dimanche 12 novembre 2017

Amina Bettiche, L'athlète paumée

Amina Bettiche, recordwoman d’Algérie du 3000 mètres steeple, défraye la chronique.  Elle n’a rien fait de particulier dans son domaine de prédilection si ce n’est d’avoir couru le 5 novembre dernier à Laâyoune, en territoires sahraouis occupés. Et de s’y être classée à la seconde place. Une participation dérangeante à plus d’un titre car dérogeant aux crédos diplomatique et politique nationaux.
Les commentaires de cette information publiée dans la presse généraliste et reprises par de nombreux sites enflamment la Toile et alimentent les chroniques créant un champ tensionnel supplémentaire entre les partisans stricts de la doctrine politique actuelle et les adversaires de la mise à l’écart et du boycott des activités du Royaume du Maroc organisés dans ces territoires et par conséquent postulant au retour de relations harmonisées entre les deux pays.
Nous rappellerons que Bettiche, en 2014, au meeting de Marrakech, avait battu le record national du 3 000 m steeple. C’était lors d’une compétition à laquelle avait pris part les athlètes Hichem Bouchicha, Abdelhamid Zerif (3000 mètres steeple), Yassine Hathat (800 mètre) et Imad Touil (1500m).
Cette information postule seulement qu’il ne fait aucun doute que le fondement de la polémique est la participation à Laâyoune et non pas la présence d’athlètes algériens aux meetings marocains ou aux stages de préparation à Ifrane, entrés dans les mœurs de l’athlétisme national depuis des années.
Kamel Benmissi, ancien président de la fédération algérienne d’athlétisme, a vu dans Amina Bettiche « une athlète pommée ». Une expression langagière qui, au premier abord, renvoie à la perte de connaissance de l’athlète qui serait ainsi « tombée dans les pommes », à une défaillance avant tout physiologique. Ce qui n’est certainement le sens à considérer présentement.
Ce qui semble une incorrection orthographique est sémantiquement proche d’une autre expression populaire, orthographiée autrement. Amina Bettiche est « paumée ». Elle est perdue, désemparée. On pourrait ajouter, pour rester dans le champ idéologique présent,  « égarée ». Le psychologique  prend le dessus sur l’organique.
Mais, qui est Amina Bettiche ? C’est une athlète, qui comme tant d’autres, a pu percer malgré toutes les entraves qui se dressent devant un athlète algérien. Que dire alors d’une athlète en butte à tant de tabous ?
Amina Bettiche n’est pas une internationale de tout premier plan. Même si de nombreux la voit postuler à mieux, en raison d’un record personnel et national établis à 9.25.90 (lors des Jeux islamiques de Bakou) se rapprochant des meilleures performances mondiales du 3 000 mètres steeple. Un chrono qui lui offrit en 2017 la 25ème  place mondiale. Et par la règle des quotas, une place en finale des championnats du monde et des jeux olympiques. Malheureusement, comme d’athlètes algériens, elle fléchit dans les grandes compétitions mondiales donnant ainsi de la consistance à une stratégie qui aurait été mise en place dans certaines sphères.
Amina Bettiche est paumée depuis la fin de la saison 2014-2015. Depuis que, suite à une saison qualifiée, le 09 avril 2015, de « difficile » par le site de la FAA, elle a quitté celui qui fut son entraîneur, Mohamed Salem. Toujours selon le même site, Amina Bettiche aurait perdu ses repères, « n'avait à aucun moment retrouvé ses marques ».
En 2016, du moins la FAA l’affirme, elle voulait « revenir en force et se qualifier aux championnats d'Afrique et aux J.O ». Un objectif qui ne sera pas atteint car elle ne participa pas aux championnats d’Afrique et qu’elle fut éliminée très tôt aux JO.
Le site de la FAA indique que l’athlète sans entraîneur avait sollicité un stage de longue durée qui fut entamé au mois de février 2016 « sous la houlette de l’entraîneur Djamaa qui avait déjà pris en charge Makhloufi ».
L’entraineur Amar Benida, qui la chaperonna, si l’on peut le dire, pendant quelques temps, est rentré plus tôt que la spécialiste du 3 000 m steeple. Celle-ci aurait bénéficié, à sa demande acceptée par la CPO, d’une prolongation. Benida déclara au site fédéral que « Bettiche travaille d'arrache-pied pour pouvoir retrouver son niveau ».
Amar Benida précisait également que "Amina travaille beaucoup et durement avec un programme foncier spécifique" ».
Un peu plus tard, le 15 mai 2016, on apprendra par presse interposée que la « meilleure Algérienne sur 3000m steeple » (9:29.20, record national à l’époque), devait partir le 20 mai à destination de Barcelone « pour effectuer un stage de préparation en vue des prochains meetings en Europe ». Cette information reprise d’une dépêche de l’agence nationale de presse (APS) révélait qu’elle «  essayera de réaliser les minima pour les Jeux Olympiques de Rio ».
L’article nous apprend aussi qu’Amina  Bettiche était rentrée d’Ethiopie du stage éthiopien le 24 avril (15 jours après la publication du site fédéral), après avoir bénéficié d'un stage de 75 jours. En attendant le départ pour Barcelone, l'athlète se préparait à Bordj Bou Arreridj « sous la houlette de son nouvel entraîneur, Djama ». Plus exactement, devrait-on dire, sous la direction par correspondance (ou d’un programme d’entraînement remis avant son départ d’Ethiopie) d’Aden Jama. Selon les enquêteurs de l’IAAF ayant décrit l’organisation du groupe d’entraînement de l’entraîneur somalo-britannique, les athlètes comme Amina Bettiche font partie d’un troisième cercle.
C’est au cours de ce stage barcelonais qu’eut lieu « la descente » de la police et des services de douanes catalans sur l’hôtel où étaient les athlètes formant le groupe d’entraînement. Par un curieux hasard, la liste des athlètes autorisés à s’entraîner sur le stade de Sabadell sous la coupe des frères Jama, publiée par un site catalan « El Confidencial », comporte deux athlètes algériens (Hathat et Belferrar). Alors que Bettiche en est absente.
 Amina Bettiche, déclarait (avant de partir pour la Catalogne) que son objectif était de « retrouver mon meilleur niveau avant de viser un bon résultat lors des prochaines échéances». Pour cela, son programme incluait son retour à la compétition le 16 juin, lors du meeting de Stockholm (Suède), avant d'enchaîner par trois autres compétitions, en Scandinavie, toujours en quête des minima pour les JO de Rio. 
On sait maintenant que sa quête ne fut pas récompensée à la mesure de ses efforts.
Le récit que nous avons proposé pèche par beaucoup de lacunes. Les combler demande des recherches complémentaires.
Des questions doivent être posées et des réponses doivent être trouvées.
Pourquoi a-t-on refusé (un an plus tôt) à Toufik Makhloufi de partir seul (avec un groupe composés de sparring-partners et un kiné) aux Etats-Unis et en voulant lui imposer un entraîneur ? Pourquoi Bettiche était-elle restée seule en Ethiopie après le retour du groupe d’athlètes algériens (Hathat, Belferrar et Abdenouz) et du chef de la délégation, l’entraîneur Benida ? On invoquera sans doute des dispositions administratives et financières.
Pourquoi Bettiche ne figure-t-elle pas sur la liste des athlètes entraînés par Jama en mai-juin 2016 à Sabadell? Comment a été organisée sa campagne de meetings scandinaves ?
Au début du mois de mai 2017, un « Cas Bettiche Amina » est signalé au cours de la secondé réunion du nouveau bureau fédéral. Amina Bettiche n’en ferait qu’à sa tête.
Abdelkrim Sadou, le Directeur Technique National, nommé par le président à la place de Boubrit, informe les membres du bureau que l’athlète Amina Bettiche a raté deux contrôles anti-dopage et qu’elle avait quitté le stage  de demi-fond organisé à Sétif sans avertir les responsables.
Puis, qu’elle se serait rendue à Ifrane au Maroc de son propre chef. Il est de notoriété publique qu’Ifrane est un des hauts lieux de la préparation en altitude. Ce lieu est aussi connu pour avoir abrité beaucoup d’athlètes marocains contrôlés positifs. Cette remarque a aussi été opposée aux responsables du MCA dont les athlètes y avaient élus domicile. Amina Bettiche est sociétaire du Groupement Sportif des Pétroliers, une association sportive omnisport née de la séparation du football d’avec les autres disciplines sportives.
Le DTN, ainsi que cela est inscrit dans le procès-verbal n°02/2017 de la réunion tenue le 03 mai 2017, a  proposé de convoquer l’athlète et les responsables de son club pour plus d’informations.
Depuis aucun PV de réunion, permettant de connaître les suites réservées à cette affaire, ne figure sur le site de la FAA qui ne publie que le PV n°03/17 de la réunion du 30 mai 2017.
Si ce n’est que ce même PV n° 03 informe qu’Amina Bettiche a accompli des performances « acceptables » aux jeux de la solidarité islamique de Bakou (record national) dans un contexte très délicat à appréhender sur une base de suspicions de dopage, celui des « no shows » et du partenariat avec Aden Jama et d’autres entraîneurs.


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