lundi 29 février 2016

Sport en mutation (5), Le professionnalisme de façade

L
a dernière décennie du 20ème siècle marque les esprits et la mémoire des sportifs algériens. Les exploits s’accumulent à ce  niveau mondial qui avait été juste effleuré pendant la « Réforme sportive ». Celle-ci a permis cependant de poser les bases idéologiques, organisationnelles et infrastructurelles d’un mouvement précédemment quasi-inexistant.
Le sport qui n’était qu’une forme décriée de loisirs, difficilement acceptée par une population (à majorité rurale) dont les besoins primaires (tels que définit par A. Maslow) sont, au sortir d’une guerre de libération ayant bouleversé les modes de vie, des plus pressants est devenu un élément incontournable de la société algérienne déboussolée par les multiples changements qui lui sont imposés.
Bien que non listé parmi les « constantes », il en devient cependant l’étendard et souvent même un des symboles de la souveraineté nationale que l’on exhibe en toutes occasions. Ses résultats, ses réalisations infrastructurelles sont brandis presque au même titre que l’emblème ou l’hymne national. Le déchirement sanglant de la décennie 90 est surmonté en partie par l’adhésion unitaire qu’apportent les performances sportives de ceux et celles considérées comme ces « héros de la Nation » qui renvoient à d’autres pays et d’autres temps. Alors que le sport est moribond.
Lorsqu’est abordé le 21ème  siècle, la loi sur l’éducation physique et sportive (2004) est promulguée. Elle déclenche une « rupture épistémologique» qui connaitra une seconde avancée avec la loi de 2013 portant sur les activités physiques et sportives. La loi algérienne reconnait alors deux formes très distinctes de pratiques sportives et légalise le « sport professionnel » en créant des personnes morales - sociétés sportives commerciales ayant le statut de société sportives par actions (SSPA) ayant juridiquement le droit de faire des bénéfices et de distribuer des dividendes) - et des clubs sportifs amateurs (CSA).
La privatisation, érigée en dogme dans la sphère économique, atteint maintenant de plein fouet le système sportif. Il s’agit en fait de la poursuite de la politique de désengagement de l’Etat entamée aux débuts des années 90 qui autorise les opérateurs économiques du secteur privé (sans l’interdire expressément à ceux du secteur public) à investir dans le domaine du sport. Les pouvoirs publics conservent la main sur le sport amateur (ayant le statut d’activités à caractère social et public) mais aussi sur la gestion des équipes nationales.
Répondant à l’insistance des dirigeants du football (essentiellement ceux des clubs les plus réputés et ceux de la fédération s’inscrivant dans une perspective d’émancipation de la tutelle étatique), la nouvelle législation avait pour ambition première d’alléger le fardeau que faisait peser la gestion du sport-roi de haut niveau sur les finances publiques et le mouvement sportif national. Ce sont les autres disciplines sportives (enkystées dans l’amateurisme et persistant dans les réflexes d’antan du « professionnalisme de façade ») qui en ont indirectement payé le prix fort. Le football bénéficie de dérogations qui ne sont pas élargies aux autres disciplines.

Les dérives des gestionnaires du football (salaires mirifiques, prises en charge logistique luxueuses, irrespect du code du travail et des assurances sociales, infractions à la réglementation fiscale, mésusage des règles footballistiques, etc.) ont amené ces dirigeants à tenter de revenir dans le giron de l’Etat protecteur et salvateur tout en préservant leur autonomie. Alors que la fédération, s’appuyant sur les importantes rentrées financières qu’induit le sponsoring depuis les exploits de équipes nationales s’étant qualifiées aux Coupes du monde de 2010 et 2014), se désiste des subventions publiques, les clubs des Ligues professionnelles 1 et 2 quémandent auprès des pouvoirs publics des terrains d’assiettes au dinar symbolique, la prise en charge de la réalisation de centres de formation et de préparation inexistants jusqu’à aujourd’hui et un soutien financier pour la prise en charge des charges de logistique détournés ouvertement afin de régulariser les salaires perpétuellement en instance des différents staffs (joueurs, entraineurs et autres employés de la SSPA). Les plus influents sollicitent même que leurs SSPA soient affectées à des entreprises publiques…. comme au temps de la « Réforme sportive ».

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