lundi 5 mars 2018

Ali Saidi Sief (5), L’icône nationale et le harrag


En cette année 1988, Hassiba Boulmerka, tout juste âgée de 20 ans, se fit remarquer après avoir conquis les titres africains du 800 et du 1500 aux Championnats d’Afrique d’Annaba. Puis, elle confirma son entrée dans le monde restreint du niveau mondial lors de sa participation aux Jeux Olympiques de Séoul. Elle échoua cependant à obtenir la qualification aux finales des deux courses sur lesquelles elle avait été engagée (800 m   et 1 500 m).
Noureddine Morceli, quant à lui, plus jeune (18 ans seulement) que Hassiba, après s’être classé   honorablement (9ème) aux championnats du monde junior de cross-country à Auckland (Nouvelle Zélande), il est devenu vice-champion du monde (juniors) à Sudbury (Canada). Cette performance lui vaudra de faire partie de la délégation algérienne qui se rendit à Séoul. Il fit partie du groupe des jeunes athlètes talentueux invités par le CIO à assister aux Jeux Olympiques.    
Au cours des semaines qui suivirent les Jeux Olympiques de Séoul, le statut social de Hassiba changea. De simple « athlète de performance » qu’elle était, elle devint membre à part entière du groupe dit de l’EN, stationnée à demeure à Dely Ibrahim et autres lieux, aux petits soins de la fédération.
Avec, comme cela coule de source, un changement d’entraîneur. Le nouveau coach n’a pas encore fait ses preuves mais, la proximité de ce dernier avec les coulisses de la fédération aidant, elle reçoit les moyens logistiques dont elle ne disposait pas auparavant.
Les conceptions philosophiques de son entraîneur valent à l’athlète d’être visée par des accusations de dopage. La préparation biologique était entrée dans le discours de certains entraîneurs parmi les plus proches de la « fédé ». Pour faire la part des choses, Noureddine Morceli, en raison de ses exploits à répétition, n’échappa pas (plus tard) à des accusations identiques.
Son appartenance à ce groupe d’athlètes de « l’élite nationale » fait qu’elle est appelée, au cours des mois qui suivent, sous l’impulsion de son président de la FAA, à traduire sur le terrain (en attendant la promulgation d’une législation amendant très fortement l’encadrement juridique de la pratique sportive algérienne en lui donnant une orientation moins étatique) toutes les possibilités de marquer les imaginations en disposant des moyens financiers pour ce faire. Nous ne devons pas oublier que déjà s’annonce la crise financière qui conduira au P.A.S (pacte d’ajustement structurel).
Dans le même temps, ce qui deviendra dans le discours économico-politique dominant, « les capitaux marchands de l’Etat », regroupant un portefeuille d’entreprises publiques économiques mises sous la tutelle des fonds de participation, se délestent progressivement de l’ensemble des activités qui ne sont pas en relation directe avec les missions fondamentales des entreprises.
Les premiers dégraissages des EPE, supports financiers du mouvement sportif, concernèrent les ASP dont la pratique à la base du système organique fut fortement impactée. Cette législation sportive a contrario maintint puis accentua le soutien à la gestion étatique du haut et du très haut niveau. L’élite sportive est une arme médiatique mise au service du pouvoir.
Quant à Noureddine Morceli, il prend l’avion (en compagnie de Lotfi Khaida et de Réda Abdenouz) à destination du Riverside Collège, en Californie où l’attend une bourse d’études qui ne doit presque rien au microcosme athlétique national. Ce sont son proche entourage et les amitiés ou relations de son frère Abderrahmane et d’Amar Brahmia au sein  de l’athlétisme international qui facilitèrent le départ.
Nous dirons (en exagérant à peine) que Noureddine Morceli fut le premier « harrag » (brûleur de frontières) médiatiquement connu. Toutefois, à l’inverse des « harragas », Noureddine partit en totale conformité avec les règles du pays qui l’accueillit et formellement avec les règles algériennes de sortie du territoire national.

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