dimanche 25 septembre 2016

Polémiques (18), Brahmia et la captation d’athlètes

Pendant les années 80, les responsables locaux de l’athlétisme étaient pris entre deux feux. Le premier était l’expression d’un sentiment de satisfaction consécutif à la réussite sportive et sociale de leurs poulains et un sentiment de frustration (et quelque fois même de colère à peine retenue) né du peu de reconnaissance qui leur était accordée.

La cécité ne doit pas nous envahir. Les efforts de tous avaient porté leurs fruits et permis l’émergence de pôles de  développement régionaux, qui ne disaient pas leurs noms, au niveau des chefs-lieux de région ou de wilayas. Ces fameux pôles qu’après un quart de siècle de destruction certains voudraient relancer.

Amar Brahmia, plus que les autres DTS des grands clubs algérois de l’époque (Khaled Aït Idir à la DNC Alger puis à l’OCA ou Abdenour Belkheir au CR Belcourt), était l’objet de vives critiques. Sans doute parce qu’il s’accaparait essentiellement des coureurs de demi-fond tandis que les autres clubs étaient plutôt portés vers les lancers et les sauts nécessitant des moyens financiers et logistiques que les clubs de l’intérieur du pays ne pouvaient offrir aux athlètes.

C’est du côté d’Annaba (ville et région à laquelle il s’identifiait), de Batna (où œuvrait alors Pyotr Bolotnikov, médaillé d’or du 10 000 mètres des jeux olympiques de Rome 1960) et de Sétif qu’Amar Brahmia avait mauvaise presse. Il était le représentant, le symbole de la « captation d’athlètes », celui qui était dénigré en permanence. Il est à noter que ce phénomène est apparu avec acuité dès le début des années 80, Brahmia était encore athlète et comptait parmi les meilleurs coureurs algériens de demi-fond.

Les plus anciens de nos lecteurs le situerons dans un contexte de transition sociale, économique et politique, celle d’une pérestroïka à l’algérienne menée au pas de charge par le président Chadli et son premier ministre Abdelhamid Brahimi (« Brahimi la science »). Une politique de désengagement de l’Etat qui conduira, après les événements d’Octobre 1988, au multipartisme et à la libéralisation de l’économie via les organismes de gestion des « capitaux marchands de l’Etat ». Cette nouvelle perspective idéologique vise, nous reprendrons ici les propos de Saïd Lounnas pour ce qui concerne la politique sportive, « l’atteinte de l’excellence et du haut niveau », en un mot la performance et la rentabilité.

Le cadre juridique et réglementaire (« La Réforme sportive ») du système national sportif s’appuyait sur un financement par l’Etat et les sociétés nationales qui se transformeront en entreprises publiques socialistes (nationales et locales). Les conglomérats industriels étant progressivement démantelés et les entreprises locales (conduites à la dissolution) au nom du principe nodal du « recentrage sur le corps de métiers », délaissent les activités non essentielles à leurs fonctionnements (transport, restauration confiées à des entreprises sous-traitantes issues de la restructuration des entreprises-mères). Le financement du sport et des associations sportives fit partie des premières cibles.

Dans un contexte de diminution de ressources financières, les sociétés nationales ont, lentement mais inéluctablement, cessé de prendre en charge les associations périphériques, celles de l’intérieur du pays, conservant dans leurs « patrimoines sportifs» les associations de la capitale. La Sonatrach (la société nationale pétrolière) elle-même lâchera (en gardant bien évidemment le foot-roi) les sections d’athlétisme (et les autres disciplines dites mineures) créées au niveau des pôles régionaux (Mouloudia d’Oran, Entente de Sétif).

La course a été pendant très longtemps (malgré l’ouverture vers les disciplines techniques) l’essence même de l’athlétisme algérien. Pour l’Est algérien, quatre villes (les chefs-lieux des départements à l’Indépendance : Constantine, Batna, Annaba et Sétif) en étaient la vitrine. Pour des considérations sociologiques, Batna et Sétif ont alimenté les corps constitués : Batna et les Aurès se dirigeant vers l’armée (EMEPS) et Sétif vers la police nationale (ASSN). Nous avons simplifié à outrance les flux sportifs qui reflètent cependant une tendance.  Annaba, par un curieux hasard, avait les yeux dirigés vers le Mouloudia qui en son sein comportait de nombreux cadres originaires de cette région (le département d’Annaba au recouvrement de la souveraineté nationale) qui comprend les wilayas de Tarf, Souk Ahras et Guelma.

Le retrait des sociétés nationales a entraîné la régression de la prise en charge. Annaba qui nous intéresse aujourd’hui, avec l’arrivée d’Amar Brahmia dans l’association sportive de la compagnie pétrolière, est devenue le terrain de chasse du Mouloudia. Pourtant, Annaba, avec le gigantesque complexe sidérurgique d’El Hadjar, arrivait à former de beaux bataillons d’athlètes qui, ayant atteint le niveau national, quittaient le SR Annaba puis ensuite Prosider Annaba.  


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