mercredi 21 septembre 2016

Polémiques (15), L’excellence vue par Lounnas

Saïd Lounnas, ancien DTN, ancien président de la FAA, ancien directeur central au MJS, nous a fait l’immense honneur d’apporter sa contribution - ayant pris la forme d’un commentaire à « Polémiques (5),La migration sportive » - à ces chroniques de la présente série qui tente de comprendre l’agitation des médias et des réseaux sociaux avant, pendant et après les épreuves d’athlétisme (une discipline dont le grand public, les médias et les pouvoirs publics attendaient beaucoup) figurant au programme des jeux olympique de Rio 2016.

Le texte de la contribution de Saïd Lounnas :

« Rien à redire sur la qualité de l'écriture d'un texte bien construit et réfléchi.
Pour autant, je ne partage pas cette vision manichéenne de l'histoire récente de sport et de l'Eps en Algérie
Les termes sont forts pour certains, voir abusifs et s'inscrivent même à contre sens de l'histoire mais il faudrait bien plus qu'un post sur Facebook pour épuiser le sujet. Toutefois je ne saurais laisser dire que Monsieur Bouras Ammar aurait spolié l'entraîneur de Boulmerka avec en sus la complicité de la FAA
La Faa avait fait des choix tant en matière d'organisation que de prise en charge des talents
Ces choix étaient clairement orientés vers l'atteinte de l'excellence et le haut niveau.
Dans cette vision, le système national des compétitions comme les ligues et clubs avaient pour principales missions la détection et la confirmation de jeunes talents
Cette approche s'inscrivait d'autant plus en rupture avec les pratiques antérieures qu'elle intégrait dans sa mise en œuvre la mobilisation d'un encadrement national de haut niveau formé sur les bancs des Instituts de formation nationaux tels que L'Ist et les Its.
Second point de rupture: il s'agissait de rompre la aussi avec une approche conceptuelle du sport qui posait comme postulat que le sport de haut niveau n'était qu'un sous-produit du sport de masse. A ce prix là pour faire dans la caricature, la Chine devrait depuis longtemps posséder les meilleurs cyclistes du monde. Il est aisé de constater que ce n'est toujours pas le cas
Pour conclure, j'assume totalement ces choix et ces orientations. Ils nous ont permis d'atteindre à l'excellence sportive ce qui était clairement le but que nous nous étions collectivement assigné en accord avec l'AG de la Faa (pour rappel 400 personnes et deux jours de travaux pléniers)
Enfin je ne saurai terminer sans remercier tous ceux qui ont pris part à la réalisation de ce programme, entraîneurs de clubs, dirigeants et officiels (au sens de juges et arbitres) ».

Le premier souvenir que nous avons de Saïd Lounnas se rapporte à une assemblée générale tenue au Centre familial de Ben Aknoun (fin 89-début 90) aux cours de laquelle deux des piliers (passés et présents) incontournables de l’athlétisme algérien (Ahmed Mahour Bacha et Kamel Benmissi) eurent des propos si passionnés, étaient si échauffés par leurs diatribes que nous avions vu le moment où ils sortiraient les couteaux ou les épées de leurs fourreaux pour porter le coup fatal à l’antagoniste.

La scène était si violente que nous avions cru que, pour notre première AG de la FAA, nous allions assister à un étripage à la sortie. Que nenni. Un peu plus tard, nous les retrouvâmes tous les deux, au Parc zoologique et des loisirs de Ben Aknoun, en train de se désaltérer, l’un assis en face de l’autre. Comme si rien ne s’était passé.

Saïd Lounnas est aussi passionné que le duo Mahour Bacha/Benmissi. Mais, il ne le laisse pas paraître. D’apparence glaciale, il est pourtant chaleureux (lorsqu’il laisse tomber le masque) sans être emporté par l’agitation qui marque la sphère athlétique. Saïd Lounnas est l’adversaire des excès. Il est la représentation, l’incarnation de l’Administrateur, rouage d’une Administration (celle d’antan) froide, rigide, conditionnée pour être au service du public, sans parti-pris, quelque fois même en totale déconnection de la réalité.

Nous avons eu la chance de rencontrer Saïd Lounnas et d’avoir pris part, au printemps 1990, lors de la première édition du Cross de la Jeunesse (Bouira), à une très longue et enrichissante discussion privée sur l’ « objectivité de l’information » au cours duquel il a milité pour un autre concept, celui de « neutralité ». Une notion qui, nous a-t-il semblé, expurge le discours de tous les éléments énonciatifs qui donnent vie et consistance à un article journalistique.

Rétrospectivement, nous sommes amenés à écrire que l’objectivité telle qu’appréhendée par Lounnas, la neutralité du discours s’inscrirait dans une accumulation de données brutes qui, comme un discours de l’ancien premier ministre, Ahmed Ouyahya, conduirait à la Vérité qui est celle de la  machine administrative ou celle que l’on trouve dans une dépêche de l’APS réduisant l’information journalistique à un seul genre d’écrit, le compte rendu. Une perception de l’information qui s’en tient à la première fonction des médias (informer) et l’ampute des autres dont celle ayant un lien avec les aspects pédagogique et cathartique. Une fonction qui est secondaire lorsqu’on lit un hebdo ou un blog.


Cette dualité entre l’écrit administratif (dans lequel Saïd Lounnas a atteint une certaine maîtrise) et un écrit à prétention journalistique, caractérisé par des termes « forts » et  « abusifs », exerçant une attraction sur le lecteur ennuyé, lassé par le premier, permet toutefois une tentative de tempérer une vision du sport national battu en brèche.

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