La voie des études universitaires ou de la formation professionnelle étant
fermée, Ali Saïdi-Sief n’avait que deux options. La première était le trabendo,
synonyme de débrouille, de commerce informel matérialisé par la vente de
cigarettes, de parfums, de gadgets et babioles en tous genres importés de Chine
auquel s’adonnent les jeunes sans perspectives sérieuses d’avenir. Une voie qui
conduit également à toutes les déviances,
à tous les trafics. En fait, le trabendo a été la mise en visibilité de la
précarité, de ce qui deviendra le « commerce souterrain ».
La seconde option était un peu plus prestigieuse. Elle empruntait la
voie du sport de haut niveau. La course à pied lui tendait les bras avec
Hassiba Boulmerka (et les autres nombreuses stars locales) comme exemple vivant
et visible d’une certaine réussite sociale n’atteignant pas toutefois celle
réservée aux footballeurs.
Remarquons aussi qu’en choisissant la seconde option, Ali Saïdi-Sief
s’est inscrit dans la vision élitiste qui était alors celle prônée par les
pouvoirs publics et que portait à bouts de bras la fédération algérienne
d’athlétisme.
Pour pouvoir intégré cette élite nationale, le jeune Saïdi-Sief, savait
intuitivement (via les on-dit si nombreux) qu’il empruntait, dans ce magma qu’était
la répartition incomprise des missions contenues dans la loi, le raccourci vers
la gloire sportive proposé aux jeunes sportifs talentueux, de toutes les
disciplines sportives et de tous
horizons, par le Mouloudia d’Alger.
De tous temps (en vérité depuis 1976 et l’avènement de la réforme
sportive qui conditionna plusieurs générations de sportifs), le Mouloudia (club
omnisports parrainé par la Sonatrach, la puissante compagnie pétrolière
nationale productrice de l’essentiel des ressources financières du pays et de
99% du PIB national) a offert le must en
matière de prise en charge des jeunes talents et des sportifs confirmés.
Cette prise en charge n’avait rien à envier à celle de la fédération
perçue comme une institution toute puissante, dominatrice. Bien au contraire, le
Mouloudia fut en permanence jalousé par des techniciens et gestionnaires
fédéraux envieux, aigris n’ayant pas su contracter de bonnes relations
interpersonnelles et inter-structurelles avec le club pétrolier. La perspective
d’une complémentarité profitable à toutes les parties a souvent été une vue de l’esprit
pour des responsables plutôt enclins à entretenir les relations conflictuelles,
une rivalité qui n’avait pas lieu d’être.
Dépendante des subventions accordées par la puissance publique, la
fédération avait mis en place un modèle qui dura longtemps, quelques trois
décennies. Au point qu’il conditionne jusqu’à aujourd’hui les esprits et les
attentes. Les jérémiades continues des athlètes et des entraîneurs, matraqués
par les récits des avantages accordés par le club mouloudéens et assommés par
la léthargie fédérale, en sont la meilleure preuve qui puisse être donnée.
En sa qualité de plus grand club du pays, le Mouloudia d’Alger (et ce avant
même qu’il ne devienne le GSP, le Groupement Sportif des Pétroliers,
association sportive omnisports née de la scission d’avec la section football)
a toujours été l’antichambre des équipes nationales.
Il ne serait à peine exagéré d’affirmer que, au cours de certaines
périodes, le Mouloudia se confondait avec les représentations nationales. En des
temps difficiles, quand la guerre des égos, la lutte pour le pouvoir sportif ne
se manifestait pas par des clivages, il a été le substitut idéal aux
insuffisances financières de la fédération qui récoltait les fruits d’une
politique qui n’a pas été la sienne et dont elle n’avait en définitive pas les
moyens.
Ammar Brahmia (alors directeur technique sportif du MCA et manager de
Morceli) avait repéré le jeune constantinois. En premier lieu, il lui ouvrait,
toutes grandes, les portes du professionnalisme à la mode étatique. Ensuite, il
lui entrouvrait celles du professionnalisme libéral entrevu et rodé pendant
l’épopée de Noureddine Morceli.
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