mardi 19 juin 2018

Ali Saidi-Sief (40), Se doper pour « croûter »


Le docteur Dupré explique que souvent  « on ressort un médicament prescrit pour soigner une « bricole », et on se retrouve positif, parce qu'on l'utilise, alors que  l'ordonnance est datée ». Cette pratique, cette habitude ancrée dans l’esprit du citoyen lambda confronté au pharmacien, vendeur de produits aux prix exorbitants et hors de portée des bourses, est préjudiciable aux sportifs. La réutilisation d’un médicament est  une épée de Damoclès en permanence suspendue au-dessus de leurs têtes.

On doit savoir que, du point de vue de la réglementation et de la jurisprudence dans le domaine de la lutte antidopage, le sportif n’a pas le droit, quelles que soient les circonstances, de recourir à l’automédication. Toute prise médicamenteuse, à laquelle il serait obligé, doit l’être sous la couverture scrupuleuse d’une prescription médicale préalable pour un sportif de niveau international.

De plus, pour ce qui le concerne spécifiquement (bien que cette disposition soit valable pour n’importe quel malade), le traitement ne doit pas être prolongé au-delà de la durée prescrite par le médecin.  Au cours des dernières années, des athlètes français ont été suspendus pour s’être retrouvés dans ce type de situation faisant partie pourtant des normes sociales. Des situations constatées ici comme là-bas.

Pour le médecin-référent de la ligue régionale, il n’y a qu’un pas de la conduite dopante au dopage. Ce passage se traduit par deux changements qui se situent essentiellement au niveau du dosage et de la répétition des prises médicamenteuses.

Comme nous l’avons précédemment indiqué, le commentaire du docteur Dupré ne s’attache pas à cerner le cas Tayeb Kalloud. Ses déclarations ont été recueillies après l’annonce du cas Es-Sraidi. Mais, une partie de l’argumentaire développé pourrait être employé dans une tentative d’explication, alliant dans un même mouvement de compréhension rétrospective et de généralisation, des contrôles positifs.

En l’absence d’informations susceptibles d’expliquer l’ « égarement » et les motivations d’Es Sraidi, le docteur Dupré tente un essai d’explication sociologique qui pourrait être applicable à la situation sociale vécue par Kalloud et par la majorité des athlètes algériens pris dans les mailles du filet.

Le comportement des athlètes ne serait pas toujours lié à des motivations financières, à l’appât du gain qui serait à l’origine du dopage des grands champions internationaux. Pour sa part, le docteur Dupré apporte quelques éléments d'explication qui nous semble intéressant.

Elle résume son opinion, incluant probablement le cas Es-Sraidi, dans une formule qui serait à la fois prosaïque et savoureuse dans le raccourci qu’elle propose si elle n’apportait pas un éclairage troublant sur une situation de précarité sociale indicible : « Ce n'est pas pour gagner plus d'argent, c'est simplement pour « croûter ». Il y aurait ainsi deux explications des tricheries : un dopage des riches et un dopage des pauvres.

La formulation du docteur Dupré, dans sa sobriété langagière brutale, met en évidence (lors d’une réflexion sur le sujet) l’existence de forçats de la course à pied qui seraient visibles dans les parcours de cross et sur le bitume des  courses sur route se disputant en France et en Europe.

En raison de la multiplicité de leurs participations, ils seraient en quête non pas du Saint Graal, objet de la convoitise des chevaliers de la Table Ronde du roi Arthur, mais en course pour remporter (selon une expression populaire française crue, présentement objet de mode sur les réseaux sociaux)  les paniers de victuailles remplis de saucissons et de bouteilles de vin proposés aux vainqueurs des courses populaires organisées dans les villages de province. Dans le meilleur des cas, ceux concernant des épreuves un peu plus huppées, détentrices de quelque notoriété régionale ou nationale, quelques centaines d’euros seront engrangés.

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