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n 2012, Zahra Bouras se prépare à la conquête d’un nouveau titre de
championne d’Afrique du 800 mètres. Elle
a aussi dans son esprit, bien enfoui là où on ne pourra le trouver, là
où l’on cache les espérances les plus folles, celles qui habitent les sportifs
de haut niveau, l’espoir de réaliser les minima pour les jeux olympiques de
Londres.
Dans son entourage, du côté de la fédération où l’aura, la réputation
d’entraîneurs de très haut niveau des Amar Bouras et d’Ahmed Mahour Bacha est
forte, on la voit, on la destine à une place en finale de la course olympique
et les plus aventureux la hisse sur le podium. Quant à elle, après le cataclysme qui
bouleversa son existence, elle affirmait que ses ambitions étaient plus
modestes, son « objectif
était d'arriver en finale ». Elle reconnut également que « beaucoup
de personnes pensaient que j'étais un espoir de médaille », avant
d’avouer (c’était quelques jours avant l’ouverture des jeux auxquels elle ne
pouvait plus concourir) : « je sais que je n'ai pas encore le
niveau pour remporter une finale ». Une manière très délicate
d’affirmer que certains la voyait sur la plus haute marche du podium. Ils
savaient certainement.
Pourtant, depuis ses débuts
sous la coupe de Dadi, Zahra a progressé. Enormément. On pressent qu’elle
succédera à Hassiba Boulmerka sur les tablettes du record national du 800
mètres. D’ailleurs, Zahra vient de quitter le groupe d’entraînement de Mahour
Bacha (dans lequel elle côtoyait le décathlonien Larbi Bourraâda et Amina, la
fille de l’entraîneur) pour s’entraîner (depuis le début de l’année) avec son père.
Après un hiver et un printemps à régler la mécanique humaine, faire
des efforts surhumains, Zahra est prête à entrer en compétition. Ses succès,
son titre de championne d’Afrique du 800, les performances de la saison
précédente lui ouvrent les portes de meetings de bonne renommée organisés en
terre française. Montreuil (dans la région parisienne) et Villeneuve d’Asq
(près de Lille) accueille à bras ouverts la valeur naissante du demi-fond
féminin algérien.
Deux courses, deux victoires l’amène à quelques centièmes de seconde
du record de Hassiba. La saison est bien lancée. Elle devient la favorite du
800 des championnats d’Afrique (qui se disputent quelques jours plus tard à
Porto Novo, au Bénin) dont elle ne prendra pas le départ. C’est là-bas qu’elle apprendra
la nouvelle de sa suspension.
En août 2012, quelques semaines après ses courses françaises, elle
raconta comment elle apprit la mauvaise nouvelle : dans un taxi alors
qu’elle rentrait à l’hôtel après un
échauffement (apparemment interrompu suite à une communication téléphonique
entre son père et le président de la fédération, Badredinne Belhadjoudja):
« C'est sur le chemin du retour qu'il m'a annoncé que j'avais été contrôlée
positive au Stanozolol ».
Sonnée, en état de choc, elle resta sans réaction, sans dire un mot
pendant presque trois heures. Elle s’enferma dans sa chambre à attendre le
retour des autres athlètes (restés au stade) pour leur annoncer ce qui lui
arrivait : « Je ne voulais pas qu'ils l'apprennent par
quelqu'un d'autre ». Abattus, eux-mêmes choqués, les athlètes
algériens (dont elle connaissait certains depuis une dizaine d’années) et les
entraîneurs l’ont soutenu. Elle dit : « Ils ont tout fait
pour que je ne sombre pas » d’autant que son père « était
ravagé par la douleur ».
Certains anciens athlètes furent plus proches que la majorité qui ne
s’est pas manifestée. Baya Rahouli, Ali Saïdi Sief « qui a connu la
même mésaventure et qui m'a très souvent appelée pour me remonter le moral »
ainsi que Hassiba Boulmerka et « tous ceux que mon père a
entraînés » firent partie de ceux qui dans les semaines qui
suivirent prirent de ses nouvelles, ne la laissèrent pas tomber.
En ces
moments difficiles, Zahra Bouras, malgré la tristesse, la détresse qui
l’envahit conserve un peu de lucidité. Pendant un bref moment, au Bénin, elle
avait pensé arrêter l’athlétisme avant de se dire que ce serait comme
« reconnaître l'accusation qui est portée contre moi, alors que je
suis innocente ». Ella
avait aussi conscience que sa « réputation est salie quels
que soient les résultats des prochaines analyses. Le mal est fait et je dois
apprendre à vivre avec une faute que je n'ai pas commise ».
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