Dans l’exposé que nous fit Mohamed
Hamouni, Noureddine Morceli (l’enfant du pays, de Sidi Akacha, près de Ténés)
était appelé aux plus hautes destinées sportives alors qu’il venait d’échouer
aux jeux olympiques de Barcelone. Selon son point de vue, Fatma-Zohra
Djami-Khedim (tenante du titre de championne d’Algérie de cross-country)
n’aurait qu’une gloire éphémère. Nous ne saurions dire si Mohamed Hamouni a
depuis théorisé, modélisé ce qui était alors une discussion fort utile de
compréhension socio-ethnologique du mouvement sportif. Entre amis.
La perception de Mohamed Hamouni
s’inscrivait (le savait-il ?) dans la démarche de Mouloud Mammeri
(écrivain et ethnologue) décrivant le fonctionnement culturel d’une tribu et
d’une famille maraboutique (les siennes enregistrant de nombreux poètes)
kabyles à travers également un triptyque
faisant apparaitre une hiérarchisation sociale mettant en évidence trois types
de sujets sociaux : l’ « amousnaw » (le
savant, le sage, détenteur d’un savoir religieux et d’une maitrise des
connaissances générales pouvant en faire l’aède, l’érudit, l’orateur partageant
un discours sublimant), « lequbaïli » (le lettré doté
de la compréhension des savoirs sacrés et profanes mais dépourvu de la capacité
de parole ) et l’ « argaz l’hali » (l’homme humble
capable de décrypter les codes de la société kabyle).
Un tel traitement
socio-ethnologique est difficile. Pour Amar Bouras, nous sommes confrontés à
l’absence de données pertinentes. Quant à Amar Brahmia, les informations sont incomplètes. A propos
de ce dernier, nous n’en savons
seulement que ce que, dans le cadre de sa défense face aux attaques médiatiques
portées contre lui pendant et après les jeux olympiques de Rio, il a bien voulu
dévoiler. Il a rappelé la réussite sportive, universitaire et professionnelle
de ses deux frères Abdelbaki et Nacer (coureurs
de 1500 mètres de notoriété nationale dans les années 80) et d’une
possible appartenance à l’univers chaoui.
A moins de se plonger dans les
études proposées par Boudjemaâ Haïchour (sociologue et ancien ministre
originaire d’Ain Abid dont la situation géographique en fait un point de
convergence entre les territoires de trois cités (Constantine, Oum El Bouaghi
et Guelma) sur les tribus chaouies et celles s’étant établies sur l’espace
oriental algérien, il est quasiment
impossible de se prononcer.
Pour Ahmed Mahour Bacha, cette
approche peut être plus fructueuse. Si l’on en réfère à l’histoire de l’Algérie telle qu’elle a été
écrite (dans son chapitre sur la période ottomane et les relations que les
Ottomans entretenaient avec les Berbères) par Mouloud Gaïd et d’autres auteurs.
On y apprend que l’Ojak, le corps
militaire des janissaires (faiseur et défaiseur de l’autorité beylicale) était constitué
d’enfants achetés (ou ravis) à leurs familles par l’armée ottomane dans
l’espace géographique constitué par l’Anatolie et les pays des Balkans
(Albanie, ex-Yougoslavie, ex-Tchécoslovaquie, une partie de l’Autriche, de
l’Italie) ou voisins - Grèce et iles de la mer Egée (Malte, Crète, Chypre) ou
de la mer Adriatique (Sicile, Corse).
Les contingents de janissaires
constamment renouvelés étaient formés de soldats célibataires ("sbentout")
formés spécialement pour l’art militaire et qui recevaient également une
formation à la maîtrise de certains métiers pouvant permettre aux janissaires
(en position de réservistes) de subvenir à leurs besoins et de participer à la
fonction d’intendance et de logistique du corps de l’Ojak. Il est à remarquer
que pour des raisons de politique ottomane, l’armée d’occupation de la terre
algérienne n’a pas comporté de contingents de janissaires recrutés dans la
population autochtone.
Ces janissaires, en dehors du
temps dû à l’Ojak, ont fondé naturellement des familles avec les autochtones.
Leurs enfants (les Kouloughli) n’ont jamais été intégrés dans la société
ottomane dominante et dans l’Ojak (les tentatives ont été réprimées dans le
sang) ni totalement absorbés par la population indigène.
Ils formaient une caste, un
groupe social intermédiaire entre les Ottomans et la population locale. Plus
proches de la branche maternelle que de la branche paternelle qui les rejetait,
ils vivaient cependant près des casernes (bordjs) marquant plus une présence
symbolique qu’une véritable colonisation, des relais reliant Alger (siège de la
Régence) aux autres grandes cités (Oran et Constantine) mais aussi centres de
collecte de l’impôt.
En 1830, les Turcs partis après
Sidi Ferruch et la reddition du bey d’Alger, les Kouloughli (indésirables dans
la branche paternelle) sont restés en
gardant le patronyme de leurs parents, représentatifs de la fonction exercée par
ces derniers dans l’Ojak. Cela donne, à titre d’exemple, les noms comportant un
préfixe (Bachtarzi, Bachtoubdji, Bachkhaznadji) ou une forme suffixale (Bacha,
Pacha, Khodja, etc.) ainsi que les Bestondji, Khaznadji, etc. qui perdurent
dans la patronymie algérienne à la sauce de l’Etat civil version française.
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