mardi 29 novembre 2016

Polémiques (56), L’exil d'Anou

La fameuse philosophie de l’excellence, dont se prévalent (dans la perpétuation de la vision qu’en avait Saïd Lounnas mais sans les qualités de leader charismatique de ce dernier) les Amar Bouras et ses compagnons, a montré ses lacunes, son caractère subjectif et, semble-t-il, exclusif.

Abdelhamid Zerrifi, en évoquant le cas d’Abderrahmane Anou, déclare, sans donner beaucoup de détails,  sans approfondir le sujet, que le jeune coureur de 1 500 mètres «a réalisé les minimas sur le 1500 m (3'35)  pour les Jeux olympiques de Londres en 2012 ». On comprend implicitement qu’à Londres, Anou (3ème performer algérien en 2011 et 2ème en 2012 avec des chronos établis en juillet et en juin) aurait pu être un compagnon de route pour Toufik Makhloufi qui, lors de ces Jeux marquant le début de son ascension, remporta une médaille d’or que nul n’entrevoyait. Surtout pas à la FAA. Il n’était pas dans les plans de la DTN. Le jeune Anou n’y figurait pas non plus.

Une médaille conquise  dans des conditions qu’il serait préférable d’oublier tant elles sont indignes d’une fédération performante, prétendante à la gloire olympique. Des conditions qui provoquèrent un débat déprimant pour les jaloux des couleurs nationales. Un contexte sportif et réglementaire qui fit de cette fédération la risée du monde athlétique.

Lorsque l’on replonge dans le passé récent, celui de la dernière olympiade, nous devons préciser qu’aux jeux olympiques de Londres (2012), prétexte à l’exclusion d’Abderrahmane Anou, Ammar Bouras n’était pas encore le président de la FAA. Il le deviendra quelques mois plus tard.

Le DTN, pierre angulaire du projet sportif de la fédération, était en poste. Il est d’ailleurs toujours en place. Si puissant, si incontournable dans l’édifice fédéral  que le président Bouras, ayant dégommé (unilatéralement, en dépit des règles de nomination des cadres permanents des fédérations) le secrétaire général de la fédération, l’a proposé au ministère de la jeunesse et des sports pour assurer l’intérim.

En 2011, Anou avait couru le 1 500 en 3.35.2 à Alger. La meilleure performance de Makhloufi avait été cette année-là 3.34.4. L’année suivante, année olympique, il récidivait avec un chrono de 3.35.62. Comme le dit si   bien Zerrifi, «  À 21 ans seulement, ils ne l’ont pas emmené sans aucune raison. Pourtant, il s’agit d’un jeune très prometteur ». Ce n’est que le point de vue d’un athlète marginalisé, en colère, frustré par ce qui lui arrive qui devient le défenseur d’un nouveau coéquipier. On dira ensuite que l’athlétisme est un sport individuel.

Les décisions fédérales changent avec le temps. En 2012, un jeune coureur au profil relativement consistant (vice-champion du monde junior en 3.38, membre du « Top 3 » algérien sur sa distance de prédilection deux années successives qui se révèlent être l’année préolympique et l’année olympique, auteur au cours de ces deux mêmes années d’un 3.35 le classant autour de la 50ème place mondiale) n’est pas retenu pour les jeux olympiques pour courir la distance préférée des Algériens. Quatre ans plus tard, un autre jeune, du même âge (21 ans) n’ayant pas atteint la maturité du premier, avec un chrono le hissant à la 62ème place mondiale fait partie du voyage.

Zerrifi observe que, 4 ans après que la fédération ait pris  la décision de le laisser à la maison, Abderrahmane Anou « est maintenant délaissé ». En réalité, au début de la dernière saison sportive (2015-2016), Anou avait disparu complètement du paysage athlétique algérien. Personne ne savait ce qu’il était devenu. Jusqu’à ce que nous retrouvions sa trace dans un article, paru sur un site français, indiquant sa présence à Montpellier.

Nous devons supposer que c’est cette situation de rejet qui l’a conduit sur le chemin difficile de l’exil pour tenter de renaître sportivement. Un exilé qui a rompu le lien qui l’attachait à la FAA et aux subsides des pouvoirs publics. Zerrifi qui connait bien le milieu ajoute pour rencontrer régulièrement ses compatriotes (les athlètes-migrateurs et les coureurs exilés) dans les compétitions organisées sur le sol français : « … et il n'est pas le seul! ».


Combien sont-ils ? Combien ont-ils été ? Nous ne le savons pas et nous ne le sauront pas. Les réseaux sociaux indiquent cependant que la progéniture des champions d’il y a un quart de siècle ont fondé des foyers féconds en jeunes champions s’exprimant valeureusement en terre d’exil. 

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire