Le message nationaliste de
Noureddine Morceli fut plus sobre, plus nuancé tout en baignant dans
l’ambigüité. Il se traduisit, après une victoire dans un meeting du Grand Prix
IAAF, devant les caméras, répercutant sur les écrans de télévision du monde
entier, l’image inattendue d’une génuflexion. Un geste, surprenant pour les
téléspectateurs confrontés sur une piste d’athlétisme à un signe distinctif et ostentatoire
de l’Islam, qui est suivi par un tour d’honneur avec le drapeau national.
Ces deux gestes furent porteurs
d’une symbolique frappant les subconscients déroutés. Hautement symptomatiques,
ils furent antérieurs à la représentation, d’une portée quasi-messianique, de
Hassiba à Barcelone. C’est à Nice, entrée tardivement dans l’Hexagone, terre
électorale de la droite et de l’extrême droite française, patrie de
substitution des anciens colons et partisans de l’ « Algérie
Française », que Noureddine Morceli se révéla aux Algériens….et au
monde.
Son geste instinctif (il sera
repris par la suite par les Maghrébins dont Hichem El Gueroudj) fut ambivalent.
Déroutant l’opinion internationale, il fut reconnu et encensé par toutes les
parties algériennes qui n’étaient pas encore en formation de combat. Avant que
les événements douloureux n’occupent les colonnes de la presse et que son échec
barcelonais ne soit vécu comme une trahison par les « nationalistes
éradicateurs » et une victoire par les autres.
Deux faits importants et
explicatifs (sa blessure au cours d’un stage au pays des Incas offrant des
sacrifices humains à leurs dieux et le retard occasionné à sa préparation qui
s’ensuivit) furent sciemment occultés, pour de multiples raisons, par les
analystes sportifs et politiques de l’époque.
Les Jeux Olympiques de Barcelone,
vécus comme un échec, furent le déclencheur des réticences ultérieures
lesquelles furent suscitées puis vivifiées par les déclarations et agissements
controversés de certains membres de son proche entourage.
La disqualification morale qui
fut prononcée persista longtemps. Elle servit aussi les intérêts de certains
proches de Hassiba Boulmerka avant que cette dernière ne prit son émancipation.
Elle fut certes atténuée par le record du monde qu’il battit, quelques jours
après les Jeux.
Les titres mondiaux de Morceli,
ses records planétaires, son aisance à se défaire de ses adversaires frappèrent
l’imaginaire algérien et autorisèrent plus tard l’inversion plus tard. Mais,
son absence de parti-pris politique joua à la fois en sa défaveur et en faveur
de celle qu’on lui opposa constamment dans le milieu athlétique agité en
catimini par une guerre des clans qui ne disait pas encore son nom.
Hassiba, Noureddine puis Nouria
(médaillés d’or du 1 500 m respectivement aux Jeux Olympiques de 1992,
1996 et 2000) furent aussi, sans qu’ils en aient toutefois pleinement
conscience, les porte-flambeaux du nouvel ordre économico-politique national
naissant, véhiculé par une oligarchie, ressemblant très fortement à celle que
généra la pérestroïka soviétique qui lui
fut contemporaine.
Le nouvel ordre qui a pris son
essor aux cours de la première décade du mois d’octobre 1988 avec les émeutes
populaires précédant l’ « ouverture démocratique »
conduisit à la multiplication lapinière des associations à caractère politique et culturel.
La majeure partie d’entre elles étaient adossées viscéralement, pourrait-on
dire, à la religiosité rampante, à dominante rigoriste, à tendance guerrière
déployée depuis le Moyen-Orient et les contreforts de l’Himalaya, de cet
Afghanistan important et réexportant ses talibans, combattants de la foi.
Rétrospectivement, la fin de cette
année 1988 marque, sans contestation aucune, le début l’envol de Boulmerka et
Morceli. A l’exceptions de quelques observateurs, le fait passa inaperçu. La
communauté athlétique algérienne ne se rendit pas compte, sur le moment, que
l’histoire athlétique algérienne amorçait un tournant, et que ces deux
champions étaient représentatifs d’une exception. Beaucoup de jeunes sportifs étaient
susceptibles de percer. Il leur manquait si peu de choses pour franchir le cap.
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