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ans une précédente chronique nous avons fait la connaissance de Steve
Magness qui fut l’assistant d’Alberto Salazar au sein du NOP. Il avait à peine 25 ans, et commençait à se faire
un nom en tant qu'entraîneur (une carrière qu’il entama après avoir
prématurément achevé celle d’athlète à la suite d’une blessure), lorsqu’il
reçut un appel téléphonique de Salazar. Magness crut un instant que c’était une
blague qui lui était faite. Puis, il comprit assez rapidement que c’était la
légende du coaching qui s’adressait à lui et voulait qu’il soit son assistant.
Dans la troisième partie du documentaire diffusée par la BBC (celle
portant sur le duo Salazar-Rupp), Steven Magness note que dès la « première
saison de piste j’ai trouvé des indices m’indiquant que cela ne correspondait
pas à ce pourquoi j’avais signé ».
Le récit de Magness est lié à Salazar, à Rupp et au responsable du laboratoire
sur le campus Nike, le docteur Loren Myhre. En 2011, alors qu’il partageait le
même bureau que Salazar, des rapports de laboratoire ont été livrés. Il
s’agissait, dira Magness, des résultats de tests sanguins d’athlètes devant permettre
de déterminer comment les coureurs avaient répondu à l'entraînement en
altitude. Magness y a jeté un coup d’œil.
En examinant les résultats de Rupp, portant sur l’année 2002 (Rupp
avait 16 ans et était encore au lycée), il fut surpris par une note indiquant
que le coureur était « actuellement sous prednisone et testostérone ».
Magness était informé que Rupp utilisait la prednisone et savait également
que la testostérone relevait d’une autre catégorie médicamenteuse. Choqué par
cette révélation, il prit une photo du document en question, à titre de
précaution : « Je voulais avoir des preuves au cas où quelque
chose arriverait ».
Magness en parla avec Salazar qui dit que cela devait être une erreur
imputée par lui au responsable du laboratoire, le docteur Myhre (décédé en
2012) mais qui avait pourtant obtenu, en 2002 (l’année des résultats
d’analyses) un prix attribué par Nike. La première réaction de Salazar aurait
été de taxer le docteur Myhre de folie, puis d’avoir sans doute mélangé des
résultats. Selon Magness, le sujet n’a plus jamais été abordé.
Dans les explications communiquées à la BBC, Salazar a déclaré que ce
qu’il présente comme un quiproquo serait dû à une erreur d’enregistrement d’un supplément
nutritionnel (le Testoboost) en tant que «médicament de testostérone ».
Il ne se priva pas d’ajouter que les « allégations de vos sources
sont basées sur des hypothèses fausses et demi-vérités dans une tentative pour
faire avancer leurs agendas personnels ».
Bien entendu, aussi bien Rupp que Salazar contestèrent que le coureur
américain ait utilisé la testostérone ou des médicaments à base de
testostérone. Rupp fut formel à ce sujet : «je suis tout à fait
contre l'utilisation de drogues améliorant la performance » ou
encore, ce qui écarte tout soupçons et disculpe Salazar «je n'ai pas pris
des substances interdites et Alberto n'a jamais suggéré que j’en prenne ».
C’est à peu de chose près le discours que tiendra quelques années plus tard (en
juin 2015), « Mo » Farah dans le reportage de la BBC.
Mais, ce ne fut pas la seule fois où Magness a été mis en présence de l'utilisation
de la testostérone dans le camp de Salazar. L’assistant de Salazar a partagé
ensuite un bureau avec Alex Salazar, le fils de l’entraîneur en chef, qui a
travaillé au NOP.
Selon Magness, Alex aurait été parfois utilisé en tant que cobaye dans
des tests. Alex aurait dit à Magness
qu'il testait le gel de testostérone: il se frottait avec un peu de gel,
subissait des tests dans le laboratoire, ajoutait un peu plus de gel et se
faisait à nouveau tester.
Alberto Salazar a expliqué, à Magness et à deux autres personnes,
qu’il s’agissait d’essais devant permettre de déterminer la quantité de gel
déclenchant un test positif dans l’hypothèse d’une tentative de sabotage du NOP
par un adversaire qui viendrait au contact d’un athlète du groupe pendant une
course.
Du point de vue de Magness, ces explications sentaient le ridicule. Il
croyait qu'en fait, il s’agissait de tromper les tests. Mark Daly note qu’Alex
Salazar n'avait aucune raison de douter du raisonnement de son père.
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