Hassiba Boulmerka est alors un
des symboles du sport soutenu par l’Etat. Après sa finale des JO de Barcelone, elle sera la version algérienne (popularisée
par les médias et les « replays » interminables de la
télévision Unique) de la « Marianne » de Delacroix,
celle que les amoureux des arts picturaux perçoivent entraînant les armées républicano-révolutionnaires
françaises à l’assaut des armées royalistes et impériales coalisées. L’ennemi
étant ici les groupes terroristes islamistes.
Sans contestation, elle devint le fleuron
sportif de la politique du « tout Etat » sécuritaire,
le porte-drapeau d’un emblème national
qui est de moins en moins représentatif d’une Histoire vaillante, d’une Algérie
dénigrée par tous y compris ses propres citoyens attérés.
Au contraire de Hassiba
Boulmerka, restée dans les girons fédéral et national, Noureddine Morceli devint le représentant
d’une perception philosophique tranchant avec un passé perdurant, avec les
principes d’une politique sportive, en place depuis le milieu des années 1970,
qui bientôt, après avoir atteint son apogée, se mettra en position
géostationnaire, avant de faire connaissance avec la gravité terrestre et
chuter comme la pomme de Newton.
Un amer retour à la réalité qui conduisit
progressivement vers ce présent dans lequel s’associent les méfaits du
népotisme, de l’incompétence, de la déprédation et de la prédation pour s’enfoncer
dans les affres de l’endettement.
Le processus
de réussite de Morceli (il faut l’admettre en dépit des discours tenus par les
partisans d’un récit réécrit à l’aune du révisionnisme sportif) appartint à une
vision alors naissante, minoritaire et tenue en laisse, celle du « compter
sur soi », qui se met en place.
Cette vision
s’oppose à la posture du « tout assistanat » qui fait
fureur dans l’ensemble de la société algérienne. Les sportifs ne pouvaient donc
en être exempts. Bien au contraire, ils en étaient les meilleurs représentants,
ceux qui la symbolisaient le mieux.
Morceli fut
aussi, à sa manière, un de ces pionniers de la conquête du « Nouveau
Monde », les Conquistadores en quête de l’Eldorado. Une conquête
qui aura pour remake la « Ruée vers l’or » qui fit que
le Far West, repoussant toujours plus loin, vers l’Ouest, en territoires amérindiens,
les frontières connues, cessa son avancée en arrivant sur les rives de l’Océan Pacifique.
Pour Noureddine, c’est à quelques
encablures des rivages de cet Océan, à
une centaine de kilomètres de Los Angeles, la « Ville des
Anges », que débuta réellement l’aventure sportive et son
ascension. Il s’est lancé dans une aventure qu’il doit affronter seul, assuré
du minimum.
Son exil triomphateur aux
Amériques sera, plus tard (après 1991), récupéré essentiellement par ses
proches qui formeront une sorte de cour, dans ce qui sera « le
groupe Brahmia »ou aussi appelé « groupe
Mouloudia ».
La puissance politique,
administrative avide de ces exploits indispensables pour l’écriture du récit national
historique de l’athlétisme idyllique pris aussi sa part. Dès les lendemains heureux
des championnats du monde de Tokyo, il fut inséré dans le giron de la compagnie
nationale pétrolière que faillit rejoindre Hassiba Boulmerka.
Il est à remarquer que, en dépit
des multiples appels du pied qui lui ont été faits pour rejoindre les rangs,
Noureddine Morceli conserva une indépendance intellectuelle et idéologique et surtout
une attitude de non-implication et de non-immixtion dans les affaires souvent
troubles qui ont agité le mouvement sportif. Cependant, l’enfant d’une fratrie
nombreuse, sans doute en contrepartie des divers avantages sociaux (primes,
logement, statut de conseiller des sports attribué aux deux champions du monde par
décret dérogatoire) octroyés par les représentants de l’Etat, laissa utiliser
son image de champion.
A cette époque de gloire
naissante, sans en faire part ouvertement, Noureddine était déjà agacé par les
exhibitions oratoires et posturales de son manager, Amar Brahmia.
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