Le docteur Dupré explique que souvent
« on ressort un médicament prescrit pour soigner une «
bricole », et on se retrouve positif, parce qu'on l'utilise, alors que l'ordonnance est datée ». Cette
pratique, cette habitude ancrée dans l’esprit du citoyen lambda confronté au
pharmacien, vendeur de produits aux prix exorbitants et hors de portée des
bourses, est préjudiciable aux sportifs. La réutilisation d’un médicament
est une épée de Damoclès en permanence
suspendue au-dessus de leurs têtes.
On doit savoir que, du point de vue de la réglementation et de la
jurisprudence dans le domaine de la lutte antidopage, le sportif n’a pas le
droit, quelles que soient les circonstances, de recourir à l’automédication.
Toute prise médicamenteuse, à laquelle il serait obligé, doit l’être sous la
couverture scrupuleuse d’une prescription médicale préalable pour un sportif de
niveau international.
De plus, pour ce qui le concerne spécifiquement (bien que cette
disposition soit valable pour n’importe quel malade), le traitement ne doit pas
être prolongé au-delà de la durée prescrite par le médecin. Au cours des dernières années, des athlètes
français ont été suspendus pour s’être retrouvés dans ce type de situation
faisant partie pourtant des normes sociales. Des situations constatées ici
comme là-bas.
Pour le médecin-référent de la ligue régionale, il n’y a qu’un pas de
la conduite dopante au dopage. Ce passage se traduit par deux
changements qui se situent essentiellement au niveau du dosage et de la
répétition des prises médicamenteuses.
Comme nous l’avons précédemment indiqué, le commentaire du docteur
Dupré ne s’attache pas à cerner le cas Tayeb Kalloud. Ses déclarations ont été
recueillies après l’annonce du cas Es-Sraidi. Mais, une partie de l’argumentaire
développé pourrait être employé dans une tentative d’explication, alliant dans
un même mouvement de compréhension rétrospective et de généralisation, des
contrôles positifs.
En l’absence d’informations susceptibles d’expliquer l’ « égarement »
et les motivations d’Es Sraidi, le docteur Dupré tente un essai d’explication
sociologique qui pourrait être applicable à la situation sociale vécue par
Kalloud et par la majorité des athlètes algériens pris dans les mailles du
filet.
Le comportement des athlètes ne serait pas toujours lié à des
motivations financières, à l’appât du gain qui serait à l’origine du dopage des
grands champions internationaux. Pour sa part, le docteur Dupré apporte
quelques éléments d'explication qui nous semble intéressant.
Elle résume son opinion, incluant probablement le cas Es-Sraidi, dans
une formule qui serait à la fois prosaïque et savoureuse dans le raccourci
qu’elle propose si elle n’apportait pas un éclairage troublant sur une
situation de précarité sociale indicible : « Ce n'est pas pour
gagner plus d'argent, c'est simplement pour « croûter ». Il y aurait
ainsi deux explications des tricheries : un dopage des riches et un dopage
des pauvres.
La formulation du docteur Dupré, dans sa sobriété langagière brutale,
met en évidence (lors d’une réflexion sur le sujet) l’existence de forçats de
la course à pied qui seraient visibles dans les parcours de cross et sur le
bitume des courses sur route se
disputant en France et en Europe.
En raison de la multiplicité de leurs participations, ils seraient en
quête non pas du Saint Graal, objet de la convoitise des chevaliers de la Table
Ronde du roi Arthur, mais en course pour remporter (selon une expression
populaire française crue, présentement objet de mode sur les réseaux sociaux) les
paniers de victuailles remplis de saucissons et de bouteilles de vin proposés
aux vainqueurs des courses populaires organisées dans les villages de province.
Dans le meilleur des cas, ceux concernant des épreuves un peu plus huppées,
détentrices de quelque notoriété régionale ou nationale, quelques centaines
d’euros seront engrangés.
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