Les effets pernicieux de cet accompagnement médicamenteux peu
médiatisé ne seront portés à la connaissance du grand public que lorsque quelques
stars sportives populaires seront confrontés aux ennuis de santé de leurs
progénitures (malformations et handicaps divers), pousseront un cri de
désespoir et solliciteront le soutien des pouvoirs publics.
Ces joueurs de football, membres des équipes nationales ayant
participé aux Coupes du monde de 1982 et 1986 ou celle qui remporta la Coupe
d’Afrique de 1990, touchés dans ce qui leur est le plus cher, pointeront d’un
doigt timide les responsabilités. Le voile est déchiré par ceux dont la voix
est audible.
Dans le discours devenu routinier dans la bouche des techniciens, la
« scientifisation » de la préparation des athlètes de
haut niveau appelés à se disputer les titres mondiaux et olympiques ou les
médailles internationales passe obligatoirement par un certain nombre de
préalables méthodologiques et logistiques dont ceux liés à la récupération des
efforts consentis lors de l’entraînement ainsi qu’à la compensation des
carences vitaminiques et minérales survenant à la suite d’une alimentation
quantitativement insuffisante et qualitativement inappropriée pour une pratique
sportive astreignante.
L’inconvénient majeur est que ces produits de compensation ne sont pas
d’accès aisé, disponibles à profusion et
à portée de mains de n’importe quel quidam.
L’absence de production nationale, les difficultés d’importation
légale semblent avoir remis à la mode la période du trabendo popularisé par les
cabas. Cette fois- ci, ce ne sont plus
les cabas de chez Tati qui sont en vogue mais ceux des sportifs vecteurs
publicitaires non rémunérés par Adidas, Puma, Nike, Diadora, etc.
Les entraîneurs (et les athlètes à leurs suites) entrent donc de
plain-pied dans le cercle infernal de la complémentation alimentaire, de la
préparation biologique, sur le marché de la pharmacopée lui aussi régulé par « la main invisible »
orientant habituellement les marchés financiers et des matières premières
conduisant au bout du compte à toutes les formes de spéculation et au dopage
défini comme étant l’utilisation de substances et de méthodes incompatibles
avec la réglementation sportive.
La compréhension de ce phénomène social qu’est le dopage est difficile
si l’on ne prend pas en compte (au-delà des autres considérations
psychosociologiques habituellement citées), la somme d’entraînement qui n’est
plus celle du sportif amateur. Le dopage est un adjuvant. Il ne dispense pas de
l’entrainement forcené.
Toutes proportions gardées, et dans une forme que nous voulons
caricaturale pour mettre au premier plan l’aliénation des coureurs devenus
esclaves du système, le jeune sportif qui veut percer se retrouve dans une
situation que l’on pourrait comparer à celle de Charlie Chaplin dans le film
« Les Temps modernes » ou celle de l’ouvrier spécialisé
- employé dans une usine conçue selon les règles de fonctionnement du
taylorisme, du behaviorisme et de l’OST (organisation scientifique du travail)
dans ses différentes versions chronologiques - lié, pendant les horaires
légaux, à une machine de plus en plus automatisée imposant des cadences
infernales programmées dans les bureaux de consulting.
Pour s’extirper du lot, de plus en plus dense, le champion est
contraint à subir une sorte de double vacation aliénante (10 à 12 séances hebdomadaires),
physiquement et psychologiquement insoutenable, imposée par l’organisation scientifique de
l’entrainement promu comme modèle sportif de réalisation de performances dont
les frontières humaines sont constamment repoussées.
Selon des entraîneurs, préoccupés par les méfaits du dopage et des
effets de cette pratique sur le niveau des performances, l’un des indices
pouvant laisser supposer à l’utilisation d’une aide pharmacologique est celui
d’une progression chronométrique importante réalisée en un court laps de temps.
La mise en relation de la progression et du temps est à la fois
tentante et délicate. Elle n’est certainement pas déterminante tout en
aiguisant les suspicions.
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