Pendant les années 80, les responsables locaux de l’athlétisme étaient
pris entre deux feux. Le premier était l’expression d’un sentiment de
satisfaction consécutif à la réussite sportive et sociale de leurs poulains et
un sentiment de frustration (et quelque fois même de colère à peine retenue) né
du peu de reconnaissance qui leur était accordée.
La cécité ne doit pas nous envahir. Les efforts de tous avaient porté
leurs fruits et permis l’émergence de pôles de développement régionaux, qui ne disaient pas
leurs noms, au niveau des chefs-lieux de région ou de wilayas. Ces fameux pôles
qu’après un quart de siècle de destruction certains voudraient relancer.
Amar Brahmia, plus que les autres DTS des grands clubs algérois de
l’époque (Khaled Aït Idir à la DNC Alger puis à l’OCA ou Abdenour Belkheir au
CR Belcourt), était l’objet de vives critiques. Sans doute parce qu’il
s’accaparait essentiellement des coureurs de demi-fond tandis que les autres
clubs étaient plutôt portés vers les lancers et les sauts nécessitant des
moyens financiers et logistiques que les clubs de l’intérieur du pays ne
pouvaient offrir aux athlètes.
C’est du côté d’Annaba (ville et région à laquelle il s’identifiait),
de Batna (où œuvrait alors Pyotr Bolotnikov, médaillé d’or du 10 000
mètres des jeux olympiques de Rome 1960) et de Sétif qu’Amar Brahmia avait
mauvaise presse. Il était le représentant, le symbole de la « captation
d’athlètes », celui qui était dénigré en permanence. Il est à
noter que ce phénomène est apparu avec acuité dès le début des années 80,
Brahmia était encore athlète et comptait parmi les meilleurs coureurs algériens
de demi-fond.
Les plus anciens de nos lecteurs le situerons dans un contexte de
transition sociale, économique et politique, celle d’une pérestroïka à
l’algérienne menée au pas de charge par le président Chadli et son premier
ministre Abdelhamid Brahimi (« Brahimi la science »). Une politique
de désengagement de l’Etat qui conduira, après les événements d’Octobre 1988,
au multipartisme et à la libéralisation de l’économie via les organismes de
gestion des « capitaux marchands de l’Etat ». Cette
nouvelle perspective idéologique vise, nous reprendrons ici les propos de Saïd
Lounnas pour ce qui concerne la politique sportive, « l’atteinte de
l’excellence et du haut niveau », en un mot la performance et la
rentabilité.
Le cadre juridique et réglementaire (« La Réforme sportive »)
du système national sportif s’appuyait sur un financement par l’Etat et les sociétés
nationales qui se transformeront en entreprises publiques socialistes (nationales
et locales). Les conglomérats industriels étant progressivement démantelés et
les entreprises locales (conduites à la dissolution) au nom du principe nodal
du « recentrage sur le corps de métiers », délaissent
les activités non essentielles à leurs fonctionnements (transport, restauration
confiées à des entreprises sous-traitantes issues de la restructuration des
entreprises-mères). Le financement du sport et des associations sportives fit
partie des premières cibles.
Dans un contexte de diminution de ressources financières, les sociétés
nationales ont, lentement mais inéluctablement, cessé de prendre en charge les
associations périphériques, celles de l’intérieur du pays, conservant dans
leurs « patrimoines sportifs» les associations de la
capitale. La Sonatrach (la société nationale pétrolière) elle-même lâchera (en
gardant bien évidemment le foot-roi) les sections d’athlétisme (et les autres
disciplines dites mineures) créées au niveau des pôles régionaux (Mouloudia
d’Oran, Entente de Sétif).
La course a été pendant très longtemps (malgré l’ouverture vers les
disciplines techniques) l’essence même de l’athlétisme algérien. Pour l’Est
algérien, quatre villes (les chefs-lieux des départements à
l’Indépendance : Constantine, Batna, Annaba et Sétif) en étaient la
vitrine. Pour des considérations sociologiques, Batna et Sétif ont alimenté les
corps constitués : Batna et les Aurès se dirigeant vers l’armée (EMEPS) et
Sétif vers la police nationale (ASSN). Nous avons simplifié à outrance les flux
sportifs qui reflètent cependant une tendance. Annaba, par un curieux hasard, avait les yeux
dirigés vers le Mouloudia qui en son sein comportait de nombreux cadres
originaires de cette région (le département d’Annaba au recouvrement de la
souveraineté nationale) qui comprend les wilayas de Tarf, Souk Ahras et Guelma.
Le retrait des sociétés nationales a entraîné la régression de la
prise en charge. Annaba qui nous intéresse aujourd’hui, avec l’arrivée d’Amar
Brahmia dans l’association sportive de la compagnie pétrolière, est devenue le
terrain de chasse du Mouloudia. Pourtant, Annaba, avec le gigantesque complexe
sidérurgique d’El Hadjar, arrivait à former de beaux bataillons d’athlètes qui,
ayant atteint le niveau national, quittaient le SR Annaba puis ensuite Prosider
Annaba.
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