mardi 26 mai 2015

Gestion des clubs, "C’est pas le moment !"

                                                                                                                                (

L’expression « c’est pas le moment » est savoureuse. On l’attend partout et pour n’importe quoi. Chaque fois que l’on veut renvoyer aux calendes grecques une activité ou la concrétisation d’une obligation que l’on sait être dans une impossibilité d’évitement. Un jour ou l’autre, dans une semaine, un mois, une année, inévitablement, on devra s’y consacrer, lui trouver la solution adéquate.
C’est aussi une formule que l’on retrouve dans les milieux du football de l’élite du football professionnel, chaque fois que l’équipe est en situation de crise….financière et ne peut donc assurer ses engagements envers d’abord les joueurs, puis envers les tiers créanciers. Une façon très raccourcie et allusive de dire « vous savez que nous pas les moyens. Nous vous payerons plus tard quand les subventions seront rentrées. Faites nous confiance ! ». Alors que la confiance n’est plus.
Un discours mimétique, emprunté à d’autres sphères sociétales que le milieu sportif, qui permet adroitement de faire taire les oppositions au nom de la cohésion sociale, de l’amour des couleurs que l’on voudrait préserver lorsque les temps sont durs et que les contradicteurs font pression.
Cette expression a été entendue, lue à au moins deux reprises ces derniers temps. La première fois dans la bouche d’Abdelkrim Raïssi, le PDG de la SSPA du MCA, lorsqu’un ancien responsable du club (Kaci Saïd) décida de faire exécuter une décision de justice qui lui était favorable. Sa décision fut ébruitée on ne sait par qui. Cependant, l’ancien joueur international et ancien manager ayant déclaré qu’il n’était pas à l’origine de la fuite (« je ne voulais pas que cette affaire s’ébruite pour qu’elle paraisse dans la presse »), on peut supposer à juste raison qu’elle le fut par la partie adverse.
Après avoir indiqué que la question sera examinée par la justice, le président Raïssi déclara à la presse que, cela est fort suggestif, « de toute façon, je pense que ce n’est pas le moment de faire un tel manège». Certains journalistes embarqués se sont engouffrés dans la voie ainsi ouverte en écrivant que le timing choisi (par Kaci Saïd ? Ou par l’auteur de la fuite) n’était pas le plus opportun car l’équipe préparait alors une rencontre très importante pour l’avenir du club algérois face au CRB. Comme si cela ne suffisait pas, notre confrère écrivit  « d’ailleurs, pour beaucoup, cette affaire n’avait pas lieu d’être à ce moment précis de la saison ».
C’est à peu de choses près la même argumentation qui fut proposée lorsque Omar Ghrib (un ancien président déchu du MCA, radié du mouvement sportif national pour avoir pris maladroitement la défense des intérêts du club) fit valoir ses droits à être payer pour ce qui lui était du. Le moment n’étant pas adéquat (difficultés de trésorerie et crise de résultats, etc. obligent), le débiteur (détenteur, a-t-on dit, d’une reconnaissance de dettes établie dans les règles de l’art) obtint gain de cause auprès des tribunaux. Les dirigeants mouloudéens étant restés sourd à la requête, Ghrib fit bloquer les comptes de la SSPA l’obligeant par ce moyen à payer instamment plus de 7 milliards de centimes pour que la SSPA puisse retrouver sa liberté de manœuvre et d’exercer les pressions avec une certaine efficacité (spécialité des clubs en difficulté) sur leurs joueurs.

Si ces atermoiements ou pratiques dilatoires sont (dans une certaine mesure) compréhensibles de la part des dirigeants ou de supporters, elles ne le sont guère du point de vue d’un ancien joueur. Pourtant, ce fut la voie choisie par Ismail Gana, ancien joueur et capitaine du NAHD qui, après avoir convenu qu’il est « inconcevable qu’un club comme le NAHD rétrograde trois fois en cinq ans » , fustigea ses successeurs en déclarant , qui plus est à la télévision, que « les joueurs n’avaient pas raison lorsqu’ils ont demandé l’argent en cette période délicate du championnat ». Après les avoir accusés d’être à l’origine de la situation catastrophique, il ajoutera, en substance que les questions gênantes pourraient être soulevées  à un autre moment, plus tard  au nom de « l’union sacrée pour essayer de sauver le club de la relégation ».   

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