dimanche 20 septembre 2015

Déplacements princiers, Le luxe tacle la performance


Deux départements ministériels sont totalement compatibles et complémentaires : le ministère de la jeunesse et des sports (dans la partie initiale de sa dénomination qu’est le volet sportif)  et celui du tourisme qui en profite en particulier dans le développement du tourisme urbain, celui qui consiste, pour les investisseurs privés, à édifier dans toutes les villes (grandes et moyennes) du pays des complexes hôteliers, des hôtels et des restaurants.
Les lecteurs sportifs ont certainement constaté qu’une partie notable du taux d’occupation de ces infrastructures  est à porter au compte des équipes sportives dont les délégations ont permis un retour sur investissement rapide et donc (l’un entraînant l’autre) l’agrandissement (extension) de l’infrastructure de départ.
Le football professionnel est le principal acteur de cet ₺enrichissement₺ rapide des investisseurs hôteliers. Du moins à l’intérieur du pays, dans les villes où ce type de structures touristiques n’est pas diversifié, nombreux et donc concurrentiel. Dans un déroulement normal des championnats nationaux de Ligue 1 et 2, ces hôtels-restaurants sont assurés de bonnes recettes au moins un weekend sur deux, grâce aux délégations qui souvent atteignent (et quelquefois dépassent) la quarantaine de personnes dont seulement 18 joueurs.  
Les équipes professionnelles de football (mais les autres ont le même schéma de fonctionnent) ne sont pas regardantes sur les dépenses de déplacements (transports, restauration, hébergement). Un examen sérieux de leurs comptabilité montrerait qu’elles sont le second chapitre des dépenses de fonctionnement (après les salaires évidemment).
Ceci est compréhensible puisqu’il s’agit, aux yeux des responsables, d’assurer et/ou de maintenir le standing du club, ces apparences qui font qu’il mérite ou pas ce statut fort valorisant qui permet toutes les dérives, toutes les dépenses y compris les plus saugrenues comme celles de devenir des habitués des hôtels les plus prestigieux (Sheraton, Hilton, Mercure, Marriott, etc.).
On notera aussi que, du point de vue des investisseurs, la gestion de ces infrastructures n’est pas aisée. Les clubs sportifs ne sont pas de bons payeurs et que, le plus souvent, ils bénéficient de crédits dont le paiement est difficile, toujours remis aux calendes grecques et toujours en attente de la réception des subventions étatiques englouties par le règlement des salaires astronomiques des joueurs. En fait, les clubs jouent aux grands seigneurs sans en avoir les moyens, en s’endettant.
Les clubs de football « amateurs » et les autres disciplines sportives (celles des sports collectifs en particulier) sont moins extravagants certes mais se plient (à un niveau moindre) à cette tentation à vouloir donner aux athlètes des conditions qui ne sont pas celles dont ils sont coutumiers et auxquelles ils n’aspirent même pas puisqu’elles leurs sont inconnues. Le standing n’est pas (en priorité) pour les athlètes mais pour les dirigeants qui s’y sont accoutumés au fil des ans, de leurs carrières d’entraineurs ou de dirigeants de clubs ou de leurs affaires personnelles.
Au cœur de la confrontation médiatique de l’hiver dernier entre Taoufik Makhloufi, la fédération algérienne d’athlétisme et le ministère de la jeunesse et des sports, un des sujets d’opposition frontale a été le refus de valider un stage de préparation en altitude (2 800 mètres) à Iten au Kenya. Un lieu connu par l’athlète pour y avoir déjà séjourné avec son groupe d’entrainement précédent (celui du somalien Adem Djamaa) et qui semblait le satisfaire. Le motif du refus ministériel était que le lieu d’hébergement de l’athlète ne correspondait pas à son statut de champion olympique. Pourtant Iten et Eldoret sont deux villes où la densité  de champions du monde est la plus importante en plus d’être lieu d’entrainement de David Rudisha, recordman du monde du 800 (1.40.91), champion du monde de la distance en 2011 et 2015, et incidemment l’auteur de la moitié des performances figurant au Top 20 de tous les temps)  qui les fit découvrir à Makhloufi. Ce qui n’est sans doute pas une référence pour des ronds de cuir.

Un article du journal « Le Monde », publié le 20 août dernier (deux jours avant le début des championnats du monde de Pékin), décrit le lieu qui avait vu la préparation des champions du monde kenyans : « Le gouverneur du comté d’Elgeyo-Marakwet a donc organisé un déjeuner d’adieux à l’hôtel d’altitude qui accueille les sept champions durant leur entraînement. Dans la salle à manger, la peinture n’est pas terminée, des traces de pinceau blanchâtres zèbrent le plafond d’où pendent des câbles électriques ».

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire