mercredi 25 mars 2015

Dans les griffes de l’incompétence et de ….la bureaucratie


Taoufik Makhloufi, champion olympique du 1 500 mètres - une distance que semblent apprécier les coureurs de demi-fond (Boulmerka, Morceli, Benida-Merah) - fait parler de lui. Il parle aussi. Au lieu de penser à sa préparation, il déblatère. Pourtant, il est loin du pays. A des milliers de kilomètres. Aux USA, en Californie dont le soleil et les plages font rêver plus d’un.

Même là-bas, on a trouvé le moyen de le relancer, de mettre de l’huile sur le feu, de faire renaitre des flammes qui avaient, peut-être (mais nous en doutons fortement) tendance à s’étouffer faute de l’oxygène que puisent les efforts physiques à fournir à chaque seconde de la journée pour que la préparation olympique soit réussie. Des efforts inqualifiables et inquantifiables pour celui qui ne connait pas ce qu’est un entrainement de haut niveau. Même pas, pour simplement faire preuve de présence au niveau national.
Taoufik Makhloufi était en colère quand il a quitté le territoire national pour rejoindre le lieu d’un stage qui n’était pas celui choisi initialement. En colère contre le monde entier ou presque. Du moins contre ceux qui se posent en…... metteurs de bâton dans les roues, contre ceux qui accumulent devant ses pas des embuches ou ce qu’il croit l’être. Parce que le champion n’est qu’un coureur à pied, médaillé d’or des Jeux Olympiques certes, mais qu’un coureur à pied arrivé du pays profond. Un individu qui, comme tant d’autres Algériens, ne maitrise pas les finesses de la bureaucratie….sportive serait-elle ? Pour lui, il ne devrait y avoir qu’un pas des discours à leurs applications. Une personne qui attend et…. ne voit rien venir. Un professionnel de la course qui croyant fermement que la réussite sportive et l’atteinte des objectifs assignés (une autre médaille aux prochains championnats du monde qui ferait oublier la mauvaise année et demie passée à se soigner et à retrouver un semblant de forme qui a conduit à faire croire qu’il n’est qu’un météore dans la paysage sportif mondial qui ne renouvèlera jamais son succès), s’en tient au strict respect de ce que lui disent (et du programme de préparation mis entre ses mains) ces amis qui lui veulent du bien, ces proches qui sont restés à l’heure de l’amateurisme. Des gens capables de l’embobiner lui et… le ministre des sports qui fut pourtant un sportif de haut niveau et un dirigeant du mouvement sportif. Mais, dans une autre discipline.
Croyant mordicus les discours de « ses amis » sur la préparation, les effets négatifs que pourraient avoir sur ses objectifs intermédiaires et finaux le moindre retard d’entame, T. Makhloufi s’est cru dans l’obligation de prendre les devants, de ne pas attendre le déblocage du soutien financier de l’Etat algérien placé lui dans l’obligation de suivre les méandres de la procédure qu’apparemment beaucoup se sont ingéniés à compliquer encore plus. Les interviews accordées à la presse nationale généraliste montrent  que l’athlète et le ministre ont été pris dans les rets d’un piège minutieusement concocté (encore que ce serait faire grand cas des initiateurs) pour conduire au clash par médias interposés.

« (…) inventées dans l’unique but de me pourrir la vie….. »

Il est facile de comprendre que l’escarmouche a été pilotée d’ici, d’Algérie. Makhloufi en pleine préparation, à plusieurs milliers de miles d’Alger, a aujourd’hui autre chose à faire qu’à polémiquer : s’entrainer à deux ou trois reprises par jour, se désaltérer, se restaurer, récupérer de la fatigue, etc. Enfin le quotidien d’un stage de préparation dans un univers où l’on doit trouver ses repères. D’autant plus que le décalage horaire n’est pas propice aux contacts avec la presse malgré tous les moyens de communications modernes de communication. Ceci n’occulte pas qu’un fort ressentiment doit l’habiter et le perturber.
Dans l’interview qu’il a donné à un quotidien national, on ressent fortement le poids de son irritation. Lui-même perçoit (sans pouvoir trouver les mots qu’il faut)  que tout n’est pas net, qu’on le mène en bateau. Il le dit en évoquent les désagréments rencontrés « D’abord, ils m’ont informé que je dois changer d’hôtel, puisque l’hôtel selon eux, celui que j’ai choisi, n’est pas bien. Par la suite, la tutelle a trouvé le moyen de s’immiscer même dans mon travail. Pourquoi prends-tu deux lièvres et un masseur ? Ne prends pas ceci, ne prends pas cela, des choses vraiment bêtes qui ont été inventées dans l’unique but de me pourrir la vie et de ne pas me laisser travailler dans la sérénité».
Des riens, dira-t-on, mais qui le dérange. Et, ne devrait pas être de son ressort. Lui qui a connu des conditions moins idéales pendant la préparation des JO de 2013. Il le dit, et ce qui certainement l’exaspère : « ce n’est pas la première fois que je suis confronté à ce genre de problèmes, même avant mon sacre olympique, personne n’a cherché après moi pour la préparation des JO, j’ai pris mes bagages, je n’ai même pas fait de réservation, j’ai acheté un billet avec mes propres moyens et je suis parti au Kenya, je suis resté douze jours, grâce à mon entraîneur de l’époque, j’ai pu m’entraîner avec des athlètes de haut niveau. Je passais la nuit dans des maisons précaires ! ». Alors, vraiment cette histoire d’hôtel qui aujourd’hui ne serait pas bien, il s’en contrefiche (presque). D’autant plus que c’est celui qu’il avait réservé.
Dans son interview, lorsque que T. Makhloufi n’est pas orienté par une interpellation (question), il ne s’en prend qu’à une entité qui est le ministère des sports, qu’aux cadres qui le composent, qu’aux conseillers du ministre.

« En fait, il n’agit pas tout seul, il y a aussi ses conseillers ! »

Ce dernier n’apparait que rarement dans les réponses de Makhloufi  s’exprimant sans balisage. La première lorsqu’il évoque l’audience qui lui a été accordée et qui ne présente aucune équivoque puisque la relation qu’il en fait est extraordinaire de simplicité et de sincérité. Il raconte ce qui s’est passé. Sans plus !
La seconde est plus virulente. Il l’accuse même d’être à l’origine de ses tourments avant de ressaisir, dans un instant de lucidité, et de clarifier ses dires. N’oublions pas cependant qu’un volcan, un torrent tumultueux boue dans son esprit : «Exactement, j’accuse le ministre des Sports, qui n’a rien fait pour me faciliter la tâche. En fait, il n’agit pas tout seul, il y a aussi ses conseillers ! Entre autres, le responsable de la préparation des équipes nationales ».
Après cette longue tirade accusatrice, T. Makhloufi désemparé semble abattu « Pour tout vous dire, je ne sais pas exactement quoi faire. Je pense que je serais obligé de rentrer à Alger. Que chacun assume ses responsabilités. Mettez-vous à ma place, je suis un champion olympique et je me prépare pour une grande compétition internationale avec mes propres moyens ! Comme je vous l’ai dit tout à l’heure, personne ne me soutient, que ce soit moralement ou financièrement, c’est pénible pour un athlète qui a tout donné à son pays et qui je pense a donné beaucoup de joie au peuple algérien ». Il est radicalement au bout du rouleau, démoralisé, démotivé. Taoufik Makhloufi n’en peut plus. Il doit vider le trop plein : « J’ai pris mon mal en patience, je ne voulais pas en parler, mais il y a des limites à tout. À un moment, on ne peut plus tenir le coup, c’est pour cette raison que j’ai décidé de cracher le morceau et de tout dévoiler ».
C’est à ce moment-là que le journaliste se pose en intermédiaire (via le journal) en ambassadeur de bonne volonté et lui demande de dire ce qu’il aurait à dire au ministre, avec…. les lecteurs du journal pour témoins.
Lorsque l’on termine la lecture de l’interview, les choses sont relativement claires. Le champion n’est pas pris en charge. Pourtant, il affirme que dans les cercles du mouvement sportif, certains ont tenté en vain de lui apporter leurs aides : le président du comité olympique et la fédération algérienne d’athlétisme. Le premier voudrait bien l’aider mais la solution se trouve au ministère. La seconde l’informe que « tout est bloqué au niveau du MS ! ». Pour Makhloufi, tout est clair : la faute incombe au ministère des sports.
Alors que l’on jette la pierre sur le ministère, le ministre accorde une interview consacrée à cette affaire. Il déclare en préambule que « Taoufik Makhloufi est un athlète de l’équipe nationale d’athlétisme et un médaillé olympique de surcroît qui est totalement pris en charge par les pouvoirs publics ». La réponse est d’une clarté évidente.

Tahmi : « ….cette polémique n’a pas lieu d’être…. » 

Avec le sang froid qui sied à un professeur en cardiologie, le ministre des sports désamorce la mèche. Après avoir décrit la genèse de cette affaire, il observe « pour moi, cette polémique n’a pas lieu d’être et n’attendez surtout pas de ma part que je tire à boulets rouges sur un athlète qui a fait la fierté de notre pays ».
Pour le ministre qui relate les péripéties qu’a connu le dossier de prise en charge, la faute incombe à Taoufik Makhloufi qui aurait d’abord changé de lieu de stage et refusé la présence d’un responsable de la fédération, d’aucune ambigüité («  il fallait désigner une personne à même de transférer une grosse somme d’argent à l’étranger »).
De plus, le ministre reconnait que cette situation cacophonique a été créée par « des problèmes administratifs » nés du refus de Makhloufi d’accepter «  la présence d’un chef de délégation avec lui ». Plus loin, il ajoutera «je trouve anormal qu’un athlète se déplace pour un stage de préparation sans entraîneur».
Sur ce plan, T. Makhloufi n’avait rien caché. Ayant compris qu’il n’avait rien à attendre des structures administratives de la fédération et du ministère, la structure qui s’est déplacée aux USA avec lui  était déjà très légère avant d’être réduite à sa plus simple expression. Il s’en est expliqué : «J’ai pris en charge aussi le masseur et mes deux lièvres qui m’ont accompagné aux USA. Malheureusement, comme je ne pouvais pas tout faire seul, les deux athlètes sont rentrés au pays faute d’argent. Ici, la vie est très chère, c’était impossible pour moi de les prendre en charge pour une longue durée ».Il ne reste plus que le masseur.
Toutefois, l’incompréhension du ministre quant à l’absence d’un entraineur (nonobstant les considérations administratives) montre qu’il n’est pas très au fait (et surtout que ses collaborateurs n’ont pas voulu ou n’ont pas pu l’éclairer sur ce point) des pratiques d’entrainement dans cette discipline surtout lorsqu’elle est pratiquée à un haut niveau. L’entraineur n’est plus ce personnage présent sur le bord de la piste criant des temps de passages ou des consignes, des conseils, des orientations. Recadrant l’athlète. Il est devenu un concepteur de programmes d’entrainement (adaptés aux capacités de l’athlète en vue de lui permettre d’atteindre un objectif à court, moyen ou à long terme) et un analyste des informations multiformes (lui permettant une adaptation régulière du programme) inscrites dans l’enregistrement de l’entrainement via les matériels actuellement disponibles. Un matériel se trouvant à la portée financière des athlètes (d’un niveau certain) participants à de multiples compétitions à l’étranger. Un matériel dont certains modèles(les plus coûteux) comportent des logiciels de mise à jour automatique du programme en fonctions des données enregistrées. Sans intervention humaine et donc de l’entraineur.

Le DTN doit installer officiellement Makhloufi

Par ailleurs, T. Makhloufi n’est pas arrivé à ce niveau de performance sans l’aide d’un entraineur. Pourquoi celui-ci ne figure-t-il pas dans la composition de la délégation ? Pourquoi le chef de mission doit-il être un responsable de la fédération ? Dans ce cas, quel sera son rôle pendant la totalité de la préparation ? Pourquoi les décaissements doivent-ils être effectués en espèces ? Pourquoi transporter 180 000 ou 200 000 euros dans une mallette qui serviront à payer les frais de stage? A quoi servent les représentations consulaires ?
A ces questions qui semblent de prime abord sans importance (car n’étant que périphériques et auraient du être résolues depuis bien longtemps à moins que l’affaire  T. Makhloufi soit la première du genre) s’en ajoutent qui devraient être prioritaires.
Sachant que l’ « affaire T. Makhloufi » telle que nous venons de la décrire comporte encore de nombreux non-dits, il nous semble qu’elle soit une véritable mystification, un nuage de fumée destinée à cacher l’emprise bureaucratique sur le mouvement sportif national. Si le respect des procédures est le moteur de l’Administration, il n’empêche que le ministre des sports qui n’est pas issu de ce milieu en est prisonnier. Il est évident qu’il ne peut en être autrement. Avec tout le respect qu’on lui doit, il n’est que de passage (quelle qu’en soit la durée) à ce poste ministériel. Cependant, il est à remarquer que le règlement de cet immense cafouillage  Makhloufi n’est possible que parce que «le directeur technique national (DTN) de la Fédération algérienne d’athlétisme doit justement se déplacer dans les prochaines heures aux USA pour régler tous les frais et installer officiellement Makhloufi dans son camp d’entraînement, qu’il a lui-même choisi » dixit le ministre lui-même. 
Le ministre des sports est dans son rôle lorsqu’il rappelle la loi. Cela nul n’est en droit de le lui reprocher. Le ministre nous dit qu’ « il faut savoir que dans cette mission de préparation à l’étranger, la loi nous oblige à désigner un chef de mission pour savoir où est l’athlète et quel est son plan de travail, et surtout le financer. Taoufik Makhloufi doit être joignable à tout moment ». Nous en prenons acte et nous devons apprécier à sa juste valeur qu’il précise que «  Ce sont, certes, des problèmes administratifs » et qu’il comprenne la situation de T. Makhloufi au sujet duquel il dit « Par précipitation je pense, Taoufik Makhloufi est parti sans attendre que la procédure se fasse normalement. Il a argué que c’est là un manque de confiance à son égard alors qu’il s’agit juste d’un strict respect de la loi. Je pense qu’il s’est complètement trompé dans cette affaire ».

« Taoufik Makhloufi est aux USA depuis le 17 janvier »

Le ministre définit la fonction du chef de mission chargé du suivi des athlètes à prendre en charge qui consiste à connaitre le positionnement géographique de l’athlète (savoir où est l’athlète), son programme (est-il habilité à intervenir dans la programmation ?) et le financement du stage (mission primordiale). Nous devons supposer que cette tâche suppose une gestion prévisionnelle et que les modalités de prise en charge (administratives, financières, etc.) aurait du faire  l’objet d’une réflexion antérieure permettant, en dépit des aléas (y compris de changement d’exercice budgétaire), à T. Makhloufi de débuter son stage à temps (5 décembre). Or, selon le ministre, « le 4 janvier, le dossier de prise en charge était ficelé et tous les besoins de Taoufik Makhloufi ont été satisfaits, mais selon mes informations, au terme d’une réunion au sein de la fédération dont je vous remets le PV, il a décidé de partir tout seul car il n’a pas accepté la seule et unique condition de la prise en charge, à savoir la présence à ses côtés d’un responsable de la fédération » et, dans une note de la rédaction, il est précisé que « Taoufik Makhloufi est aux USA depuis le 17 janvier ». Le programme de préparation de l’athlète a bien été perturbé.
La localisation géographique de l’athlète (surtout lorsqu’il a atteint le statut d’un Makhloufi) est une préoccupation constante de l’athlète évoluant dans un milieu organisé. Cette information est primordiale et doit être communiquée aux instances nationale et internationale de lutte contre le dopage.   
Makhloufi est en stage aux USA depuis deux mois. On sait qu’il s’est pris en charge. A quoi sert le déplacement du DTN de la FAA ? Ne risque-t-il pas d’être intercepté par des malfaiteurs ? Ne devra-t-il pas justifié auprès des autorités étrangères ce transport de numéraires ? Comment Makhloufi a-t-il pu financer son stage ? N’y- a-t-il pas eu transfert illégal de devises ?

Quelle traçabilité pour le financement du stage ?

Le coût du stage est connu. Entre 180 000 et 200 000 euros. Une somme importante que l’on ne trouve  pas chez n’importe quel changeur de devises du côté du square Port Saïd. Et même s’ils sont plusieurs à contribuer, sur le marché parallèle, la contrepartie dinars est hallucinante (1 euro = 150 dinars) : 3 milliards de centimes !
T. Makhloufi n’est pas totalement démuni. Il a participé à de nombreux meetings d’athlétisme de bonne (et même très) bonne réputation rémunérant sa participation et les performances réalisées. Ses titres lui ont valu des récompenses supplémentaires. Les contrats publicitaires lui apportent une manne financière complémentaire.
Toutefois, il ne peut en disposer à sa guise. Les sommes gagnées sont bloquées dans un compte bancaire sur lequel la fédération internationale (IAAF) garde un œil vigilant pour qu’il puisse en jouir après sa carrière sportive. Ceci dit, il a la possibilité d’y puiser, sous le contrôle de la fédération internationale, dans certaines situations précisées : organisations de stages de préparation et soins médicaux. Le décaissement se fait sur présentation de justificatifs.
Même si cette réglementation date, nous nous demandons pourquoi elle n’a pas fait l’objet d’une exploration. Certaines sommités de l’athlétisme national en ont en principe connaissance. Nous pensons ici à son ancien entraineur (Amar Brahmia, ex-manager de N. Morceli) et Amar Bouras (anciennement entraineur de Hassiba Boulmerka et présentement président de la fédération algérienne).

Ceci étant et quoiqu’il ait pu se passer entre décembre et janvier (décalage du stage, polémique stérile sur la présence d’un chef de délégation, départ non autorisé de Makhloufi en stage), dans le cadre de rapports entre les deux parties, la prise en charge des frais de stage (soi-disant payés par Makhloufi) aurait pu faire l’objet d’un remboursement, sur la même base que la procédure de l’IAAF (présentation de justificatifs) puis par virement de compte à compte (compte du ministère au compte de Makhloufi validé par l’IAAF et amputé des frais engagés). L’opération aurait eu le mérite de rendre transparente l’opération et d’éviter les menées déstabilisatrices de….l’athlète et d’une structure gouvernementale.

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