respect de ce que lui disent (et du programme
de préparation mis entre ses mains) ces amis qui lui veulent du bien, ces
proches qui sont restés à l’heure de l’amateurisme. Des gens capables de
l’embobiner lui et… le ministre des sports qui fut pourtant un sportif de haut
niveau et un dirigeant du mouvement sportif. Mais, dans une autre discipline.
Croyant mordicus les discours de « ses amis » sur la
préparation, les effets négatifs que pourraient avoir sur ses objectifs
intermédiaires et finaux le moindre retard d’entame, T. Makhloufi s’est cru
dans l’obligation de prendre les devants, de ne pas attendre le déblocage du
soutien financier de l’Etat algérien placé lui dans l’obligation de suivre les
méandres de la procédure qu’apparemment beaucoup se sont ingéniés à compliquer
encore plus. Les interviews accordées à la presse nationale généraliste
montrent que l’athlète et le ministre
ont été pris dans les rets d’un piège minutieusement concocté (encore que ce
serait faire grand cas des initiateurs) pour conduire au clash par médias
interposés.
« (…) inventées dans l’unique but de me pourrir la vie….. »
Il est facile de comprendre que l’escarmouche a été pilotée d’ici,
d’Algérie. Makhloufi en pleine préparation, à plusieurs milliers de miles
d’Alger, a aujourd’hui autre chose à faire qu’à polémiquer : s’entrainer à
deux ou trois reprises par jour, se désaltérer, se restaurer, récupérer de la
fatigue, etc. Enfin le quotidien d’un stage de préparation dans un univers où
l’on doit trouver ses repères. D’autant plus que le décalage horaire n’est pas
propice aux contacts avec la presse malgré tous les moyens de communications
modernes de communication. Ceci n’occulte pas qu’un fort ressentiment doit
l’habiter et le perturber.
Dans l’interview qu’il a donné à un quotidien
national, on ressent fortement le poids de son irritation. Lui-même perçoit
(sans pouvoir trouver les mots qu’il faut) que tout n’est pas net, qu’on le mène en bateau.
Il le dit en évoquent les désagréments rencontrés « D’abord, ils m’ont informé que je
dois changer d’hôtel, puisque l’hôtel selon eux, celui que j’ai choisi, n’est
pas bien. Par la suite, la tutelle a trouvé le moyen de s’immiscer même dans
mon travail. Pourquoi prends-tu deux lièvres et un masseur ? Ne prends pas
ceci, ne prends pas cela, des choses vraiment bêtes qui ont été inventées dans
l’unique but de me pourrir la vie et de ne pas me laisser travailler dans la
sérénité».
Des riens, dira-t-on, mais qui le dérange. Et, ne
devrait pas être de son ressort. Lui qui a connu des conditions moins idéales
pendant la préparation des JO de 2013. Il le dit, et ce qui certainement
l’exaspère : « ce n’est pas la
première fois que je suis confronté à ce genre de problèmes, même avant mon
sacre olympique, personne n’a cherché après moi pour la préparation des JO,
j’ai pris mes bagages, je n’ai même pas fait de réservation, j’ai acheté un
billet avec mes propres moyens et je suis parti au Kenya, je suis resté douze
jours, grâce à mon entraîneur de l’époque, j’ai pu m’entraîner avec des
athlètes de haut niveau. Je passais la nuit dans des maisons précaires
! ». Alors, vraiment cette histoire d’hôtel qui aujourd’hui ne serait
pas bien, il s’en contrefiche (presque). D’autant plus que c’est celui qu’il
avait réservé.
Dans son interview, lorsque que T. Makhloufi
n’est pas orienté par une interpellation (question), il ne s’en prend qu’à une
entité qui est le ministère des sports, qu’aux cadres qui le composent, qu’aux
conseillers du ministre.
« En fait, il
n’agit pas tout seul, il y a aussi ses conseillers ! »
Ce dernier n’apparait que rarement dans les
réponses de Makhloufi s’exprimant sans
balisage. La première lorsqu’il évoque l’audience qui lui a été accordée et qui
ne présente aucune équivoque puisque la relation qu’il en fait est
extraordinaire de simplicité et de sincérité. Il raconte ce qui s’est passé.
Sans plus !
La seconde est plus virulente. Il l’accuse même
d’être à l’origine de ses tourments avant de ressaisir, dans un instant de
lucidité, et de clarifier ses dires. N’oublions pas cependant qu’un volcan, un
torrent tumultueux boue dans son esprit : «Exactement, j’accuse le ministre des Sports, qui n’a rien fait pour me
faciliter la tâche. En fait, il n’agit pas tout seul, il y a aussi ses
conseillers ! Entre autres, le responsable de la préparation des équipes
nationales ».
Après cette longue tirade accusatrice, T.
Makhloufi désemparé semble abattu « Pour
tout vous dire, je ne sais pas exactement quoi faire. Je pense que je serais
obligé de rentrer à Alger. Que chacun assume ses responsabilités. Mettez-vous à
ma place, je suis un champion olympique et je me prépare pour une grande
compétition internationale avec mes propres moyens ! Comme je vous l’ai dit
tout à l’heure, personne ne me soutient, que ce soit moralement ou
financièrement, c’est pénible pour un athlète qui a tout donné à son pays et
qui je pense a donné beaucoup de joie au peuple algérien ». Il est
radicalement au bout du rouleau, démoralisé, démotivé. Taoufik Makhloufi n’en
peut plus. Il doit vider le trop plein : « J’ai pris mon mal en patience, je ne voulais pas en parler, mais il y a
des limites à tout. À un moment, on ne peut plus tenir le coup, c’est pour
cette raison que j’ai décidé de cracher le morceau et de tout dévoiler ».
C’est à ce moment-là que le journaliste se pose
en intermédiaire (via le journal) en ambassadeur de bonne volonté et lui
demande de dire ce qu’il aurait à dire au ministre, avec…. les lecteurs du
journal pour témoins.
Lorsque l’on termine la lecture de l’interview,
les choses sont relativement claires. Le champion n’est pas pris en charge.
Pourtant, il affirme que dans les cercles du mouvement sportif, certains ont
tenté en vain de lui apporter leurs aides : le président du comité
olympique et la fédération algérienne d’athlétisme. Le premier voudrait bien
l’aider mais la solution se trouve au ministère. La seconde l’informe que
« tout est bloqué au niveau du MS
! ». Pour Makhloufi, tout est clair : la faute incombe au
ministère des sports.
Alors que l’on jette la pierre sur le ministère,
le ministre accorde une interview consacrée à cette affaire. Il déclare en
préambule que « Taoufik Makhloufi est un athlète de
l’équipe nationale d’athlétisme et un médaillé olympique de surcroît qui est
totalement pris en charge par les pouvoirs publics ». La réponse est d’une clarté évidente.
Tahmi :
« ….cette polémique n’a pas lieu d’être…. »
Avec le sang froid qui sied à un professeur en
cardiologie, le ministre des sports désamorce la mèche. Après avoir décrit la
genèse de cette affaire, il observe « pour moi,
cette polémique n’a pas lieu d’être et n’attendez surtout pas de ma part que je
tire à boulets rouges sur un athlète qui a fait la fierté de notre pays ».
Pour le ministre qui relate les péripéties qu’a
connu le dossier de prise en charge, la faute incombe à Taoufik Makhloufi qui
aurait d’abord changé de lieu de stage et refusé la présence d’un responsable
de la fédération, d’aucune ambigüité (« il fallait
désigner une personne à même de transférer une grosse somme d’argent à
l’étranger »).
De plus, le ministre reconnait que cette
situation cacophonique a été créée par « des problèmes administratifs » nés du refus de Makhloufi d’accepter « la présence d’un chef de délégation avec
lui ». Plus loin, il ajoutera «je
trouve anormal qu’un athlète se déplace pour un stage de préparation sans
entraîneur».
Sur ce plan, T. Makhloufi n’avait rien
caché. Ayant compris qu’il n’avait rien à attendre des structures
administratives de la fédération et du ministère, la structure qui s’est
déplacée aux USA avec lui était déjà
très légère avant d’être réduite à sa plus simple expression. Il s’en est
expliqué : «J’ai pris en charge aussi
le masseur et mes deux lièvres qui m’ont accompagné aux USA. Malheureusement,
comme je ne pouvais pas tout faire seul, les deux athlètes sont rentrés au pays
faute d’argent. Ici, la vie est très chère, c’était impossible pour moi de les
prendre en charge pour une longue durée ».Il ne reste plus que le
masseur.
Toutefois, l’incompréhension du ministre quant à l’absence d’un
entraineur (nonobstant les considérations administratives) montre qu’il n’est
pas très au fait (et surtout que ses collaborateurs n’ont pas voulu ou n’ont
pas pu l’éclairer sur ce point) des pratiques d’entrainement dans cette
discipline surtout lorsqu’elle est pratiquée à un haut niveau. L’entraineur
n’est plus ce personnage présent sur le bord de la piste criant des temps de
passages ou des consignes, des conseils, des orientations. Recadrant l’athlète.
Il est devenu un concepteur de programmes d’entrainement (adaptés aux capacités
de l’athlète en vue de lui permettre d’atteindre un objectif à court, moyen ou
à long terme) et un analyste des informations multiformes (lui permettant une
adaptation régulière du programme) inscrites dans l’enregistrement de
l’entrainement via les matériels actuellement disponibles. Un matériel se
trouvant à la portée financière des athlètes (d’un niveau certain) participants
à de multiples compétitions à l’étranger. Un matériel dont certains modèles(les
plus coûteux) comportent des logiciels de mise à jour automatique du programme
en fonctions des données enregistrées. Sans intervention humaine et donc de
l’entraineur.
Le DTN
doit installer officiellement Makhloufi
Par ailleurs, T. Makhloufi n’est pas arrivé à ce niveau de performance
sans l’aide d’un entraineur. Pourquoi celui-ci ne figure-t-il pas dans la
composition de la délégation ? Pourquoi le chef de mission doit-il être un
responsable de la fédération ? Dans ce cas, quel sera son rôle pendant la
totalité de la préparation ? Pourquoi les décaissements doivent-ils être
effectués en espèces ? Pourquoi transporter 180 000 ou 200 000 euros
dans une mallette qui serviront à payer les frais de stage? A quoi servent les
représentations consulaires ?
A ces questions qui semblent de prime abord sans importance (car
n’étant que périphériques et auraient du être résolues depuis bien longtemps à
moins que l’affaire T. Makhloufi soit la
première du genre) s’en ajoutent qui devraient être prioritaires.
Sachant que l’ « affaire T. Makhloufi » telle que nous
venons de la décrire comporte encore de nombreux non-dits, il nous semble
qu’elle soit une véritable mystification, un nuage de fumée destinée à cacher
l’emprise bureaucratique sur le mouvement sportif national. Si le respect des
procédures est le moteur de l’Administration, il n’empêche que le ministre des
sports qui n’est pas issu de ce milieu en est prisonnier. Il est évident qu’il
ne peut en être autrement. Avec tout le respect qu’on lui doit, il n’est que de
passage (quelle qu’en soit la durée) à ce poste ministériel. Cependant, il est
à remarquer que le règlement de cet immense cafouillage Makhloufi n’est possible que parce que «le directeur technique national (DTN) de
la Fédération algérienne d’athlétisme doit justement se déplacer dans les
prochaines heures aux USA pour régler tous les frais et installer
officiellement Makhloufi dans son camp d’entraînement, qu’il a lui-même choisi » dixit
le ministre lui-même.
Le ministre des sports est dans son rôle lorsqu’il rappelle la loi.
Cela nul n’est en droit de le lui reprocher. Le ministre nous dit qu’ « il faut savoir que dans cette mission de
préparation à l’étranger, la loi nous oblige à désigner un chef de mission pour
savoir où est l’athlète et quel est son plan de travail, et surtout le
financer. Taoufik Makhloufi doit être joignable à tout moment ». Nous en
prenons acte et nous devons apprécier à sa juste valeur qu’il précise que
« Ce sont, certes, des problèmes
administratifs » et qu’il comprenne la situation de T. Makhloufi au
sujet duquel il dit « Par
précipitation je pense, Taoufik Makhloufi est parti sans attendre que la
procédure se fasse normalement. Il a argué que c’est là un manque de confiance
à son égard alors qu’il s’agit juste d’un strict respect de la loi. Je pense
qu’il s’est complètement trompé dans cette affaire ».
« Taoufik Makhloufi est aux USA
depuis le 17 janvier »
Le ministre définit la fonction du chef de
mission chargé du suivi des athlètes à prendre en charge qui consiste à
connaitre le positionnement géographique de l’athlète (savoir où est
l’athlète), son programme (est-il habilité à intervenir dans la
programmation ?) et le financement du stage (mission primordiale). Nous
devons supposer que cette tâche suppose une gestion prévisionnelle et que les
modalités de prise en charge (administratives, financières, etc.) aurait du
faire l’objet d’une réflexion antérieure
permettant, en dépit des aléas (y compris de changement d’exercice budgétaire),
à T. Makhloufi de débuter son stage à temps (5 décembre). Or, selon le
ministre, « le 4 janvier, le dossier de
prise en charge était ficelé et tous les besoins de Taoufik Makhloufi ont été
satisfaits, mais selon mes informations, au terme d’une réunion au sein de la
fédération dont je vous remets le PV, il a décidé de partir tout seul car il
n’a pas accepté la seule et unique condition de la prise en charge, à savoir la
présence à ses côtés d’un responsable de la fédération » et, dans une note de la
rédaction, il est précisé que « Taoufik
Makhloufi est aux USA depuis le 17 janvier ». Le programme de
préparation de l’athlète a bien été perturbé.
La localisation géographique de l’athlète (surtout lorsqu’il a atteint
le statut d’un Makhloufi) est une préoccupation constante de l’athlète évoluant
dans un milieu organisé. Cette information est primordiale et doit être
communiquée aux instances nationale et internationale de lutte contre le dopage.
Makhloufi est en stage aux USA depuis deux mois. On sait qu’il s’est
pris en charge. A quoi sert le déplacement du DTN de la FAA ? Ne
risque-t-il pas d’être intercepté par des malfaiteurs ? Ne devra-t-il pas
justifié auprès des autorités étrangères ce transport de numéraires ?
Comment Makhloufi a-t-il pu financer son stage ? N’y- a-t-il pas eu
transfert illégal de devises ?
Quelle
traçabilité pour le financement du stage ?
Le coût du stage est connu. Entre 180 000 et 200 000 euros.
Une somme importante que l’on ne trouve
pas chez n’importe quel changeur de devises du côté du square Port Saïd.
Et même s’ils sont plusieurs à contribuer, sur le marché parallèle, la
contrepartie dinars est hallucinante (1 euro = 150 dinars) : 3 milliards
de centimes !
T. Makhloufi n’est pas totalement démuni. Il a participé à de nombreux
meetings d’athlétisme de bonne (et même très) bonne réputation rémunérant sa
participation et les performances réalisées. Ses titres lui ont valu des
récompenses supplémentaires. Les contrats publicitaires lui apportent une manne
financière complémentaire.
Toutefois, il ne peut en disposer à sa guise. Les sommes gagnées sont
bloquées dans un compte bancaire sur lequel la fédération internationale (IAAF)
garde un œil vigilant pour qu’il puisse en jouir après sa carrière sportive.
Ceci dit, il a la possibilité d’y puiser, sous le contrôle de la fédération
internationale, dans certaines situations précisées : organisations de
stages de préparation et soins médicaux. Le décaissement se fait sur
présentation de justificatifs.
Même si cette réglementation date, nous nous demandons pourquoi elle
n’a pas fait l’objet d’une exploration. Certaines sommités de l’athlétisme
national en ont en principe connaissance. Nous pensons ici à son ancien
entraineur (Amar Brahmia, ex-manager de N. Morceli) et Amar Bouras
(anciennement entraineur de Hassiba Boulmerka et présentement président de la
fédération algérienne).
Ceci étant et quoiqu’il ait pu se passer entre décembre et janvier
(décalage du stage, polémique stérile sur la présence d’un chef de délégation,
départ non autorisé de Makhloufi en stage), dans le cadre de rapports entre les
deux parties, la prise en charge des frais de stage (soi-disant payés par
Makhloufi) aurait pu faire l’objet d’un remboursement, sur la même base que la
procédure de l’IAAF (présentation de justificatifs) puis par virement de compte
à compte (compte du ministère au compte de Makhloufi validé par l’IAAF et
amputé des frais engagés). L’opération aurait eu le mérite de rendre
transparente l’opération et d’éviter les menées déstabilisatrices de….l’athlète
et d’une structure gouvernementale.
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