jeudi 4 août 2016

Nike Oregon Project (3), La philosophie salazarienne

B
eaucoup d’ambiguïtés entourent le Nike Oregon Project. La position d’Alberto Salazar souffre d’une absence  de clarté, de transparence. Pendant sa carrière d’athlète il fut un adepte des antidépresseurs, de ce "Prozac" qui était à la mode à l’époque de sa gloire sportive. C’est aussi sous sa coupe que le symbole américain de la course de demi-fond chez les féminines (Mary Decker-Slatney) fut contrôlé positive. On peut sans exagération affirmer que ses antécédents ne plaident pas en sa faveur.

Avec un passé aussi tumultueux (il courut avec un masque destiné à pressuriser l’air qu’il aspirait), Alberto Salazar - et son projet de relance de la course aux Etats Unis - a été placé sous la surveillance de l’agence anti-dopage américaine. En 2002, l’Usada forma un groupe de réflexion pour se pencher non pas sur la question de la pratique du dopage au sein du NOP mais sur les effets éthiques de la maison dite de « haute altitude », cette maison (quelquefois, on parle de tente enveloppant telle une bulle le lit des athlètes) dans laquelle sont confinés les athlètes afin de les placer dans des conditions de vie similaires à celles qui auraient les leurs s’ils évoluaient à la même altitude que les athlètes de l’Afrique de l’Ouest.

Le directeur de l’agence, Larry Bowers déclara alors que l'argument de « chambres d'altitude » est qu'elles constituent une solution pour les athlètes qui ne peuvent pas vivre sur les hauteurs. Alberto Salazar croyait avec confiance que l'agence américaine antidopage approuverait finalement l’idée. Son argument principal est que cette maison n’était pas différente des avancées scientifiques telles que les cardio-fréquencemètres et les boissons pour sportifs.

Le sujet a été réexaminé en 2006 par l’AMA qui conclut d’abord qu’elle (la « maison d’altitude ») pourrait être assimilée  au dopage sanguin et par conséquent, qu’elle devrait être interdite avant de procéder, en septembre de la même année, à une volte-face par la voix de Dick Pound, le patron de l'AMA qui déclara que « (...) le consensus écrasant de nos comités de santé, de la médecine et de la recherche est que, à ce moment, il ne convient pas de le faire».

Le projet du NOP a été aussi critiqué par les entraîneurs d’athlétisme en milieu scolaire furieux de voir le recrutement de Galen Rupp dans un groupe d’athlètes professionnels, de son passage du collège à la maison du NOP et de son renoncement à la première année d’université de l’Etat d’Oregon. On voit que les enjeux sont multiples.

En 2010, avant que n’intervienne la troisième phase du NOP, l’internationalisation du recrutement avec l’apparition dans le groupe d’athlètes britannique (Farah), canadien (Cameron Lewis) et japonais, Salazar fait connaitre son point de vue sur la question préoccupante du dopage.

Alberto Salazar ne peux situer la frontière entre la préparation médicale et le dopage. L’utilisation des anti-inflammatoires et des médicaments pour traiter l’asthme font partie des moyens légitimes à inclure dans l’arsenal de l’entraîneur. Il les place sur le même plan que l’entraînement en altitude, les massages ou la musculation.

Son point de vue est réellement ambigu. Tout en déclarant ne pas vouloir excuser le dopage, il comprend qu’un athlète prenne en considération la suspicion qui entoure de nombreuses performances. A l’en croire, le dopage est laissé au choix de l’athlète. Une vision très libérale : ne se dope que celui qui le veut bien.

Cela l’amène à une classification des athlètes en trois catégories. Dans la première sont placés ceux qui choisissent de rester « clean » et qui inéluctablement sont les grands perdants. Dans la seconde, on trouve ceux qui veulent rester au niveau de leurs adversaires et rester compétitifs. Ils n’ont pas d’autres choix que de se doper. La troisième catégorie est formée par les déçus de la lutte antidopage souhaitant la complète disparition du dopage et déplorant le manque de conviction des instances chargées cette lutte.


Dans le fond de la pensée de Salazar, la lutte antidopage est inefficace et sert seulement d’alibi à la protection de l’image du sport. C’est pour cela qu’il estime légitime l’utilisation de produits qui ne sont pas interdits par la réglementation pour tenter de conserver une chance de gagner face aux dopés. Il nous entraîne dans la voie de la supplémentation. Un autre thème polémique. 

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