Malgré
l’écoulement du temps et l’éloignement de sa famille, Abdi Youcef, bien qu’il ait payé le prix fort
du dépaysement, estime qu’il a réussi son aventure australe. Il dit avec
pudeur : « je vis très bien et (….) rien ne me
manque ». Quand le
mal du pays le tenaille, il prend l’avion (avec femme et enfants) pour venir
humer l’odeur du genêt.
D’autres
athlètes plus âgés, dans la plénitude de leurs capacités athlétiques, ont
choisi de tourner leurs regards vers d’autres
horizons, vers le « Vieux continent » ou le « Nouveau
Monde » où ils s’installèrent définitivement. Gatte Ryad, ancien
membre du groupe constitué autour de Hassiba Boulmerka, en fait partie.
Il s’est installé, aux Etats-Unis où il a fait sa vie en épousant une Cubaine
(réfugiée à Miami) rencontrée au cours des stages organisés sur l’île castriste.
Ce furent
des émigrants au sens plein du terme. Ils préfigurèrent les « athlètes
migrateurs » d’aujourd’hui.
Ces anciens
athlètes se distinguent toutefois des athlètes appartenant à la nouvelle
génération. Ces derniers ont, pour l’heure, contrairement à leurs aînés auteurs
d’un choix cornélien. Ils font le grand écart entre les deux rives de la
Méditerranée. Un pied est sur le sol du pays qui les a vus naître et un autre là
où se déroule la majeure partie de leurs existences sportives. Là où ils
concourent régulièrement et où ils tentent de réaliser les minima de
participation aux compétitions internationales, en tant que représentants
algériens.
Ils attendent
(on ne doit pas en douter) des jours meilleurs perçus par le truchement d’un
changement de nationalité sportive. D’ailleurs, ces derniers mois, il n’y a
plus aucune gêne à exprimer cette tentation (motivée, expliquent les concernés
ou leurs proches, par les mensonges et les déclarations dilatoires,
l’indifférence générale des responsables et la déliquescence du mouvement
sportif national) sur les réseaux sociaux.
Les tabous
d’hier n’ont plus court. Ils ont été brisés par les norias d’universitaires de
tous profils, de médecins et par les hommes politiques évincés ou les opposants
au régime, et leurs proches familles.
Ce qui n’est
pas dit, c’est que dans les pays d’accueil, où les autochtones éprouvent les
pires difficultés à vivre, les athlètes vivotent sous un statut peu reluisant
qui souvent n’est guère éloigné de celui de SDF.
Ils y
échappent parfois grâce à la générosité et à l’assistance multiforme apportée
par d’autres sportifs émigrants, leurs aînés, leurs prédécesseurs plus ou moins
bien installés. Ces derniers reprennent le flambeau porté par les premières
générations d’émigrés. Ils se comportent en une sorte de relais, en acteurs de
la filière de l’entraide traditionnelle qui a accompagné les vagues migratoires
successives comprises entre l’après-seconde guerre mondiale et la fermeture des
frontières à l’émigration.
Le phénomène
des « athlètes migrateurs » est apparu, dans sa forme
organisée que l’on connait aujourd’hui, vers 2012. Il y a lieu de comprendre
qu’il s’agissait alors d’une émigration temporaire ayant pris deux
aspects.
Le premier
est celui emprunté par des athlètes perpétuant le mode organisationnel ayant eu
cours pendant la période étatique de l’histoire de l’athlétisme algérien.
Ils s’organisèrent en petits groupes afin de
participer à des tournées de compétitions hivernales et estivales leur offrant
l’opportunité de se frotter à une adversité prétendument plus forte que celle
qu’il serait possible de trouver dans les compétitions du pays, délaissées par
les athlètes émergents.
La situation
est cocasse. En effet, ces athlètes se retrouvent sur les mêmes pistes d’Europe,
participant à des meetings dont le niveau, la qualité ne répond pas toujours à
ce qu’ils avaient rêvés. Des compétitions nationales (françaises, allemandes,
suisse, italiennes, espagnoles, turques, etc.) à participation internationale
dont ils enrichissent le plateau en appauvrissant, dans la foulée, la
participation aux meetings algériens.
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