mercredi 10 août 2016

Lanceurs d’alerte (3), Alex Salazar, en testeur de gel

D
ans une précédente chronique nous avons fait la connaissance de Steve Magness qui fut l’assistant d’Alberto Salazar au sein du NOP.  Il avait à peine 25 ans, et commençait à se faire un nom en tant qu'entraîneur (une carrière qu’il entama après avoir prématurément achevé celle d’athlète à la suite d’une blessure), lorsqu’il reçut un appel téléphonique de Salazar. Magness crut un instant que c’était une blague qui lui était faite. Puis, il comprit assez rapidement que c’était la légende du coaching qui s’adressait à lui et voulait qu’il soit son assistant.

Dans la troisième partie du documentaire diffusée par la BBC (celle portant sur le duo Salazar-Rupp), Steven Magness note que dès la « première saison de piste j’ai trouvé des indices m’indiquant que cela ne correspondait pas à ce pourquoi j’avais signé ».

Le récit de Magness est lié à Salazar, à Rupp et au responsable du laboratoire sur le campus Nike, le docteur Loren Myhre. En 2011, alors qu’il partageait le même bureau que Salazar, des rapports de laboratoire ont été livrés. Il s’agissait, dira Magness, des résultats de tests sanguins d’athlètes devant permettre de déterminer comment les coureurs avaient répondu à l'entraînement en altitude. Magness y a jeté un coup d’œil.

En examinant les résultats de Rupp, portant sur l’année 2002 (Rupp avait 16 ans et était encore au lycée), il fut surpris par une note indiquant que le coureur était « actuellement sous prednisone et testostérone ».

Magness était informé que Rupp utilisait la prednisone et savait également que la testostérone relevait d’une autre catégorie médicamenteuse. Choqué par cette révélation, il prit une photo du document en question, à titre de précaution : « Je voulais avoir des preuves au cas où quelque chose arriverait ».

Magness en parla avec Salazar qui dit que cela devait être une erreur imputée par lui au responsable du laboratoire, le docteur Myhre (décédé en 2012) mais qui avait pourtant obtenu, en 2002 (l’année des résultats d’analyses) un prix attribué par Nike. La première réaction de Salazar aurait été de taxer le docteur Myhre de folie, puis d’avoir sans doute mélangé des résultats. Selon Magness, le sujet n’a plus jamais été abordé.

Dans les explications communiquées à la BBC, Salazar a déclaré que ce qu’il présente comme un quiproquo serait dû à une erreur d’enregistrement d’un supplément nutritionnel (le Testoboost) en tant que «médicament de testostérone ». Il ne se priva pas d’ajouter que les « allégations de vos sources sont basées sur des hypothèses fausses et demi-vérités dans une tentative pour faire avancer leurs agendas personnels ».

Bien entendu, aussi bien Rupp que Salazar contestèrent que le coureur américain ait utilisé la testostérone ou des médicaments à base de testostérone. Rupp fut formel à ce sujet : «je suis tout à fait contre l'utilisation de drogues améliorant la performance » ou encore, ce qui écarte tout soupçons et disculpe Salazar «je n'ai pas pris des substances interdites et Alberto n'a jamais suggéré que j’en prenne ». C’est à peu de chose près le discours que tiendra quelques années plus tard (en juin 2015), « Mo » Farah dans le reportage de la BBC.

Mais, ce ne fut pas la seule fois où  Magness a été mis en présence de l'utilisation de la testostérone dans le camp de Salazar. L’assistant de Salazar a partagé ensuite un bureau avec Alex Salazar, le fils de l’entraîneur en chef, qui a travaillé au NOP.

Selon Magness, Alex aurait été parfois utilisé en tant que cobaye dans des tests.  Alex aurait dit à Magness qu'il testait le gel de testostérone: il se frottait avec un peu de gel, subissait des tests dans le laboratoire, ajoutait un peu plus de gel et se faisait à nouveau tester.

Alberto Salazar a expliqué, à Magness et à deux autres personnes, qu’il s’agissait d’essais devant permettre de déterminer la quantité de gel déclenchant un test positif dans l’hypothèse d’une tentative de sabotage du NOP par un adversaire qui viendrait au contact d’un athlète du groupe pendant une course.


Du point de vue de Magness, ces explications sentaient le ridicule. Il croyait qu'en fait, il s’agissait de tromper les tests. Mark Daly note qu’Alex Salazar n'avait aucune raison de douter du raisonnement de son père.

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