mardi 3 avril 2018

Ali Saidi Sief (19), Chevauchée temporelle


Quant aux arts martiaux, ils s’étaient été transformés, gommant impitoyablement les philosophies accompagnatrices de spiritualités existantes dans leurs biotopes d’origine, en sports utilitaires. Dès la décennie 1980, ils furent un instrument d’embrigadement et de préparation physique des acteurs (et futurs acteurs) des maquis armés islamistes.
Puis, l’essor fulgurant de la pratique (satisfaisant le goût immodéré pour des statistiques réductrices) semble  indiquer la présence d’autres dimensions dont celle de l’élévation (par l’enseignement à de jeunes enfants) des arts martiaux au rang de moyens de défense et de survie, difficilement assurées dans le cadre de l’ordre public.
Les « écoles » issues de ce mouvement multiplié et diversifié à l’infini, l’apparition d’arts martiaux inconnus ou du moins confidentiels s’inscrivent au plus près de la perspective philosophique se dégageant du corpus juridique en vigueur au cours de la décennie 1990.
Elles chevauchent la vision socialisante (mise à disposition des infrastructures étatiques, auberges de  jeunesse, maisons de jeunes, salles omnisports, terrains de jeux, etc.). Elles ouvrent la voie à la « bazarisation » perceptible dans la présence d’un « Maître » empochant les frais d’adhésion et les cotisations.   
C’est dans ce contexte général (décrit à grands traits et proche de la caricature) qu’Ali Saïdi-Sief apparait aux championnats d’Algérie junior de cross-country de la saison 95-96. Nous lui avons consacré une chronique (cf. « Sous l’olivier n°272. Jeunes talents (4). De l’Olympe au royaume d’Hadès » du 21 mars 2016).
Rien ne prédestinait Ali Saïdi-Sief ni à la gloire éphémère ni à la chute abyssale qui furent les siennes. Comme  jadis les sénateurs exclus des cercles romains du pouvoir, il apprit à ses dépens que « la roche Tarpéienne est proche du Capitole ».
Plus prosaïquement, enfermé dans sa bulle hermétique, il n’avait pas perçu que, dans la vie normale (celle qui se déroule en dehors des stades et des centres d’entraînement), dans un système impérial, la frontière est ténue entre les louanges populaires et les vociférations populistes.
Pour son malheur, Ali Saïdi-Sief (dont la scolarité fut, à l’instar de beaucoup d’athlètes d’élite, des plus courtes) ne pouvait retenir des leçons d’histoire qui ne furent jamais prodiguées dans les établissements scolaires de Hamma-Bouziane où il a grandi et au sein desquels les références à la culture gréco-romaine sont absentes.
D’ailleurs, aurait-il pu en prendre connaissance dans son immersion au sein d’un environnement où les récits mythologiques de l’Antiquité grecque et romaine ne sont plus enseignés par le système socio-éducatif algérien ?
Ces référentiels culturels exogènes renvoient (dans l’esprit des pédagogues contemporains oublieux de la part importante d’enrichissements cognitifs et philosophiques apportés à l’ « âge d’or » de l’Islam par Platon, Socrate, Aristote, Marc Aurèle, etc.) à une de ces périodes d’obscurantisme préislamique, antérieure à la Révélation du message divin, que le soumis à Allah devrait, selon leurs prescriptions, rejeter.
L’Histoire enseignée survole aussi les faits contenus dans les récits historiques enfantés par la période ottomane qui pourtant façonna fortement les traditions citadines de cette Constantine à la fois si proche et si lointaine (bien que distante d’à peine 8 kilomètres) de l’ancienne Hamma-Plaisance.
 L’ancienne Cirta, cité multimillénaire (plus de deux millénaires et demi se sont écoulés depuis son érection en tant que capitale de l’immense empire constitué par l’aguellid Massinissa) fut la capitale des royaumes numides alliés ou adversaires des contemporains des Césars successifs, maîtres de l’Empire romain dominant le bassin méditerranéen puis, au fil des siècles et des épisodes historiques, siège de multiples territoires régionaux.  
Elle devint une possession de l’empire ottoman qui fit de Hamma-Bouziane une immensité de jardins, de territoires, propriétés de l’aristocratie occupante appréciant les parfums de l’industrie artisanale productrice d’« el ma ouard », à partir de la distillation des pétales de rose.


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