mardi 26 juillet 2016

« Mo » Farah (3), Les acteurs de la globalisation ?

H
éros du Royaume Uni, depuis son double sacre olympique (5 000 et 10 000 mètres) « at home », dans la  capitale de Grande Bretagne et du Commonwealth, Mo Farah était, jusqu’au début de l’année 2011, un bon coureur de niveau mondial de demi-fond long. Rien ne le distinguait de ses pairs de cette Corne d’Afrique dont il est lui aussi natif si ce n’est qu’il porte le maillot du pays qui l’a accueilli dans sa jeunesse.

En rejoignant le Nike Oregon Project, Mo Farah a franchi un nouveau cap. Les performances qu’il réalisa à partir du  mois de février sont expliquées par les techniques d’entraînement moderne (dont on sait très peu de choses) et des moyens  qui lui sont offert par l’équipementier Nike et bien sur la collaboration avec cet Alberto Salazar qui révolutionna le marathon vingt ans plus tôt.

Dans ces explications, nous percevrons une vision réductrice sur l’athlétisme de cette région d’Afrique fournissant - années après années, de cycles olympiques en cycles olympiques - de grands champions se succédant, comme les vagues déferlant les unes à la suite des autres sur une plage.  Depuis Abebe Bikila (en 1960 et 1964) puis Kipchogue Keino, Naftali Temu, Mamo Wolde (en 1968) et ensuite leurs successeurs (aussi bien Kenyans qu’Ethiopiens ou encore Somaliens ou Djiboutiens), des Africains se sont hissés sur les podiums des courses de demi-fond d’abord aux jeux olympiques, lorsque ceux-ci étaient l’unique compétition sportive à l’échelle planétaire, puis plus tard aux championnats du monde d’athlétisme.

Pour expliquer ces résultats, tous les arguments susceptibles de traverser l’esprit ont été présentés. L’altitude, les conditions de vie sociale, l’alimentation, le morphotype, la biologie, la biomécanique, etc.. Toutes les pistes ont été explorées. Y compris les plus « sottes et grenues ».

On oublie que la pratique sportive normalisée, codifiée par des instances sportives (IAAF, CIO) est un produit culturel arrivé, dans la forme qu’on lui connait présentement, dans les bagages des colonialismes européens (français, britannique, allemand, espagnol, portugais, italien, belge) puis des influences idéologiques américaines et soviétiques qui marquèrent fortement les nations africaines à partir des indépendances (1960) à travers les programmes de scolarisation, de soutien aux pays non alignés ou d’aide au développement.

 Peu importe la forme revêtue, il s’agissait de faire pencher le fléau de la balance  vers l’une des deux idéologies dominantes : le libéralisme ou le communisme. Le « non alignement », né à la conférence de Bandoeng, créant une voie nouvelle, tenta autant que possible de tenir à l’écart des deux grands courants idéologiques les Etats-Nations en gestation d’Afrique et d’Asie, les pays qui formèrent le Tiers-Monde avant de devenir les pays en voie de développement.

Au recouvrement de leurs souverainetés nationales, ces nouvelles nations firent appel aux « pays frères » de l’Europe de l’Est ou aux anciennes puissances dominantes occidentales, à la coopération technique. Une observation très superficielle montre que les aires d’influence de la période coloniale ont perduré. Dans cette « Corne de l’Afrique » qui nous intéresse ici les Britanniques et les Italiens sont en territoire culturellement et sociologiquement conquis. Derrière chaque champion (ou groupes de champion) on retrouve un pasteur, un médecin, un enseignant originaire de ces deux pays.


Pour clore cette parenthèse, nous dirons que la réussite des coureurs africains est le résultat de de la communion des talents naturels (y compris les paramètres qui renvoient aux fondamentaux de la pensée colonialiste) et des conditions sociales (l’ascenseur social) d’une part et des techniques et technologies empruntées à l’Eurasie et à l’Amérique du Nord sans occulter les dérives et autres dérapages provoqués par la course aux médailles dont le dopage. Le nombre d’athlètes de cette région du continent noir concernés par ce fléau pousse à se demander quelquefois si ces athlètes ne seraient pas les cobayes de pratiques expérimentales à l’échelle humaine. Des sortes de testeurs de produits pharmaceutiques comme il existe des testeurs de chaussures. Ils sont les acteurs de la globalisation.

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